VAXÈS Michel [VAXÈS Jean, Michel]

Par Gérard Leidet

Né le 14 novembre 1940 à Marseille (Bouches-du-Rhône), mort le 18 septembre 2016 à Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône) ; instituteur puis conseiller d’orientation-psychologue ; syndicaliste du SNET puis du SNES ; militant communiste, maire de Port-de-Bouc (1990-2005), conseiller général du canton de Martigues-Ouest (1988-1997), conseiller régional (1983-1986), député des Bouches-du-Rhône (1997-2012).

Le père de Michel Vaxès, Christos, né en 1909 en Chalcidique (Thrace), alors sous domination ottomane, avait seize ans lorsqu’il arriva à Port-de-Bouc, en 1925. Comme beaucoup de jeunes Grecs, venant de Thrace et d’Asie Mineure, il fuyait la misère et les conséquences de la guerre entre la Turquie et la Grèce qui s’était poursuivie jusqu’en 1922. De nationalité grecque, sans formation scolaire ni professionnelle, il rejoignit son frère qui travaillait à l’usine Saint-Gobain de Port-de-Bouc où il fut employé d’abord comme docker, avant d’être ouvrier, successivement à l’usine chimique Kuhlmann, puis à la fabrique d’huile Verminck qui recevait les arachides depuis le quai de Caronte (devenue plus tard Astra-Calvé), enfin à l’entreprise de peinture et de calorifugeage fournissant les chantiers navals. Il arrondissait ses revenus comme travailleur ambulant dans la photographie qui le passionnait. Baptisé catholique orthodoxe, il était en réalité « croyant anticlérical ». Il disait souvent qu’il ne connaissait « qu’un seul parti qui défendait les travailleurs » et qu’il voterait pour le Parti communiste « aussi longtemps que celui-ci ne serait pas majoritaire à lui tout seul ». Il fut emporté par un cancer à l’âge de soixante ans, disparaissant avec toutes les maladies attrapées « en gagnant son pain ». Sa mère, Angèle Matsos, née à Salin-de- Giraud (Bouches-du-Rhône), avait quitté l’école à treize ans après l’obtention du certificat d’études primaires, pour aller travailler aux filatures de Sorgues (Vaucluse) ; elle fut ensuite ouvrière durant toute sa vie.

Michel Vaxès fréquenta l’école communale du Canal de Port-de-Bouc. Sa réussite scolaire faisait la fierté de sa mère, jusqu’à ce qu’il tombe gravement malade, et soit sauvé par les premières utilisations de l’antibiotique streptomycine. Il passa presque toute la 2e année du cours moyen, alité, mais sa mère insista auprès du directeur d’école pour qu’il passe l’examen d’entrée en sixième, auquel il réussit, ce qui lui permit de rejoindre le cours complémentaire du Canal. Il y obtint le BEPC avant d’effectuer, durant les vacances qui suivirent, un stage aux Chantiers navals, dans un bureau d’études. Mais souhaitant poursuivre des études, il présenta et réussit le concours d’entrée à l’École normale d’instituteurs d’Aix-en-Provence (Bouches-du Rhône), où il effectua les quatre années de formation. Il fut marqué par l’enseignement et la personnalité de son professeur de lettres, Fernand Jassaud*, excellent grammairien, syndicaliste de la FEN, et militant communiste aixois. Ce dernier avait d’ailleurs une grande influence – cependant jamais empreinte de prosélytisme – auprès de certains élèves-maîtres de cette période (Roger Meï, Vincent Porelli, Jean Tardito, Georges Thorrand, qui devinrent par la suite maires communistes dans les Bouches-du-Rhône, ou François Walger, secrétaire du SNI et de la FEN.

Michel Vaxès enseigna ensuite durant deux années comme instituteur adjoint. Syndiqué au SNI, passionné de pédagogie, il lisait les travaux publiés en sciences de l’éducation, notamment ceux de Georges Snyders. Il animait dans le même temps, avec ses amis Joseph Torrès et Michel Gamba, la première équipe de handball de Port-de-Bouc. « Indigné par l’injustice sociale qui frappait de nombreux élèves d’origine populaire », il préféra se diriger vers l’institut de biométrie humaine, pour devenir, à 23 ans, conseiller d’orientation scolaire professionnelle stagiaire.

Affecté au centre d’information et d’orientation de Martigues, Michel Vaxès – qui résidait toujours à Port-de-Bouc – fut rapidement sollicité pour prendre des responsabilités au niveau régional dans le collectif orientation du Syndicat national de l’enseignement technique (SNET), dont Jean Reynaud était le secrétaire départemental, avant la fusion de 1966 dans le nouveau SNES où il poursuivit son militantisme avant d’être élu communiste. En 1963, il se retrouva également avec des responsabilités au sein de la FCPE, au départ dans le cadre de son établissement, puis pour l’ensemble des secteurs locaux de la ville. Enfin, en 1968, dans la foulée du printemps de Prague, Michel Vaxès, qui se trouvait alors à Compiègne, adhéra au Parti communiste français. Une période au cours de laquelle, le PCF – qui avait condamné l’intervention soviétique puis accepté la normalisation – prolongeait une mise à jour esquissée dans les années 1960 autour de son secrétaire général, Waldeck Rochet.

Son adhésion était survenue à la suite de dialogues avec le directeur du CIO de Compiègne où il avait été nommé, après sa titularisation : « Je voulais trouver des réponses à des questions philosophiques et politiques, je ne voulais pas me tromper en m’engageant dans une organisation, il y avait là sans doute le poids de l’éducation que j’avais reçue… » confia-t-il plus tard à Pierre Dharréville. Après trois années dans la cité picarde, il retrouva la Provence en 1969 et la section communiste de Port-de-Bouc. Il fut chargé très rapidement de la rédaction du journal de cellule. Son adhésion au PCF trouvait aussi ses racines dans l’histoire du mouvement ouvrier et de la Résistance dans le pays martégal. Notamment autour des figures de l’histoire locale, militants socialistes ou communistes, tels Henri Lazzarino, Paul-Baptistin Lombard, ou René Rieubon, engagé dès 1942 dans la Résistance port-de-boucaine au sein du Parti communiste et auquel Michel Vaxès devait succéder comme maire de Port-de-Bouc.

Dès le début des années 1970, Michel Vaxès poursuivit de façon continue, durant plus de quatre décennies, un parcours d’élu communiste. En mars 1971, il fut élu conseiller municipal de Port-de-Bouc sur la liste conduite par René Rieubon ; réélu en mars 1977, il devint adjoint au maire en mars 1983 et fut réélu en mars 1989. Cette année-là, des problèmes de santé obligèrent René Rieubon à lever le pied plus vite que prévu, si bien que Michel Vaxès se retrouva à la fin de l’année à exercer des fonctions de premier magistrat sans les avoir officiellement. En mai 1990, il fut élu maire, fonction confirmée aux élections municipales de 1995, pour lesquelles fut présentée une liste à parité hommes-femmes, avant que la loi ne le rendît obligatoire ; puis il fut réélu une troisième fois en mars 2001. Il demeura maire de Port de Bouc jusqu’en 2005, œuvrant pour le « vivre-ensemble » et la mixité urbaine, s’appuyant sur des formes de démocratie participative, dans une commune fortement ébranlée depuis 1966, par la fermeture des Chantiers navals. Ses mandats demeuraient attachés, notamment à deux projets phares : la médiathèque et la Maison des services au public.

Michel Vaxès fut élu député en juin 1997, dans la 13e circonscription des Bouches-du-Rhône ; réélu en 2002, puis en 2007, il renonça à se présenter aux élections législatives de juin 2012, et passa le témoin à son suppléant Gaby Charroux*. Il appartenait au groupe de la Gauche démocrate et républicaine et était membre de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Considérant qu’il n’existait qu’« une seule famille humaine », il proposa, en 2002, de supprimer le mot « race » de la Constitution. En effet, comme le rappelait Le Figaro du 27 juin 2018, il avait été le premier à proposer en 2002 le retrait de ce mot de l’arsenal législatif français et de la Constitution, dix ans avant la campagne présidentielle de François Hollande en 2012. À l’époque, sa proposition fut rejetée par la majorité UMP pour des questions juridiques, mais aussi au motif que la suppression de cette notion empêcherait de condamner les crimes et délits racistes.

Dans l’intervalle, désigné par le conseil général, il siégea au conseil de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, de mars 1983 à mars 1986, présidant le groupe communiste pendant une courte période (moins de six mois). Il fut ensuite remplacé dans cette fonction par Robert Allione. Entre 1988 et 1994, après avoir été le suppléant de Paul Lombard aux élections législatives, il lui succéda au conseil général des Bouches-du-Rhône, parachevant son mandat par un poste de vice-président (mars 1994-octobre 1997). Evelyne Santoru-Joly le remplaça ensuite comme conseillère générale.

Michel Vaxès avait toujours tenu à articuler ses fonctions électives avec un militantisme politique jamais mis au second rang. Jeune militant, il avait suivi l’école fédérale du Parti, animée par René Féniche*, à La Pounche (hameau d’Allauch) en 1976, puis l’école centrale en 1979. En mars 1986, quand eurent lieu les premières élections au suffrage universel direct pour le renouvellement des conseils régionaux, il préféra ne pas se présenter. Il s’investit alors dans d’autres responsabilités à la fédération du PCF, au sein du secrétariat et du bureau. Attentif aux luttes sociales de la sidérurgie (Arcelor) ou à celles des salariés de la grande distribution, reconnu « bien plus largement que par les seuls communistes », selon le témoignage de son ami Pierre Dharréville (secrétaire départemental du PCF), il avait particulièrement soutenu, comme dirigeant fédéral en responsabilité au moment de l’édification du complexe de Fos-sur-Mer, les salariés de la pétrochimie (Arkema). Il assumait par ailleurs les fonctions de secrétaire de la (grande) section (1200 adhérents) bordant l’ouest de l’Étang de Berre, entre Saint-Chamas et Martigues.

Michel Vaxès était venu à l’engagement par un long questionnement intellectuel et chercha à se constituer, au moment de son adhésion, une sorte de « prêt à penser politique », caractéristique des militants de cette période : il fallait que le parti ait raison et il fallait qu’il en trouve les raisons. S’il se découvrait un point de désaccord, il cherchait à quel endroit lui-même commettait une erreur. Ainsi, il se rappela plus tard avoir justifié l’intervention soviétique en Afghanistan, à la fin des années 1970 : « J’avais acquis trop de certitudes et pas assez de doutes ». Mais très rapidement les conversations avec Maurice Garenc, membre du bureau de la Fédération communiste des Bouches-du-Rhône, furent pour lui une source de questionnements et de retours réflexifs.

Pour retrouver ce qu’il nommait certains « équilibres » dans son engagement, il conservait des liens (re)noués avec les chrétiens qui portaient, selon lui, les mêmes valeurs de « communion entre les êtres humains ». Michel Vaxès aimait dialoguer avec eux, et plus largement avec ceux dont la vie s’accompagnait d’espérances mystiques. Il ne se départait jamais de son petit carnet dans lequel étaient consignés des notes de Friedrich Engels pour qui le christianisme primitif « était le mouvement des opprimés », et d’autres notes d’André Moine (ancien responsable à l’organisation du Parti communiste algérien et animateur des dialogues entre communistes et chrétiens) prônant une « stratégie commune autour de la défense et de la promotion de l’homme ». Mais d’autres références figuraient aussi, moins proches de son espace partisan : Monseigneur Ancel (évêque auxiliaire de Lyon qui marqua les esprits par son engagement dans le monde ouvrier) ou Albert Jacquard (biologiste, généticien engagé). Michel Vaxès, alors nouveau député, participa ainsi, à une réunion sur la souffrance au travail, organisée par l’Action catholique ouvrière (ACO) de Martigues. Il intervint dans la discussion sur la quête de l’articulation entre l’épanouissent de tous et celui de chacun. Pour lui, une confluence était à rechercher, entre les fondements du message évangélique et les théories marxistes : « La rencontre entre l’individu et le collectif, c’est là que nous avons failli… ». Il revenait souvent sur l’idée selon laquelle, être communiste pouvait être un prolongement de la foi : religion et marxisme pouvaient se penser et se vivre dans la complémentarité et pas dans la contradiction. Grand lecteur de Karl Marx et de Friedrich Engels, notamment de L’idéologie allemande, Michel Vaxès aimait commenter à cet égard la célèbre sixième thèse sur Feuerbach, résumé de tous les principes qui guidèrent ses engagements et ses prises de positions publiques : « L’essence humaine n’est pas inhérente aux individus pris isolément mais elle est l’ensemble des rapports sociaux ».

Michel Vaxès avait épousé, en 1962, Maryvonne Moisdons (née le 9 septembre 1941 à Paimbœuf en Loire Atlantique), militante communiste. Le couple eut deux enfants, Érick (né le 3 juin 1963 à Martigues), et Yann (né le 25 mai 1971 à Martigues) ; puis divorça en 1984. Par la suite, il refit sa vie avec Renée Honde, qu’il avait rencontrée dans les structures départementales du Parti communiste, puis se remaria en 2000.
Michel Vaxès fut promu chevalier de la Légion d’honneur en 2004, dont la médaille lui fut remise par son amie, Muguette Jacquaint, députée honoraire du PCF de Seine-Saint-Denis.
Il s’éteignit à son domicile, proche de l’étang de Berre, à l’âge de 75 ans. Jusqu’à sa mort en septembre 2016, l’ancien maire de Port-de-Bouc demeura un membre du conseil municipal, fidèle et attentif. En 2005, promoteur de l’égalité femme-homme, il avait réuni les conditions pour que les femmes acceptent et assument des responsabilités : Patricia Fernandez-Pédinielli*, qui lui succédait dans ses fonctions, devint alors la plus jeune maire de la région.

Le conseil municipal de Port-de-Bouc et son maire, Laurent Belsola (PCF), proposèrent en 2021 aux élus municipaux de donner le nom de Michel Vaxès au futur collège devant être construit au nord de la ville.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article251752, notice VAXÈS Michel [VAXÈS Jean, Michel] par Gérard Leidet, version mise en ligne le 20 octobre 2022, dernière modification le 23 novembre 2022.

Par Gérard Leidet

Michel Vaxès directeur de colonie de vacances à Sivergues dans le Luberon, 1973
Michel Vaxès directeur de colonie de vacances à Sivergues dans le Luberon, 1973
1990, M. Vaxès succède à R. Rieubon comme maire de Port-de-Bouc.
1990, M. Vaxès succède à R. Rieubon comme maire de Port-de-Bouc.

SOURCES : Arch. com. Port-de-Bouc. — Presse nationale : L’Humanité, 19 septembre 2016 . — Le Figaro, 27 juin 2018. — La Provence, 13 octobre 2021. – Site Maritima.Info : Politique, Port de Bouc : « Michel Vaxès, ancien député-maire de Port-de-Bouc est décédé » [archive], sur www.maritima.info (consulté le 18 septembre 2016). — Pierre Dharréville, Michel Vaxès : portrait d’un citoyen en député du peuple, récit, Les éditions Arcane 17, 2011. — Notes de Micheline Abours, Brigitte Argiolas, Alain Dalançon, Patrick Magro, Raymond Nunez, et Patricia Pédinielli. — Renseignements fournis par ses enfants, Érick et Yann (12 et 13 octobre 2022).

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