ALTAROCHE Marie, Michel, Agénor

Par Philippe Darriulat

Né le 18 avril 1811 à Issoire (Puy-de-Dôme), mort le 13 mai 1884 à Vaux (Allier). Écrivain journaliste et chansonnier, commissaire du Gouvernement provisoire dans le Puy-de-Dôme en 1848, représentant du peuple à l’Assemblée constituante de 1848.

Altaroche
Altaroche
Communiqué par Philippe Darriulat

Fils d’un avocat connu qui se fait remarquer en 1824 par la publication d’un texte protestant contre les rigueurs du système électoral qui le prive du droit de vote (Réclamation de MM. Altaroche, avocat et Cisternes, ancien officier de cavalerie, Clermont-Ferrand, 1824), Agénor fait ses études à Paris où il participe à l’agitation menée par l’opposition libérale. Au lendemain des journées de juillet il publie chez Terry La Chambre et les écoles un texte en vers daté du 26 décembre 1830 dénonçant la corruption et la lâcheté du régime déchu, tout en refusant, au nom des « enfants des écoles », que la peine de mort soit appliquée aux ministres de Charles X (« Le peuple n’est pas un Néron/ Qui se régale de supplices. ») Lié aux milieux de la gauche démocratique il se radicalise et devient membre de la Société des droits de l’homme pour laquelle il rédige des brochures comme, en 1833, Du gouvernement en général, texte dans lequel il loue les terroristes de 1793 et prône l’instauration d’un système qui substitue « le règne des travailleurs à l’exploitation des prolétaires. » Journaliste, il collabore, pendant la monarchie de Juillet, aux principaux titres de l’opposition républicaine (La Tribune, Le Populaire, Le Journal du peuple, La Caricature, Le National et surtout Le Bon Sens dont il prend la direction et le Charivari qu’il fonde en 1832 avec Louis Desnoyers et Albert Clerc et dont il devient le directeur). Au lendemain des journées insurrectionnelles de juin 1832 il salue les combattants des barricades parisiennes dans un texte en vers que diffuse la Société des droits de l’homme (6 Juin, Deuil). A partir de cette date il multiplie les chansons républicaines que font circuler les réseaux militants de ce parti. Un choix justifié en 1838 par l’efficacité de ce mode d’expression pour toucher les milieux populaires (Préface aux Contes démocratiques distribués par Pagnerre). En 1834 il participe, toujours chez Pagnerre, au recueil Les Républicaines, chansons populaires des révolutions de 1789, 1792 et 1830. Présenté par son éditeur comme « le chantre du prolétaire » il y dénonce les souffrances des plus démunis (« Le Peuple a faim », « Le Prolétaire », d’après Victor Bouton c’est cette dernière chanson qui « a fait la fortune et la renommée politique de son auteur », il affirme par ailleurs qu’on l’entend encore en 1848 dans les guinguettes des barrières) et obtient un franc succès avec « Gros, gras et bête » qui, sous couvert de dénonciation du budget, tourne en ridicule le nouveau roi des Français. Ces textes lui valent quelques problèmes avec la justice. Le 6 novembre 1835 il comparaît en compagnie de Pagnerre et de l’imprimeur Herhan devant la Cours d’Assises de la Seine pour « excitation à la haine et au mépris du gouvernement, de provocation à son reversement et d’offense envers la personne du roi ». La défense des accusés prône la prescription en faisant valoir que les chansons incriminées avaient déjà été publiées antérieurement, notamment dans la Glaneuse et Le Bon sens. Le jury ne retient que le délit d’offense envers le roi pour le seul [Pagnerre] qui est condamné à 6 mois et 500 francs (Gazette des tribunaux, 7 novembre 1835). A cette époque circule dans les milieux républicains une Pétition d’un voleur à un roi son voisin signée d’Altaroche dont Pierre-François Lacenaire revendique la paternité (Gazette des tribunaux, 12 novembre 1835). Il faut dire que les deux hommes ont eu, avant l’arrestation du plus célèbre criminel de la monarchie de Juillet, des relations conflictuelles. Altaroche a en effet fait paraître dans Le Bon sens un article de Lacenaire intitulé « Les Prisons et le régime pénitentiaire », sans pour autant rétribuer son auteur ce que ce dernier ne lui pardonne pas. A la même époque la police saisit plusieurs de ses papiers personnels lors d’une perquisition organisée au Charivari dans le cadre de l’affaire Fieschi. En 1838 Pagnerre publie un recueil des Nouvelles Chansons politiques d’Altaroche qui fait suite à un premier volume que n’a pas conservé la Bibliothèque nationale de France. Ce second tome rassemble vingt-quatre titres qui reprennent les thèmes habituels de l’opposition républicaine et notamment la dénonciation du régime accusé d’avoir trahi la révolution de 1830 pour engraisser quelques parvenus. Malgré ses convictions très marquées il a des relations suivies avec le boulanger poète Jean Reboul. Ce dernier, ardent légitimiste, lui adresse notamment A Monsieur Altaroche, une chanson faisant un mauvais sort au Trois glorieuses. Ces polémiques chantantes auraient connu une suite lorsque Altaroche demande, sans succès, à son ami de se faire l’avocat des revendications populaires (Abbé Marcel Bruyère, Jean Reboul de Nîmes (1796-1864), sa vie, son œuvre, 1923, p. 107). Correspondant de [Cabet] exilé à Londres (mai 1834-Avril 1839) il collabore au Populaire, N’appartenant pas au monde des ouvriers, Altaroche n’a manifestement pas participé aux goguettes. En revanche il était membre du Caveau, dès 1833 selon Arthur Dinaux (Les Sociétés bachiques, littéraires et chantantes, 1867, t. I, p. 258), à partir de 1839 seulement selon Bachimont (AN, AB XIX 707). Toujours est-il qu’il n’arrive pas, malgré des couplets grivois (La Confession d’un abbé), à s’entendre avec les membres de cette société où l’on refuse la politique. Il prend donc ses distances puis démissionne au milieu des années 1840. En 1842 il signe, avec notamment [Louis Blanc] et [Félix Pyat], le programme du Journal du peuple que lance [Godefroy Cavaignac], participe au recueil Paris révolutionnaire et rédige l’article « Propagande » du Dictionnaire politique, encyclopédique du langage et de la science politiques dirigé par [Garnier-Pagès] avec lequel il s’est lié d’amitié. Altaroche se lance également dans la littérature : un roman assez moral Aventures de Victor Augerol racontées par lui-même (1838) où il dénonce les méfaits de l’adultère et une comédie, Le Corrégidor de Pampelune, représentée pour la première fois au théâtre français le 23 mars 1843. La Révolution de février 1848 fait de lui un commissaire du gouvernement provisoire pour le Puy de Dôme. Elu de ce département à la Constituante par 110000 de ces administrés, il s’oppose à la liste emmenée par Rouher. Il siège parmi les républicains modérés du groupe Marie et soutient Eugène Cavaignac lors de l’élection présidentielle de décembre. Dès 1849 il semble s’être retiré de l’action politique pour se consacrer totalement au travail d’auteur dramatique. Il devient un des fondateurs de la Société des gens de lettres et dirige l’Odéon de 1850 à 1853. Il aurait aussi créé les Folies Bergères.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article25073, notice ALTAROCHE Marie, Michel, Agénor par Philippe Darriulat, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 17 mai 2018.

Par Philippe Darriulat

Altaroche
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Communiqué par Philippe Darriulat

ŒUVRES : Nouvelles chansons politiques, Paris, Pagnerre, 1838. — Contes démocratiques, dialogues et mélanges, Paris, Pagnerre, 1838. — Assemblée nationale. Proposition tendant à charger une Commission mixte de transformer l’impôt des boissons présentée, le 7 juillet 1848, par le citoyen Altaroche, Paris, 1849. — Société des Droits de l’homme et du citoyen. 6 juin ! Deuil, Paris, (s. d.,). — Société des droits de l’homme et du citoyen. Du gouvernement en général. Paris, (1833).

SOURCES et bibliographie : AN : ABXIX 707 (collection Bachimont). — CC 596 d 1 n°5. — CC 696. — Victor Bouton, Profils révolutionnaires, Paris, sd [1848-1849]. — Robert, Bourloton, Cougny, Dictionnaire des Parlementaires, Paris, 1891. — Dictionnaire de Biographie française, de Balteau, Barroux, Prévost. L’article a été rédigé par Robert Schnerb, spécialiste de la révolution de 1848 dans le Puy-de-Dôme. — il est muni d’une bibliographie complète. — La Chanson française. Béranger et son temps. Introduction et notes par Pierre Brochon, Éditions sociales, Paris, 1956. — Philippe Darriulat, La Muse du peuple, chansons sociales et politiques en France 1815-1871, Rennes, PUR, 2010. — Notes de T. Bouchet, J. Grandjonc, J. Risacher.

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