JOUVIN Pierre, Louis, Alfred

Par André Delestre

Né le 7 mai 1927 à Caen (Calvados), mort le 2 avril 2020 à Bois-Guillaume (Seine-Maritime) ; maçon-briquetier-boiseur puis visiteur à la SNCF ; militant CGT ; URJF puis PCF ; résistant puis combattant volontaire ; Fédération espérentiste du travail (FET) ; comité France-RDA ; ANACR, ANCAC et FNDIRP.

Pierre Jouvin
Pierre Jouvin

Le père de Pierre, Louis Jouvin fut couvreur puis agent des lignes PTT. Militant de la CGT et du PCF, résistant de la première heure, il fut arrêté et déporté. A son retour de Auschwitz, il fut élu maire de Grand-Quevilly. La mère de Pierre, Yvonne née Poulain, fut modiste puis femme au foyer. Elle-même, militante, fut résistante FFI. Il eut un frère, Jean-Louis, qui travaillait comme grutier sur le port de Rouen et fut militant de la CGT, membre du PCF et conseiller municipal de Grand-Quevilly.
Pierre Jouvin suivit sa scolarité à l’école primaire Roger Salengro de Grand-Quevilly (Seine-Maritime). En 1940, de retour d’exode, il réussit le Certificat d’étude primaire. A 14 ans, sollicité par ses parents engagés au Front national, il sert de relais clandestin avec Michel Muzard, résistant, instituteur à l’école Salengro. Son père arrêté puis déporté à Auschwitz en juillet 1942, sa mère en fuite et disparue dans la clandestinité en décembre 1942, il se retrouva seul dans la vie pour subvenir à ses besoins. Il trouva du travail auprès d’entreprises de travaux publics, sous-traitantes de l’organisation Todt, telle la Compagnie Métropolitaine coloniale. Sa mère, résistante dnas un réseau de l’Oise, réussit à l’en extraire et lui trouva un hébergement dans une famille de résistants de l’Oise ainsi qu’un emploi dans un chantier naval de péniches tenu par la résistance. Il participa à la lutte contre l’occupant, en effectuant divers sabotages et opérations de guérilla sous les ordres de ses responsables FTPF puis FFI. Il participa à la libération de Thourotte, et agit sous les ordres des premiers officiers français dans le sillage de l’armée américaine. L’un d’eux proposa aux maquisards de signer un engagement pour la durée de la guerre. Le 29 aout 1944, Pierre Jouvin devint fantassin de 2è classe à 17 ans. Il fut intégré à la 2e armée britannique, porta l’uniforme anglais, reçut de l’armement et une instruction militaire anglaise. À l’issue de sa période de formation à Hermanville-la-Brêche (Calvados), il fut envoyé dans le Nord sous les bombardements, affecté au siège de Dunkerque tenue par le général Freysius, fidèle de Hitler. Dunkerque, encerclée, dos à la mer, bloquée par les marais de la Colme envahis par les eaux, Pierre Jouvin apprit le tir aux mortiers et fit partie des troupes qui, le 9 mai 1945, libèrent la ville de Dunkerque, détruite à 80%. Il resta stationné au Quesnoy, participa au défilé de la victoire le 18 juin 1945 à Paris. Envoyé à la protection des installations portuaires de Nantes, il fut démobilisé le 28 octobre 1945.
Jusqu’en 1947, il fut chauffeur de clous aux Chantiers de Normandie de Grand-Quevilly, dans la construction navale, puis passa un diplôme de maçon-briquetier- boiseur au CFA de Franqueville-Saint-Pierre qui lui permit de travailler comme ouvrier qualifié chez Doublet, La Rophi, Drouard et Morineau jusqu’en 1956.
En mars 1956, il entra comme manœuvre aux Ateliers SNCF de Quatre-Mares à Saint-Etienne du Rouvray. Il fut affecté à la conduite des ponts roulants. De 1963 à 1976, il fut visiteur de gare, puis technicien visiteur jusqu’en 1980 avant d’être chef d’équipe. En mai 1982, il fit valoir ses droits à la retraite.
En 1945, dès son retour de l’armée, il se syndiqua à la CGT, affilié à la fédération du bâtiment et des travaux publics. En 1956, il rejoignit le syndicat CGT des cheminots de Sotteville-Lès-Rouen. Robert Guéroult lui proposa d’être élu du personnel. Il le resta toute sa carrière. En mai 1968, dans l’atelier de maintenance de Sotteville-lès-Rouen occupé, il s’attela à sauvegarder l’outil de travail malgré les provocations extrémistes.

Militant de l’Union de la jeunesse républicaine de France (URJF), en 1947, Pierre Jouvin fit l’école des cadres à Marly-le-Roy. Il y rencontra Frédéric Joliot-Curie venu faire un cours sur l’atome et Félix Houphouët Boigny. Il en devint responsable fédéral avec Maurice Hébert jusqu’en 1954. Il côtoya René Louvel, Raymond Flandre, Marcel Letessier, Roland Leroy, Lucien Ducastel, Jean Malvasio, Colette Privat.
Il participa activement aux manifestations pour la paix en Afrique du Nord et contre la guerre d’Algérie. Les 5 et 7 octobre 1955, il s’opposa à l’envoi du contingent devant la caserne Richepanse. Plus tard lors d’un rassemblement à Petit-Quevilly, il fut arrêté et frappé, avec Jacques Vigor. A nouveau, il fut arrêté alors qu’il incitait à se rendre à un meeting anti-guerre. Emprisonné 4 jours au Palais de Justice puis à la prison Bonne-Nouvelle de Rouen, il fut soutenu par Célestin Dubois, sénateur, président du Secours Populaire, qui paya les frais d’avocat et par Tony Larue, député et maire de Grand-Quevilly. Libéré, le motif « politique » fut abandonné pour le motif fallacieux de « insultes à agents de police dans l’exercice de leurs fonctions ».
Il fut membre d’une cellule locale du PCF à Grand-Quevilly et prit la responsabilité de la diffusion de l’Humanité dimanche.

À partir de 1957, il rejoignit la Fédération Espérantiste du Travail (FET), mouvement espérantiste pour la Paix. En 1958, il prit la parole au congrès international de Budapest en 1958 pour dénoncer les guerres coloniales de la France et parler des luttes engagées par le peuple français et contre la répression Raymonde Dien, Alban Liechti, Henri Martin. Participant à de nombreux congrès internationaux (Finlande, Chine, Allemagne, Viet-nam, Danemark...), il resta membre de la FET jusqu’à son décès, ayant mis fin à son mandat de trésorier international quelques années auparavant.
En 1965, membre du comité France-RDA de Rouen-Potsdam, il fit partie de la délégation invitée à la commémoration des 20 ans de la libération de Berlin. Logé à Cécilienhof, où furent signés les accords de Potsdam, il rencontra et eut une conversation « serrée » avec le maréchal Rokossovski, le libérateur de Berlin.

Combattant volontaire de la Résistance, Pierre Jouvin fut membre de l’Association nationale des anciens combattants de la résistance (ANACR) , des Cheminots Anciens Combattants (ANCAC) et de la Fédération nationale des déportés, internés, résistants, patriotes (FNDIRP). Il en fut le secrétaire départemental pendant des années.
Organisé annuellement par la ville de Petit-Quevilly, jusqu’en aôut 2019, il rappelait la mémoire de ses camarades du Maquis de Barneville , comme celle des martyrs de la forêt de la Londe.
Il fut marié à Paulette Roisset (1929-1984). Elle était secrétaire de direction aux Cables de Lyon, à la Compagnie générale d’électricité puis chez Lassart. Elle fut membre de l’UJRF. Le couple eut deux enfants, Catherine, née en 1950 et Yanick en 1954.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article251023, notice JOUVIN Pierre, Louis, Alfred par André Delestre, version mise en ligne le 14 septembre 2022, dernière modification le 8 octobre 2022.

Par André Delestre

Pierre Jouvin
Pierre Jouvin
carte du combattant
carte du combattant

SOURCES : Archives familiales ; Souvenirs de Pierre Jouvin (2018) ; Notes de Catherine Voranger ; Archives municipales de Grand-Quevilly ; Michel Croguennec "1943, le maquis de Barneville" aux Editions L’écho des vagues ;

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