RAGOUGET Louise

Par Jean Belin

Née le 19 novembre 1859 à Cluny (Saône-et-Loire), ouvrière d’Etat ; syndicaliste des Tabacs de la Côte-d’Or ; militante associative.

Fille de François Buthey, potier, et de Marie Dufour, journalière, Louise Ragouget était embauchée à la Manufacture des tabacs dès sa création en 1885 au boulevard Voltaire à Dijon. En juin 1893 et en avril 1895, elle fut élue présidente du syndicat des ouvrières des tabacs de Dijon succédant à Elise Roth. Le syndicat qui fut créé en décembre 1890 compta 220 syndiqués en 1906 (60% des ouvrières de l’usine). Il y eut aussi un syndicat des ouvriers des tabacs et allumettes de Dijon dans le même établissement qui se regroupa avec le syndicat des ouvrières en 1913 pour compter ensemble 394 adhérents, dont 80% de femmes. Ces deux syndicats (ouvriers et ouvrières) étaient affiliés à la Bourse du travail de Dijon.
En février 1895, Louise Ragouget anima un mouvement de grève dans l’usine. La quasi-totalité des ouvrières et des ouvriers cessèrent le travail pour protester contre les propos diffamatoires du directeur envers une ouvrière. A l’origine de la mobilisation, le directeur de l’usine voulut imposer la fondation d’une société de secours mutuels dans la Manufacture de Dijon afin de faire payer par les ouvriers eux-mêmes les frais de maladie ou d’accident qui incombaient à l’Etat.
Une délégation syndicale conduite par Louise Ragouget se rendit auprès du directeur pour l’informer du refus des salariés de se voir imposer cette disposition antisociale. De colère, le directeur prit à partie une ouvrière présente dans la délégation en lui tenant des propos injurieux. La grève qui dura plusieurs jours eut un retentissement national. Louise Ragouget et son camarade Bonnot, trésorier du syndicat, furent désignés par les grévistes pour se rendre à Paris afin de rencontrer le ministre des Finances qui accepta de les recevoir. Ils furent accueillis et soutenus par plus d’un millier de salariés des Manufactures de tabacs de la région parisienne mobilisés à l’appel de la Fédération nationale des ouvriers et des ouvrières des tabacs. Embarrassé par cette affaire et devant l’élan de solidarité qui se développa dans toutes les Manufactures des tabacs de France en soutien aux grévistes de Dijon, le ministre des Finances ordonna une enquête qui confirma les propos tenus par le directeur de l’usine de Dijon. Ce dernier fut remplacé quelques semaines plus tard et le projet de création de la société de secours était abandonné.
Louise Ragouget était déléguée pour le syndicat de Dijon au congrès de la Fédération nationale des ouvriers et ouvrières des Manufactures de tabacs, qui se tint en juin 1894 à la Bourse du travail de Paris, ainsi qu’au congrès de juillet 1896 où elle fut assesseur lors de la première séance auprès du président de séance Hubert Lelorain.
Elle fut aussi coprésidente en 1911 avec Michel Chanceaux, du comité des ménagères créé par les militants de la Bourse du travail en réaction contre la vie chère. L’action du comité visait d’abord à un contrôle des prix pratiqués sur les marchés et dans les commerces par les ménagères et à dénoncer les abus en matière de hausse tarifaire
Elle se maria à Dijon le 15 décembre 1883 avec Philippe Henri Ragouget, chauffeur au chemin de fer, décédé en 1895 avec lequel elle n’eut pas d’enfant.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article250377, notice RAGOUGET Louise par Jean Belin, version mise en ligne le 13 août 2022, dernière modification le 11 août 2022.

Par Jean Belin

SOURCES : Arch. Municipales de Dijon, sous-série 7F. — Le Rappel des travailleurs, éditions de février 1895. — Arch. Dép. Côte-d’Or, 10 M 97. — Gallica, La Liberté, édition du 9 juillet 1896 et La Dépêche de Brest, édition du 10 juillet 1896. — Gallica, Le Radical, édition du 24 février 1895. — Les femmes et l’organisation syndicale avant 1914, madeleine Guilbert, centre national de la recherche scientifique, réédition de février 2021. — Arch. Dép. de Saône-et-Loire et de Côte-d’Or, état civil, recensement de la population.

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