DEMUNCK Victor André Richard.

Par Adrian Thomas et Jules Pirlot

Grivegnée (aujourd’hui commune de Liège, pr. et arr. Liège), 10 novembre 1924 – Herstal (pr. et arr. Liège), 26 août 2022. Militant communiste, actif au sein des mouvements de jeunesse (Pionniers et Jeunesses populaires de Belgique), pacifiste, gazier, trésorier national du Parti communiste de Belgique, syndicaliste, ingénieur industriel.

Victor Demunck, s.l., vers 2000 (collection privée).
Victor Demunck, s.l., vers 2000 (collection privée).

Le père de Victor Demunck est un typographe liégeois, militant d’abord anarchiste puis socialiste du syndicat du livre. À la mort en 1930 de sa mère, marchande de fleurs, il est placé sous la responsabilité d’un tuteur, mineur au charbonnage Belle-Vue à Herstal et syndicaliste socialiste, qui décédera en 1946. Demunck n’a que dix-sept ans quand il rejoint en 1941 la Résistance avec des amis de l’Athénée d’Herstal, dont Clément Tholet*. Il adhère au PCB dans la foulée*. Il commence des études d’ingénieur à l’Université de Liège mais les interrompt en juillet 1942 pour basculer dans la clandestinité. Opérant sous la direction de René Klutz* en tant que permanent rémunéré du Front de l’indépendance dans la région de Huy-Waremme (pr. Liège), il anime localement le Rassemblement national de la jeunesse puis la Jeune Garde socialiste unifiée (JGSU). Il est raflé en juillet 1943 mais est vite relâché. Il loge secrètement dans un centre de la Croix-Rouge.

À la Libération, encouragé par le PCB, Victor Demunck rejoint l’armée belge comme partisan armé (bras armé du PCB) dans le 21e bataillon de fusiliers de la « Brigade Résistance » et poursuit la guerre en Allemagne. Stationnée au sud de Cologne (Rhénanie-du-Nord-Westphalie), son unité se charge de surveiller des prisonniers allemands et de repérer en leur sein les criminels de guerre, dont les SS (Schutzstaffel). Il tente d’organiser des clubs de soldats pour la démocratisation de l’armée jusqu’à la quitter en décembre 1945.

De retour au pays, Victor Demunck retourne à l’Université de Liège, où il rencontre les frères Marcel et René Deprez*, mais ne fréquente pas les cours. Il travaille comme employé au charbonnage de la Grande Bacnure (Herstal) mais en est vite licencié. Avec Clément Tholet*, il fonde à Liège la branche locale des Pionniers, les « scouts » communistes. En compagnie de sa première épouse Estelle Desmet, une couturière passée de la démocratie chrétienne au communisme, il participe en 1947 au festival, tenu à Prague (Tchécoslovaquie ; aujourd’hui Tchéquie), de la Fédération mondiale de la jeunesse démocratique (FMJD), l’Internationale des jeunes (pro)communistes. Il en gardera une sympathie pour ce nouveau pays socialiste, adhérant aux Amitiés belgo-tchécoslovaques.

Déménageant à Schaerbeek (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale), devenu en 1948 secrétaire national de l’Union belge des Pionniers (présidée par Jean Lavachery*), Victor Demunck essaie d’agrandir laborieusement son mouvement de jeunesse par des activités de loisir, culturelles et sportives. Muté en 1950 à la direction de la Jeunesse populaire de Belgique (du nom temporaire des Jeunesses communistes), il est accepté à l’école centrale des cadres du PCB. Il pétitionne activement pour l’Appel de Stockholm et prend part à une rixe avec la police lors d’une manifestation pacifiste à Bruxelles le 17 avril. Il est condamné à ce titre en décembre 1950 à une amende par la Cour d’Appel.

Victor Demunck joue un rôle administratif dans l’édification du monument commémorant l’assassinat de Julien Lahaut puis est embauché dans une usine de fabrication de compteurs de gaz, Contimeter (Contibel) située à Molenbeek. Il y devient délégué syndical pour les jeunes du syndicat bruxellois des employés (SETCa-Syndicat des employés, techniciens et cadres), lui permettant de prendre la responsabilité de la propagande au comité interprofessionnel des jeunes FGTB (Fédération générale du travail de Belgique) de Bruxelles. Il conduit en 1951 une délégation de 180 jeunes au festival de la FMJD à Berlin-Est (République démocratique allemande ; aujourd’hui République fédérale d’Allemagne) : des militants du PCB, des étudiants, une trentaine de Pionniers et même des étrangers (Polonais, Libanais). Surveillée par la police, l’expédition fait discrètement un détour en train par le Lichtenstein et l’Autriche avant d’atteindre Berlin-Est. Seulement six ans après la capitulation allemande, c’est un symbole pacifiste fort, surtout en plein réchauffement de la Guerre froide. De retour, il est licencié de Contimeter. Par internationalisme prolétarien, le syndicat est-allemand de l’usine de chauffe-bains Kaupt (Gera-Thuringe) lui écrit une lettre de solidarité, publiée dans Le Drapeau rouge. Demunck est désigné pour visiter la Corée du Nord avec Sélim Sasson, future vedette de la télévision connue pour ses critiques de cinéma, mais, en plein durcissement du conflit, le voyage est annulé.

Victor Demunck devient permanent du PCB à Schaerbeek en 1952, aux côtés de Jacques Grippa*. Proche du dirigeant du parti, Edgar Lalmand, il est en même temps trésorier national du parti, dans une phase de grandes difficultés financières. Il expliquera avoir blanchi des fonds issus de petits ateliers du textile bruxellois, détenus par des sympathisants judéo-polonais rescapés des camps. Il est envoyé de 1953 à 1957 dans la province du Luxembourg pour s’occuper de la petite fédération du PCB et militer auprès des métallos d’Athus.

Victor Demunck réduit ensuite son militantisme pour reprendre des études, grâce à une bourse d’ancien combattant, d’abord à l’école agricole de Izel (aujourd’hui commune de Chiny, pr. Luxembourg, arr. Virton) comme ingénieur industriel où il obtient un graduat, sans doute pendant son séjour au Luxembourg où il est envoyé de 1953 à 1957 pour s’occuper de la petite fédération du PCB et militer auprès des métallos d’Athus. Il obtiendra par la suite un diplôme complémentaire d’orientation économique à l’Université de Liège. Il travaille après comme biochimiste à Genval et Rixensart (aujourd’hui pr. Brabant wallon, arr. Nivelles).
En prévision du 13e Congrès du PCB, Victor Demunck publie en avril 1960 dans Le Drapeau rouge un appel à ce que le parti approfondisse son expertise sur le plan économique, notamment en préparant, de façon réaliste, une planification socialiste à venir en Belgique. Lors de la scission maoïste de 1963, Jacques Grippa lui propose de le rejoindre et même de partir trois ans en Chine pour se former politiquement, ce qu’il refuse pour raison familiale et professionnelle. Victor met son engagement entre parenthèses. Il est missionné comme coopérant en France, en Algérie (dix ans) et au Gabon (deux ans). Demunck épouse en secondes noces Angelina Zaritskaia (née en 1941), rencontrée en Union soviétique.

Victor Demunck recommence à militer au PCB en 1983, grâce à Marcel Levaux, et se dévoue au cercle d’éducation populaire Le Progrès d’Herstal, qui détient une bibliothèque constituée dès 1965 par des ouvriers de la cellule communiste de la FN (Fabrique nationale d’armes de Herstal) et qui organise des cours libres, notamment d’espéranto. Un jeune militant, lui aussi issu de l’Athénée d’Herstal, y reçoit ainsi ses premières leçons de marxisme : Raoul Hedebouw. Demunck voit d’un très bon œil le rapprochement entre le PC et le Parti du travail de Belgique (PTB). Il écrit encore trois articles en 2009 pour l’Association culturelle Joseph Jacquemotte sur le développement technique de la société et restera attentif, jusqu’à ses 90 ans passés, à l’actualité de la vie politique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article251027, notice DEMUNCK Victor André Richard. par Adrian Thomas et Jules Pirlot, version mise en ligne le 14 septembre 2022, dernière modification le 4 octobre 2022.

Par Adrian Thomas et Jules Pirlot

Victor Demunck, s.l., vers 2000 (collection privée).
Victor Demunck, s.l., vers 2000 (collection privée).

SOURCES : CArCoB, dossier n° 152 de la Commission de contrôle politique – Entretiens de V. Demunck avec Jules Pirlot, 2008, et avec Adrian Thomas, 2018.

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