SWANK Paul A. [Paul Abraham]

Par André Balent

Né le 12 février 1921 à Cape Girardeau (Missouri, États-Unis d’Amérique), mort le 17 août 1944 en action de combat à Alet (Aude) ; étudiant ; militaire étatsunien pendant la Seconde Guerre mondiale ; affecté à un commando de l’OSS ; parachuté en mission dans l’Aude occupée par les forces allemandes ; compagnon de combat des FTPF du maquis de Salvezines (Aude)

Paul Swank (1921-1944)
fonds Barbara Ivy Jogster

Paul Abraham Swank naquit dans le Missouri mais vécut au Texas. Il effectua ses études supérieures entre 1938 et 1942 : d’abord au Davidson College (Davidson, Caroline du Nord) puis à l’université du Texas. Si on a pu écrire qu’il aurait pu faire un bon critique littéraire, son oncle, John Smith Ivy (1898-1983), influença différemment l’orientation de ses études vers la géologie et la recherche pétrolière. Ce n’était pas un belliciste, mais il voulait en finir avec cette guerre. Lucien Maury, chef du maquis (AS) de Picaussel (Aude) (op.cit., 1980, p. 285) a signalé « son amour de la musique et des arts, sa grande culture et sensibilité ».

Il intégra l’US Army le 18 août 1942 comme simple soldat et affecté d’abord à San Antonio (Texas) puis à la base de Sheppard Fields à Wichita Falls (Texas). Il poursuivit son instruction de base du 23 septembre 1942 au 20 janvier 1943 à McCallie School à Chattanooga (Tennessee) puis à Davidson (Caroline du Nord). Il suivi, pendant cette période, quatre cours spéciaux complémentaires. Il fut ensuite affecté à Fort Belvoir (Caroline), siège de la US Military Academy engineers pour entrainements spéciaux, the top engineering school of US Army (la meilleure école d’ingénieurs militaires). Enfin, il perfectionna encore sa formation à Camp Clairborne (Louisiane) jusqu’au 14 août 1944. Il termina major de sa promotion. Nous savons qu’il avait acquis une formation d’artilleur. Il opta pour les services spéciaux (OSS : Office of Strategic Services de création alors récente : 13 juin 1942). Il accéda alors au grade de First Lieutenant. Il devait être chargé d’actions secrètes en territoire ennemi : sabotages, contacts avec des « partisans », renseignements.

En janvier 1944, Paul A. Swank gagna Alger. Il fut affecté au 2671st Special Reconnaissance Battalion Company B rattaché à l’OSS. Avant l‘Operation Peg dans l’Aude, Swank avait participé à seize autres missions. Il savait qu’un parachutage dans la France occupée risquait de lui être fatal car les Allemands considéraient que des soldats alliés faits prisonniers en compagnie de maquisards seraient considérés comme et espions et devaient être fusillés.

Le soir du 7 août 1944, Paul A. Swank se trouvait dans l’un des avions « Halifax » qui avaient décollé d’Alger et dont des hommes de l’OSS devaient être parachutés, avec du matériel afin de renforcer le grand maquis de l’AS cantonné dans la forêt de Picaussel (commune de Puivert, Aude), dans les Pyrénées. Les maquisards devaient signaler leur présence par un signal lumineux. Scrutant le territoire autour du château de Puivert, Swank ne vit aucune lumière, sauf, au troisième passage au-dessus de ce secteur, des signaux jugés suspects émis par les Allemands qui venaient de participer à un combat contre le maquis. En effet, les maquisards de Picaussel (Voir : Carbou Jean) avaient fait face, les jours précédents, à l’assaut d’un groupe de la 11e Panzer Division muni de chars et d’artillerie. Le soir de 7 août, le maquis put se replier en bon ordre vers le sud mais était dans l’impossibilité de réceptionner les hommes et le matériel parachutés. Les avions revinrent ensuite à Alger. Le 11 août, de retour sur le secteur, les « Halifax », au nombre de trois, larguèrent hommes et matériel, non pas sur Puivert mais sur le territoire de la commune du Clat (Aude), près d’Axat. Initialement, ils devaient l’être sur le terrain homologué du Tunnel à Aunat (Aude) et annoncer leur venue avec le message « Le dattier est une plante exotique » que connaissaient les hommes du maquis « Jean-Robert » (FTPF) implanté à Salvezines (Aude) (Voir : Meyer Victor). Ces derniers balisèrent le terrain du Clat (lieu-dit « Prenprunier ») à 4 km d’Aunat. Ils ignoraient que quatorze hommes allaient y être parachutés, car le terrain présentait des aspérités qui le rendaient inapte pour cela (plusieurs Américains furent blessés lors de leur atterrissage).

Les Américains renoncèrent à rejoindre le maquis de Picaussel et restèrent avec les FTPF. Les Américains s’occupèrent de leurs blessés et entreprirent d’initier les FTPF au maniement des armes parachutées. Swank qui avait la consigne d’effectuer des sabotages, décida, avec ses hommes, accompagnés de maquisards, d’engager quelques opérations, auxquelles participa Henri Melich. Ils détruisirent entre autres un pont — sans valeur stratégique — sur la route de Fenouillet, sur le territoire tout proche des Pyrénées-Orientales et le viaduc de la voie ferrée de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) à Carcassonne (Aude), entre Axat (Aude) et le pont sur le Rebenty, affluent de l’Aude. Les Américains participèrent aussi à la Libération de Quillan (Aude) par les deux maquis de Salvezines et de Picaussel : le 16 août 1944, cette petite ville industrielle fut occupée sans combat par leurs hommes.

Le lendemain, le 17 août 1944, deux maquis de Picaussel et de Salvezines (FTPF : Voir intervinrent, lors d’embuscades, contre une colonne allemande. Charles Bournet commandait la section du maquis de Picaussel qui était chargée de l’attaquer. Les Allemands, environ 200 hommes, qui, depuis Carcassonne (Aude), remontaient la haute vallée de l’Aude afin de gagner Couiza (Aude), bourg à mi-chemin entre Limoux et Quillan. Obéissant aux ordres du général Johannes Blaskowitz, commandant du groupe d’armées G dont l’état-major était installé à Rouffiac-Tolosan (Haute-Garonne), au nord de Toulouse, les Allemands de l’Aude préparaient leur repli vers la vallée du Rhône. L’objectif de la colonne était de récupérer à Couiza l’important dépôt de vivres, gardé par 30 hommes, où se trouvaient environ 100 000 rations. Des civils, qui avaient été réquisitionnés afin d’assurer la manutention dans l’usine où étaient entreposés les denrées alimentaires, accompagnaient la colonne.

Le maquis de Picaussel avait donc décidé de bloquer la colonne avant qu’elle n’atteignît Couiza. Deux groupes de Picaussel, dont celui commandé par Charles Bournet, se postèrent en embuscade, en aval de Couiza, dans les gorges de Cascabel à proximité de la RN (aujourd’hui RD 118 reliant Mont-Louis, Pyrénées-Orientales à Mazamet, Tarn, via Carcassonne). Dans l’affrontement qui suivit les hommes de Picaussel eurent quatre tués, Bournet, Soligo, Jouillé et Pérez. Journet et Biart purent échapper in extremis. Les Allemands attinrent le dépôt de Couiza (Aude) — où ils prirent d’autres otages — encore entre leurs mains entre Quillan et Alet.

Les tirs du combat de Cascabel (en amont d’Alet) furent entendus par les maquisards (FTPF) de Salvezines (un groupe de sept hommes commandés par André Abattut alias « Danton », d’Estagel, Pyrénées-Orientales) qui étaient en réserve, accompagnés par cinq hommes du commando aux ordres de Paul Swank, des artificiers. Ils empruntèrent — Swank sur une camionnette — un itinéraire détourné qui les amenèrent, en aval d’Alet (à l’Étroit d’Alet) où ils tendirent, sur la RN 118, une seconde embuscade au convoi qui rebroussait chemin vers Carcassonne avec les otages. Paul Swank fut tué dans cet affrontement.

Dans l’après-midi du 17 août, Paul Swank et ses hommes avaient pris position dans les gorges en aval d’Alet protégés par les FTPF d’Abattut, postés sur les hauteurs environnantes. Ils placèrent des explosifs de façon à provoquer un éboulement qui obstruerait la RN 118, bloquant ainsi la colonne allemande. Celle-ci arriva peu après et s’immobilisa. Paul Swank et le sergent Galley étaient restés sur le bord de la route. Ils protégèrent le repli de autres Américains. Swank tira sur les Allemands en prenant soin d’épargner les otages. Mais il fut touché à quatre reprises par des rafales de mitrailleuses ennemies. Grièvement blessé, il continua de tirer avec son pistolet. Un officier allemand, Frantz Dierkes, tira sur lui à bout portant. La balle atteignit la gorge et ressortit par une oreille. Le sergent Galley, témoin des derniers instants de Swank, blessé au pied réussit cependant à rejoindre les autres résistants. Les FTPF tirèrent sur les Allemands qui eurent vingt-deux morts et blessés d’après les sources françaises (Roger Polin, de la Croix rouge venu porter secours aux blessés des deux camps). Roger Polin dénombra aussi un otage tué, deux Américains et un FTPF (André Abattut) et sept otages parmi les blessés. Un rapport étatsunien (dont il est fait état dans la citation attribuant à Paul Swank la Distinguished Service Cross par le président des États-Unis) fit état de quarante-cinq morts du côté allemand. Swank fut le seul tué en action de combat. Julien Allaux (op. cit., 1986, p. 193) indique que les Allemands eurent quatre tués et dix-huit blessés, les maquisards un tué (Swank) et trois blessés. Le site Musique et patrimoine de Carcassonne. L’histoire de Carcassonne et des alentours, art. cit., 2018) donne des chiffres différents : dix-neuf tués et vingt-quatre blessés dans les rangs allemands ; un Américain (Swank) et deux maquisards tués, des Américains (sans précision de nombre) et deux maquisards blessés. Comme on le voit le bilan des victimes de ce combat est incertain. On ignore où ont été puisés les chiffres donnés par le site carcassonnais. Mais les hommes du maquis de Salvezines n’ont jamais mentionné de victimes dans leurs rangs. Ni Lucien Maury, ni Henri Melich très proches de ces combattants. Ni l’historien Julien Allaux. Tout au plus peut-on admettre que l’otage tué (François Teulière) a pu être assimilé (à tort) à un résistant mort au combat. Des soldats allemands dirent à des civils français leur admiration pour le combat héroïque que Paul Swank leur avait livré.

Le lendemain, Paul Swank fut inhumé provisoirement dans un caveau familial de Limoux. Il avait été décidé, après a fin de la guerre de transférer sa dépouille au cimetière militaire américain d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). On s’aperçut alors que, dans une note manuscrite retrouvée dans sa ceinture, Paul Swank avait demandé à être inhumé, dans le cas où il serait tué, sur les lieux mêmes de sa mort. Son vœu fut exhaussé. Plusieurs années après, son tombeau fut érigé en 1949 sur le côté gauche de la RD 118, en direction de Limoux.

Il a été considéré que la mention « Mort pour la France » n’était pas applicable à Paul Swank. Il a reçu à titre posthume la Distinguished Service Cross, haute distinction militaire étatsunienne. Sa mémoire est régulièrement honorée à Limoux et à Alet lors des commémorations des combats du 17 août 1944 autour d’Alet. Sa mère s’est rendue, dans les années 1970, sur les lieux de sa mort. Elle fut reçue par les autorités et les anciens résistants. Sa cousine, domiciliée à Houston, Barbara Ivy Jogerst (1931-2021) écrivit (op. cit., 2019) un livre où elle relata, entre autres, sa mort héroïque. Le 17 août 2019, elle était présente à la cérémonie de Limoux et se rendit ensuite à Carcassonne. Elle y présenta son livre édité le mois précédent.

Il y a une rue Paul-Swank à Alet-les-Bains et à Limoux.

Voir Alet, aujourd’hui Alet-les-Bains (Aude), 17 août 1944

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article252009, notice SWANK Paul A. [Paul Abraham] par André Balent, version mise en ligne le 3 novembre 2022, dernière modification le 18 novembre 2022.

Par André Balent

Paul Swank (1921-1944)
fonds Barbara Ivy Jogster
Paul Swank (1921-1944) et son commando de l’OSS parachuté dans l’Aude le 11 août 1944.
Fonds Barbara Ivy Jogster
Page 1 de couverture du livre de Barbara Ivy Jogster (2019), cousine de Paul A. Swank
Alet-les-Bains (Aude). Bord de la RD 118
Tombe de Paul A. Swank, sur les lieux où il fut abattu. Vue d’ensemble.
Cliché : André Balent, 13 août 2022
Alet-les-Bains (Aude)
Tombe de Paul A. Swank.Vue d’ensemble de la stèle."Ici est tombé glorieusement pour la libération de la France le lieutenant américain Paul Swank 17 août 1944 et y repose"
Cliché : André Balent, 13 août 2022
Alet-les-Bains (Aude)
Tombe de Paul A. Swank. Détail de la stèle."Ici est tombé glorieusement pour la libération de la France le lieutenant américain Paul Swank 17 août 1944 et y repose"
Cliché : André Balent, 13 août 2022
Alet-les-Bains (Aude)
Tombe de Paul A. Swank. Détail de la stèle. "Here fell for the cause of freedom and liberty lieutenant Paull (sic) Swank Army of the United States August 17 1944 and lies acording to his own will"
Cliché : André Balent, 13 août 2022
Alet-les-Bains (Aude). Bord de la RD 118.
Tombe de Paul A. Swank (1921-1944). Plaque des maquis Robert et Faïta des FTPF.
Cliché : André Balent, 13 août 1944.

SOURCES : Julien Allaux, La 2e guerre mondiale dans l’Aude, Épinal, Éditions du Sapin d’Or, 1986, 255 p. [p.193]. — Barbara Ivy Jogerst, Paul Swank Enduring Hero. An American Soldiers’s Sacrifice in Occuped France , New York, 2019, 140 p. — Barbara Ivy Jogerst, « War-Time Courage That Endures », The Saturday Evening Post, bimestriel, Indianapolis, daté du 14 août 2019 [L’article évoque la cérémonie du 17 août 2019 à Limoux]. — Lucien Maury (dir.), La résistance audoise (1940-1944), tome II, Carcassonne, comité d’Histoire de la Résistance du département de l’Aude, 1980, 439 p. [p. 286-288, 314-320, 332-335]. — Henri Melich, À chacun son exil. Itinéraire d’un militant libertaire espagnol, préface de Tomas Ibañez, La Bussière, 2014, 223 p. [pp. 60-61, 65]. — « En mémoire du lieutenant Swank », La Dépêche, 18 août 2019. — Site American War Memorial Overseas, Inc., consulté le 30 octobre 2022. — Site MemorialGenWeb consulté le 30 octobre 2022. — Site Musique et patrimoine de Carcassonne. L’histoire de Carcassonne et des alentours, consulté le 2 novembre 2022, article (2018) : « L’héroïsme du lieutenant américain P. Swank à Alet le 17 août 1944 ».

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