WU SHAOSHU 吴绍澍

Né à Qingpu, près de Songjiang au Jiangsu en 1897, « jeune turc » du GMD.

Un bel exemple du rôle des conflits entre cliques de GMD dans la vie politique de la Chine républicaine entre 1927 et 1949.
Wu Shaoshu est un « jeune turc » du GMD. Né à Qingpu, près de Songjiang au Jiangsu en 1897, il fait ses études à l’université Aurore fondée par les Jésuites français à Shanghai, puis à l’école normale de Pékin. Il est quelque temps, comme son futur adversaire Wu Kaixian*, membre de la Ligue de la Jeunesse Communiste avant de devenir comme ce dernier un des disciples de Du Yuesheng*. Il fait carrière dans le GMD durant les années trente : il est commissaire à l’éducation pour le Jiangsu et effectue des séjours à Shanghai dans les plus grands hôtels sur l’invitation de Wu Kaixian et de Du Yuesheng. En février 1935 il est un des fondateurs de l’Association Chinoise du Travail, ce qui lui ouvre la perspective de beaux voyages aux USA. Il se range alors plus ou moins dans la clique CC, dont Wu Kaixian était un des fleurons. Celle-ci a pris le contrôle du mouvement ouvrier à Shanghai où Wu Shaoshu essaie de trouver sa place.
Tout se brouille durant l’été 1938 à Wuhan. Dans l’ambiance fiévreuse de la triple ville menacée par l’avancée méthodique le long du Yangzi de l’armée japonaise au rythme de la chute des forteresses qui en barraient l’accés, Wu Shaoshu s’est lié d’amitié avec Kang Ze, le chef des Chemises Bleues. Grace à sa recommandation, il devient secrétaire de la Ligue de la Jeunesse des trois Principes du peuple, présidée par Chiang Ching-kuo, qui, forte de 1.400.000 membres, était destinée à redonner de la vigueur à un GMD à bout de souffle. Quand une lutte obscure oppose Kang Ze à Chen Lifu, le chef de file de la clique CC, Wu Shaoshu se range au côté du premier et se montre « déloyal » envers la clique. Or Wu Kaixian, qui était le secrétaire du Dangbu GMD de Shanghai était en difficulté depuis la perte de la ville après la bataille de Shanghai suivie du ralliement d’une bonne partie de son état-major au courant favorable à l’arrêt de la guerre avec le Japon. Wu Kaixian essaie néanmoins de mettre sur pied avec l’aide de Dai Li et de Du Yuesheng un réseau clandestin en relation avec le Dangbu de Shanghai maintenant replié à Tunxi, au sud Anhui. Mais il est arrêté en décembre 1942 à Shanghai par la police de Wang Jingwei et détenu au siége redoutable de cet organisme situé au 76 Jessfield Road. Libéré au bout de quelques mois, il est déposé par un avion japonais à Liuzhou, au Guangxi : il est porteur de propositions d’une paix séparée adressée par les Japonais à Chiang Kai-shek. Sa surprenante libération aurait été obtenue suite à des tractations secrètes entre Dai Li et Zhou Fuhai – en effet, ce dernier, bien qu’il fut ministre du gouvernement de Wang Jingwei, avait dans sa résidence de Nankin un poste de radio qui lui permettait de communiquer avec les services de Dai Li ! Fortement compromis par les conditions de sa libération et soupçonné d’avoir fait sa soumission au Japon, Wu Kaixian dut abandonner à Wu Shaoshu sa responsabilité à la tête du Dangbu de Shanghai en exil. Toutefois, il s’agissait d’une coquille vide : le seul réseau favorable au gouvernement de Chiang Kaï-shek à Chongqing qui fonctionnât alors à Shanghai était celui de la Bande Verte, par ailleurs très engagée dans le soutien à Wang Jingwei, et celui du juntong, la police militaire secrète de Dai Li. L’un et l’autre soutenaient Lu Jingshi*. Wu Shaoshu n’avait ni bras, ni yeux, ni oreilles. Pendant ce temps, Lu Jingshi mettait sur pied avec l’ aide de l’OSS, le renseignement militaire américain, une « armée loyale pour le salut national » de 1500 à 2000 hommes de main à Chun’an, au nord Zhejiang : on y remarquait un certain nombre de syndicalistes GMD d’avant 1937 liés à la Bande Verte. Le 15 août 1945, alors que le Japon venait de capituler, Wu Shaoshu installait le Dangbu 60 rue Edan ( actuellement Yuqinglu) à Xujiahui, tandis que la Ligue de la Jeunesse des trois Principes du Peuple dont il était le responsable pour Shanghai s’installait non loin de là rue Courbet (actuellement Fuminglu) avec ses deux journaux , logés non loin de là à Seymour Road, ( actuellement Shaanxi beilu), le Qingnian ribao et le Zhengyan bao. Vice-maire de Shangai et en excellents termes avec le nouveau maire, le général Qian Dajun, Wu Shaoshu envisageait de prendre le contrôle du Syndicat Général de Shanghai (GLU) dont on préparait la réorganisation. Il semblait disposer d’atouts qui lui assuraient la victoire, dont la direction du Bureau des Affaires Sociales (BAS).
Mais, dès le 24 août, Lu Jingshi avait, lui aussi, fait son retour, avec sa « milice ouvrière loyale » et ses réseaux du juntong et de la Bande Verte. Il disposait à Nankin redevue bientôt capitale, de l’appui du Ministère des Affaires Sociales, qui était une place-forte de la clique CC : il n ’était pas question de laisser le seul BAS de Shanghai échapper à son hégémonie. C’est d’ailleurs l’argent de ce Ministère que Lu Jingshi distribuait aux très nombreux chômeurs de Shanghai en se créant une clientèle ouvrière alors que Wu Shaoshu manquait d’assise populaire. Quand le Syndicat Général de Shanghai tint son congrès de réorganisation en octobre 1945, sa direction fut presque entièrement formée de membres de la clique CC, dont certains avaient eu des responsabilités syndicales dans les années trente. Cette reconquête avait été l’œuvre de Zhou Xuexiang*, de Ye Xianggao*, de Li Keming* et de Fan Caikui* qui s’étaient réunis dans un salon des jardins du Lido, Nanjingxilu ( ex Bubbling Well Road) dès le 22 août 1945 pour mettre au point leur offensive. Le nouveau président du GLU était le postier Shui Xiangyun*. Tous les responsables, sauf deux ou trois, étaient des proches ou des protégés de Lu Jingshi. Au début janvier 1946, Chiang Kaï-shek convoqua Wu Shaoshu à Chongqing pour lui signifier sa disgrâce, malgré le plaidoyer de Ching-kuo en sa faveur. Après avoir perdu son rang de vice-maire de Shanghai, il fut révoqué de sa fonction de commissaire du BAS de Shanghai et remplacé sur ce poste par Wu Kaixian dès le 29 janvier. S’il fallut attendre la fin octobre pour que Fang Zhi, de la clique CC, le remplace comme responsable du Dangbu de Shanghai, il avait été écarté de cette responsabilité dès sa disgrâce connue. D’après le rapport mensuel sur les grèves à Shanghai de juillet 1946 établi par Friedman, le « labor attaché » du Consulat Général Américain de Shanghai, Wu Shaoshu aurait favorisé le développement des grèves en mai-juin pour se venger de sa défaite.
Wu Shaoshu commença alors la troisième période de sa carrière politique : son opposition à la clique CC faisait maintenant de lui de plus en plus souvent un opposant au GMD. Le conflit entre la Ligue de la Jeunesse des Trois Principes du peuple et la clique CC se développa à front renversé : de même que la clique avait favorisé naguère l’agitation ouvrière pour fragiliser Wu Shaoshu, de même on trouvait maintenant des militants de la Ligue à l’origine de grèves ou de manifestations ouvrières pourtant interdites par les autorités. Après la dissolution de la Ligue le 30 juin 1947, plusieurs de ses militants rejoignirent d’ailleurs le PCC, tandis que des clandestins communistes avaient adhéré à la Ligue durant les mois précédant sa dissolution pour masquer leur véritable appartenance politique. On observe notamment le phénomène lors de la grande grève des ouvrières de la cotonnière Shenxin n°9 en janvier-février 1948 (voir à Yang Guangming*). Le journal de Wu Shaoshu Zhengyanbao commenta en octobre 1948 l’exécution de Wang Xiaohe* en se livrant à une charge contre la clique CC dont la politique expliquerait les récents succés des communistes en miieu ouvrier. Cependant, durant l’été 1948, Chiang Ching-kuo, qui avait reçu de son père de grands pouvoirs pour lutter contre l’inflation et la corruption dans la région de Shanghai, avait fait de Wu Shaoshu un de ses conseillers : cette remontée politique ne dura qu’un seul été. Wu Shaoshu repassa très vite dans l’opposition au régime et resta en Chine Populaire après 1949 jusqu’à sa mort. Ses cendres sont conservées au cimetière de Babaoshan où reposent celles des révolutionnaires chinois

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article252047, notice WU SHAOSHU 吴绍澍, version mise en ligne le 5 novembre 2022, dernière modification le 5 novembre 2022.

SOURCES : Roux, 1991. pp 1423-1464. — Wenshiziliao. Shanghai. 1979, notamment pp 171-184 : Jiang Menglin et Mao Zipei : « Les luttes entre cliques du GMD à Shanghai après la victoire sur le Japon » : rédigé par deux des principaux lieutenants de Wu Shaoshu en 1945 ce témoignage présente un intérêt exceptionnel.

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