FOISSAC Roland

Par Éric Montat

Né le 11 janvier 1945 à Carmaux (Tarn) ; instituteur  ; secrétaire fédéral du Parti communiste français (1986-2000)  ; élu local, conseiller général.

Roland Foissac naquit dans une famille modeste issue du monde paysan du Ségala aveyronnais. Son père, d’abord ouvrier agricole, était devenu mineur de fond et sa mère était sans profession. Marié en 1937, le ménage s’était installé à Carmaux où les mines fournissaient du travail sans difficulté. Il rejoignait ainsi les nombreux mineurs venus des campagnes voisines, dont les racines rurales se manifestaient par un fort attachement à la terre. Au sortir du travail quotidien à 300-400 mètres de profondeur, les hommes cultivaient un jardin, élevaient un cochon.

Roland Foissac entama sa scolarité à deux ans, en garderie à Carmaux, puis en maternelle et à l’école élémentaire à Rosières, commune voisine de Carmaux, jusqu’au cours moyen, passa en 1956 le dernier concours d’entrée en 6e au cours complémentaire de garçons Victor Hugo de Carmaux. Il y étudia jusqu’à la classe de troisième spéciale pour préparer le concours d’entrée à l’École normale d’instituteurs qu’il réussit en 1961, à 16 ans.

Vouloir devenir instituteur à cette époque impliquait, pour un Tarnais, d’aller terminer le cursus de formation à l’École normale de Toulouse. Il se découvrit à l’EN une vocation d’éducateur laïque, dans l’esprit des « hussards noirs de la République ».
Des échanges avec ses camarades normaliens politisés, nourrirent son éducation idéologique et politique, notamment grâce à un voyage organisé par les jeunes communistes aux rencontres nationales des lycéens et normaliens de février 1962, quelques jours après la répression tragique de la manifestation au métro Charonne. La situation politique, très bouillante, marqua un tournant pour lui : il eut un besoin profond de s’engager pour la paix, en particulier au sein des Jeunesses communistes, très impliquées dans ce domaine.

Il revint à Carmaux pour son premier poste d’instituteur à la rentrée 1965 ; il avait demandé un « poste à œuvre », c’est-à-dire enrichi, en plus du service ordinaire d’enseignement, de l’animation du centre de loisirs, et s’investit dans les Francas. Constatant le clivage profond de la gauche, persistant depuis les grèves de 1947-1948, entre un Parti socialiste (SFIO) cherchant à maintenir son influence sur les jeunes enseignants, et le Parti communiste, il adhéra au PCF à l’automne 1965, engagement qu’il ne vécut pas comme une rupture avec son milieu d’origine marqué par des valeurs chrétiennes. Lors de la campagne de l’élection présidentielle de l’automne, il suivit son parti dans le soutien au « candidat commun de la gauche », François Mitterrand.

Il effectua ensuite son service militaire durant 16 mois à Saint-Wendel, dans les Forces françaises d’Allemagne (FFA), commandées par le général Massu, au sein du 1er régiment de cuirassés. Son antimilitarisme s’en trouva renforcé. De retour à la vie civile fin février 1968, il formula un vœu d’affectation dans l’une des trois écoles du Masnaud-Massuguiès. Il y enseigna à l’école du hameau du Pourencas dès le début mars, où il trouva un logement de fonction vide et au confort spartiate.

Aux premiers jours du mouvement de grèves de mai-juin 1968, il rejoignit Carmaux où il découvrit une ville en forte ébullition, où se déroulaient manifestations, assemblées avec maints débats. Dans l’une d’entre-elles, il y fit voter une motion en faveur de l’adoption par les partis de gauche d’un programme commun de gouvernement pour sortir du régime gaulliste, auquel son parti s’opposait sans nuance, à l’exception de la politique extérieure.

Dès sa sortie de l’école normale, il avait adhéré au SNI (Syndicat national des instituteur) et resta toujours syndiqué au SNI-Pegc, puis après la scission de 1992, au SNUipp-FSU. Mais il n’exerça jamais de responsabilités syndicales.

Son engagement public s’affirma par des initiatives, des prises de paroles et quelques réflexions, notamment sur les crimes du stalinisme après la lecture de L’Aveu d’Artur London. Le « Printemps de Prague » de janvier à août 1968, qu’il suivit de très près, ainsi que les efforts de Waldeck-Rochet pour empêcher l’intervention soviétique, le plongea dans un rejet outré et définitif du « communisme soviétique ». Une assemblée générale de militants communistes à Carmaux acta cette prise de position, non sans diviser les militants, occasionnant de vifs affrontements.

Ces années 1968-1970 constituèrent un tournant dans la vie et le parcours militant de Roland Foissac. Il prit un poste à Lacapelle-Pinet (canton de Valence d’Albi), se maria avec Nelly Azémar, alors encore en formation de PEGC (professeure d’enseignement général de collège), et ils eurent leur premier enfant, Olivier, en 1969. Cette même année, il s’investit avec la cellule de Valence d’Albi pour soutenir la candidature de Jacques Duclos à l’élection présidentielle.

De 1970 à 1973, pratiquant les « techniques [Freinet-<24550] », il enseigna à la classe unique de Lacroisille (canton de Cuq-Tolouza), village de 120 habitants, où, en 1971, le maire de l’époque, ayant refusé ses propositions de constituer une liste de rassemblement à gauche, il forma une liste de quatre candidats et fut élu. Dans les communes rurales autour de Puylaurens, Roland Foissac créa et anima des cellules qui diffusaient le Programme commun de la gauche signé en 1972. Avec les « camarades paysans », il alerta sur les risques de saccage de la nature (liés aux politiques de la politique agricole commune – PAC (action contre le « redressement » de la rivière Sor).

Il prit à cœur son mandat de conseiller municipal mais fut muté, entre temps, pour trois ans à Aussillon, pour se rapprocher de son épouse qui partageait son militantisme. En 1975, ils accueillirent leur deuxième enfant, Sylvain. En 1974, à Mazamet, il retrouva un noyau militant actif, avec des délaineurs, des mégissiers et fit la campagne pour François Mitterrand, candidat de l’union de la gauche à l’élection présidentielle.

Il souhaita, avec son épouse, se rapprocher de Carmaux et fut nommé à Albi à l’école de Cantepau, en 1977. Aux élections municipales qui virent la victoire d’une vague des listes de la gauche unie, il conduisit une « liste de rassemblement démocratique » dans la commune de Rosières, où il fut élu, mais en opposition au maire PS qui refusa toute entente.

Entre temps, Nelly Foissac était devenue cheffe de file du Parti communiste à Albi dans le cadre de la liste d’Union de la gauche, conduite par Michel Castel. Le militantisme du couple Foissac était alors très actif, Nelly Foissac devenant la première femme maire-adjointe d’Albi (1977-1995).

Élu au comité fédéral du Parti communiste du Tarn depuis 1971, Roland Foissac en resta membre jusqu’en 2018. Il accepta de devenir premier secrétaire en 1986 et, suspendant sa carrière d’enseignant, il fut permanent jusqu’en 2000 et fit valoir ses droits à la retraite d’instituteur en 2001. Durant ces décennies, il écrivit de nombreux articles et éditoriaux dans Les Nouvelles du Tarn, hebdomadaire de la Fédération communiste.

En 1998, il s’inscrivit dans la dynamique nationale initiée par le gouvernement Jospin de « Gauche plurielle », et fut élu conseiller général du canton d’Albi Nord-Ouest, devançant la candidate socialiste soutenue par Paul Quilès, député de la 1ère circonscription. « N’ayant jamais conçu le combat politique comme un règlement de comptes », il accepta la proposition du socialiste Thierry Carcenac, président du Conseil général, d’être deuxième, troisième puis cinquième vice-président, au gré de ses deux réélections aux cantonales. Il s’investit dans plusieurs chantiers, en contribuant notamment à un schéma départemental de la lecture publique avec l’implantation de bibliothèques-relais.

Durant son deuxième mandat, il contribua à la mise en place d’un chéquier collégien. Au cours de cette période, il fut aussi candidat dans la 1ère circonscription du Tarn aux élections législatives de 2002, où Paul Quilès fut réélu, et de 2007.

Pour son troisième mandat, préoccupé par le décrochage croissant des citoyens à l’égard d’une démocratie qu’il jugeait « malade », il fit la demande d’une délégation à la démocratie participative à Thierry Carcenac qui accepta. Il lança une grande consultation citoyenne et travailla à une Charte de la participation, adoptée en janvier 2011 à l’unanimité. 5000 Tarnais et Tarnaises avaient répondu à un questionnaire, et le document, cosigné par Thierry Carcenac et Roland Foissac, fut diffusé dans tous les foyers du département. Il estima, « assez amer », que les tragiques événements du barrage de Sivens de 2014 « ont rendu caduque cette charte ».

De 1998 à 2015, sa participation aux luttes sociales et à la défense des services publics et de l’autonomie de gestion des collectivités territoriales fut une constante, notamment sur la présence et l’implantation des services publics, le maintien des gares, des bureaux de poste. Il milita d’ailleurs activement au sein de l’Association nationale des élus communistes et républicains (ANECR) contre ce qu’il estimait être une dérive portant atteinte aux principes républicains des collectivités territoriales.
En 1994-1995, il ressentit la nécessité de faire vivre dans le Tarn, avec un groupe de militantes et militants, la pensée politique de Jaurès et fut à l’initiative de la création de l’Association Jaurès Espace Tarn (AJET). Il adhéra alors à la Société des études jaurésiennes (SEJ) présidée par Madeleine Rebérioux et constitua un comité de parrainage pluraliste avec l’historienne Rolande Trempé, Roger Loubet, président du conseil d’administration de la Verrerie ouvrière d’Albi, Anny Malroux, fille d’Augustin Malroux, Alain Boscus, alors directeur du Centre Jean-Jaurès de Castres, et Nelly Foissac, adjointe au maire d’Albi. Cette association poursuivait ses activités en 2022 en partenariat avec l’Université Champollion d’Albi.

En 2014, aux élections municipales à Albi, en accord avec Europe Écologie les Verts, il conduisit au second tour une liste « Ensemble, changeons Albi avec la gauche et les écologistes » et fut élu conseiller municipal d’opposition jusqu’en 2020.
Les élections cantonales de mars 2015 le virent candidat du Front de gauche perdant, contre Thierry Carcenac, président du Conseil général depuis 1991, dans un contexte politico-administratif changeant et dans un nouveau canton Albi 4, territorialement modifié. En 2016, il apporta son soutien au nouveau secrétaire fédéral du PCF, Alain Boudès, succédant à Éric Jalade, critique à l’égard de la direction du parti, et il « ne ratait aucune mobilisation sur le terrain : loi travail, défense des services publics, barrage de Sivens » (La Dépêche, 8 juin 2016).

N’exerçant plus de mandat politique, il restait très investi pour la chose publique et poursuivait ses activités militantes et en se consacrant à l’écriture. Aux élections municipales de 2020, il figura encore sur la liste « Collectif pour Albi » du « Collectif citoyen, des écologistes et de la gauche rassemblée » qui obtint 22% des exprimés au 1er tour mais fut battue au second tour.

En mars 2022 dans La Dépêche (24 mars 2022), cette « figure tutélaire de la gauche » dans le Tarn s’alarmait de l’état de la gauche dans le département et en appelait à l’union en prévision des échéances électorales nationales.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article251117, notice FOISSAC Roland par Éric Montat, version mise en ligne le 19 septembre 2022, dernière modification le 27 novembre 2022.

Par Éric Montat

ŒUVRE : À ceux qui cherchent le bonheur…, Albi, Éditions GRAND SUD, 2006. — Sivens pour comprendre, essai, Albi, Un Autre REG/Art, 2015. — Jean Jaurès, Le manuscrit de 1908, introduction de Roland Foissac, Paris, Arcane17, 2017. — « La Commune n’est pas morte », préface à l’ouvrage de Vézinet (Jean-Luc), La Commune de 1871 – le printemps parisien, Albi, Un Autre REG/Art, 2021. — Métamorphose ou la victoire des vaincus, suivi de Communes, Albi, Un Autre REG/Art, 2021.

SOURCES  : Archives Roland Foissac (déposées aux Archives départementales du Tarn). — Entretiens avec Roland Foissac (août 2021, août 2022). — Nombreux articles dans La Dépêche et Le Tarn libre.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable