ALAIS Auguste, Louis, Gabriel (écrit aussi ALLAIS Auguste)

Par Philippe Darriulat

Né le 2 février 1822 à Paris, mort le 12 janvier 1887 à Brévannes (Seine-et-Oise, aujourd’hui Limeil-Brévannes, Val-de-Marne) ; ouvrier horloger et chansonnier.

Auguste Alais. Photo des Archives nationales.
Auguste Alais. Photo des Archives nationales.
Communiqué par Philippe Darriulat

Le père d’Auguste Alais s’appelait Louis, Marie Alais et sa mère Catherine, Françoise Guillard. Le couple avait précédemment eu un autre fils, Louis, né en 1817, et une fille, Jeanne, née en 1819.

Ouvrier horloger, Auguste Alais se présente, dans une chanson de 1846 (Ma Richesse), comme le « fils d’un soldat, vieux débris de l’Empire », mais nous ne disposons pas de renseignements sur son enfance et sa formation. Seul Paul Avenel affirme qu’il aurait reçu « une certaine instruction ».

Pilier de la goguette parisienne, il fréquente particulièrement les Enfants de la vigne et surtout les Enfants du Temple, une société présidée par Victor Rabineau qui tient ses séances tous les jeudis à Belleville dans un cabaret à l’enseigne de l’Assommoir. Il y retrouve notamment Charles Gille, Eugène Baillé, Eugène Imbert, Gustave Leroy, Noël Mouret et Charles Colmance.

Son répertoire est assez éclectique : il propose des chansons d’amour, des romances, et des gaudrioles - comme la Madelon, Le Nez rouge ou La Pin sauté - insérées dans les petits livrets que font circuler les colporteurs (La Lyre du siècle, Le Panthéon, La Chanson du XIXe siècle, les Étincelles lyriques, Les Échos du Vaudeville, l’Album du ménestrel, etc.). Parmi les productions d’Auguste Alais, les chansons politiques occupent une place déterminante. Dès 1846 il publie chez Vieillot un Hymne des travailleurs dans lequel il se fait l’avocat du suffrage universel au nom des « droits de l’humble travailleur ». La même année, il fait paraître la Lyre du peuple - un mensuel chantant dont nous n’avons conservé qu’un seul numéro - il y réaffirme ses convictions démocratiques (« Aux Amis de la table ronde », « Les Faquins du jour »), patriotiques (« Oui, j’aime mieux être Français »), et violemment anticléricales (« Plus de Jésuites », « Le Pape et ses cardinaux »).

C’est donc assez naturellement qu’il exprime sa joie à l’annonce de la proclamation de la République en février 1848 (Vive la république, Le Drapeau de la Liberté, Aux prisonniers de Saint-Michel, ces deux derniers titres étant édités par Louis-Charles Durand). Sa sensibilité démocratique se manifeste particulièrement dans La Faubourienne. Il participe alors à toutes les publications chantantes républicaines dans lesquelles les questions sociales s’expriment avec force. Dans La Voix du peuple, ou les républicaines de 1848, il reprend les titres publiés précédemment en feuilles séparées et en propose d’autres à la gloire du peuple révolutionnaire (« Le Parisien en action », « Les Joyeux enfants de Paris »), du progrès et de la raison (« Le Panthéon », « Le Progrès ») ou des principes de la démocratie sociale (« Jésus républicain »).

Dans « Aux riches » il prend cependant ses distances avec les communistes en promettant le respect des propriétés pour peu que les capitalistes acceptent le principe de Fraternité. La tournure prise par les événements après les journées de juin et l’élection de Louis-Napoléon suscite son inquiétude et une profonde déception. Fin 1849 il écrit à Louis-Marie Ponty pour l’inviter à l’enterrement d’Auguste Loynel, où vont se retrouver « une flotte de goguettiers » et « tous ces jeunes barbares de socialistes, va-nu-pieds comme nous ». Il date alors sa missive du « 14 brumaire l’an 58, de la République une et indivisible, peu démocratique et pas du tout sociale ». Cette déception se serait aussi exprimée dans une introduction rédigée en 1850 pour une édition de ses œuvres complètes qui ne vit jamais le jour.

Les titres qu’il écrit témoignent de son adhésion à un néo-jacobinisme alors très répandu parmi les démocrates-socialistes de la capitale : L’Ombre de 93 rend hommage à Robespierre « l’incorruptible, le niveleur » et son Saint-Just, de janvier 1851, justifie la Terreur. Au lendemain du coup d’État il conserve ses opinions et continue à écrire des vers dénonçant les conditions d’exploitation des ouvriers (Le Refrain de Mathurin de juin 53, Chanson de la chemise qui dépeint les duretés du travail de la couturière). Il affirme aussi de plus en plus fermement ses convictions de libre-penseur (Athéisme rebaptisé ultérieurement Chant matérialiste) et de républicain quarante-huitard nostalgique (Du temps de Marianne, Salut grande voix de l’exil en l’honneur de Victor Hugo). Autant de chansons qui ne sont bien évidemment jamais publiées. Il fait cependant imprimer quelques refrains, comme le Palais de l’industrie (Durand, mai 1855) à l’occasion de l’exposition universelle, qui lui permettent d’affirmer sans risques sa croyance dans les vertus du progrès.

Il reste très lié avec les chansonniers et semble avoir participé à tous les rassemblements organisés par ceux-ci sous l’Empire. En avril 1856 il écrit de nouveau à Ponty, cette fois pour l’inviter à l’enterrement de Charles Gille, dans des termes qui témoignent de son dégoût pour la période dans laquelle il vit. Informant son interlocuteur de la publication de nouveaux volumes de poésies de Hugo – certainement Les Contemplations – il écrit : « comme si la France aujourd’hui en valait bien la peine, avec son troupeau de crétins, stupides et méchants, qui n’a tout juste de courage que pour insulter ceux qui, pour lui, peuplent les cachots, les cercueils et la terre étrangère ». Après 1870 il salue le retour de la République (La Bien venue) qu’il trouve cependant un peu « difforme et maladive » à cause de ceux qui ont voulu la faire « Versaillaise » plutôt que « Marseillaise ». Admis à la SACEM en 1858, il y occupe diverses responsabilités sous la IIIe République.

Il finit ses jours pauvre et malade dans un hôpital de Brévannes (Seine-et-Oise) où il essaie de réunir l’ensemble des chansons qu’il a écrites, toujours dans l’espoir d’une éventuelle publication. Sur la couverture de cet album manuscrit il inscrit sa dernière volonté de libre-penseur « A ma mort, pas d’église ».

Auguste Alais s’était marié le 8 août 1844 avec Élisabeth, Joséphine Rondeau (ou Rondot selon les versions). Ils avaient eu un fils ensemble, Auguste, Louis, Marie Alais, qui était mort à 21 ans à leur domicile.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24977, notice ALAIS Auguste, Louis, Gabriel (écrit aussi ALLAIS Auguste) par Philippe Darriulat, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 3 juin 2021.

Par Philippe Darriulat

Auguste Alais. Photo des Archives nationales.
Auguste Alais. Photo des Archives nationales.
Communiqué par Philippe Darriulat

SOURCES et bibliographie : Archives Nationales, AB XIX 707 (collection Bachimont). — Henri Avenel, Chansons et chansonniers, Paris, C. Marpon et E. Flammarion, 1890. — Marius Boisson, Charles Gille ou le chansonnier pendu (1820-1856), histoire de la goguette, Paris Peyronnet 1925 . — Pierre Brochon. La chanson française. Le Pamphlet du pauvre (1834-1851). Paris, Éditions Sociales, 1957. — Philippe Darriulat, La Muse du peuple, chansons sociales et politiques en France 1815-1871, Rennes, PUR, 2010. — Notes de E.L. Newman. — Site Filae. — Notes de Renaud Poulain-Argiolas.

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