DREYFUS Jean, Émile

Par Dominique Tantin

Né le 28 février 1914 à Paris (VIIIe arr.), abattu le 8 novembre 1942 à Alger (département d’Alger, Algérie française) ; militaire ; résistant ; Compagnon de la Libération.

Jean Dreyfus
Jean Dreyfus
Crédit : MémorialGenWeb

D’origine juive, Jean Dreyfus naquit le 28 février 1914 au domicile familial, 55 rue du Rocher dans le VIIIe arrondissement de Paris. Julien Dreyfus, son père, né le 5 avril 1882, dans le Xe arr., exerçait alors, selon l’acte de naissance, la profession de « représentant de fabrique ». Sa mère, Yvonne née Hayem, le 5 juillet 1890 à Saint-Quentin (Aisne), était sans profession. Son père et sa mère, qui s’étaient mariés le 17 mars 1913 à la mairie du XVIIIe arr. de Paris, décéderont respectivement en 1973 et 1987.
Jean Dreyfus fut élève au lycée Condorcet puis à l’École alsacienne. Il était diplômé de l’école des Hautes Études Commerciales (HEC). Il accomplit son service militaire comme officier au 20e régiment d’Artillerie de Poitiers, à l’issue duquel il devint sous-lieutenant de réserve. En 1937, il s’installa en Algérie où il prit la direction d’une entreprise commerciale. En 1939, il fut mobilisé dans le 65e Régiment d’artillerie d’Afrique, et il servit en Tunisie jusqu’à l’armistice de juin 1940.
En Algérie, en 1942, il participa à la résistance et à la préparation de l’aide au débarquement des Alliés en Afrique du Nord au sein d’une nébuleuse anti vichyste, les uns issus de l’extrême-droite germanophobe à l’instar du « groupe des Cinq », Lemaigre-Dubreuil, Jean Rigault, Jacques Tarbé de Saint-Hardouin, le colonel Van Hecke et Henri d’Astier de la Vigerie, lequel, avec lieutenant-colonel Germain Jousse, faisait la liaison avec un groupe très actif de jeunes rassemblés autour de José Aboulker, étudiant en médecine, unis par le patriotisme et la volonté de faire rentrer l’Afrique du Nord française dans la guerre. Ce mouvement joua un rôle déterminant dans la réussite, à Alger, de l’opération Torch, nom de code du débarquement anglo-américain au Maroc et en Algérie dans la nuit du 7 au 8 novembre 1942. Dans un article de Corinne Bensimon publié dans le quotidien Le Monde en date du 3 novembre 2022, et intitulé « La mémoire occultée de l’opération « Torch » l’auteure revisite « ce tournant de la seconde guerre mondiale qui doit beaucoup au courage de 400 jeunes résistants algérois » parmi lesquels le sous-lieutenant Jean Dreyfus et le capitaine Pillafort, recruteurs et instructeurs d’un réseau en étoile très cloisonné composé de groupes de cinq réunis autour d’un chef. Plus des trois quarts étaient Juifs. Ils agissaient en liaison avec le consul des États-Unis, Robert Murphy et par l’intermédiaire de ce dernier avec les autorités américaines.
Jousse, nommé en octobre 1942 chef de la garnison d’Alger, imagina un stratagème pour prendre le contrôle des postes stratégiques d’Alger, neutraliser les autorités de Vichy jusqu’à l’arrivée des Américains. Il s’agissait pour les résistants, avec l’aide Jousse, de se faire passer pour des supplétifs du Service d’Ordre Légionnaire (SOL) avec brassards et ordres de mission signés du colonel pour investir les centres de décision.
L’opération fut d’abord une réussite totale. Le 8 novembre 1942, à 1h30, sans un coup de feu, ils étaient maîtres d’Alger. Les généraux Juin et Koeltz, fidèles à Vichy, étaient leurs prisonniers. Hélas, les Américains, excessivement prudents, tardèrent à faire leur entrée dans l’agglomération algéroise. Des unités vichystes de gardes mobiles et de chasseurs blindés contre-attaquèrent. Jean Dreyfus et Alfred Pillafort furent abattus.
Nous empruntons à la notice biographique de Jean Dreyfus sur le site de l’Ordre de la Libération le récit des circonstances de sa mort. « Le 8 novembre 1942 à l’aube, chargé de neutraliser les services de la poste centrale d’Alger et d’interdire ainsi toute communication avec la métropole, il investit la Grande Poste à la tête d’une quinzaine d’hommes. Jean Dreyfus coupe le central téléphonique qui dessert le centre d’Alger. Il tient la position face à un engin blindé du 5e Régiment de chasseurs d’Afrique et des fusils-mitrailleurs. Il refuse de se rendre et les assaillants ouvrent le feu sur la Poste. Au bout d’une heure, considérant le but de sa mission atteint, le lieutenant Jean Dreyfus décide de sortir pour parlementer ; après un moment de discussion, il retourne auprès de ses volontaires. C’est à ce moment-là qu’il est tué dans le dos d’une rafale de fusil-mitrailleur par un sous-officier. »
Jean Dreyfus fut inhumé dans le cimetière civil d’Alger puis au cimetière d’El Biar. Il obtint la mention « Mort pour la France » et fut nommé Chevalier de la Légion d’Honneur. Il reçut la Croix de Guerre 1939-1945 avec palme et le général de Gaulle, par décret en date du 13 mars 1943, le fit Compagnon de la Libération. Il reçut également la Legion of Merite des États-Unis.
Son frère cadet, René, ami d’enfance de François Jacob, avait rejoint les Forces françaises libres (FFL). Il trouva la mort au Tchad le 22 février 1942.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article252303, notice DREYFUS Jean, Émile par Dominique Tantin , version mise en ligne le 15 novembre 2022, dernière modification le 16 novembre 2022.

Par Dominique Tantin

Jean Dreyfus
Jean Dreyfus
Crédit : MémorialGenWeb

SOURCES : Service historique de la Défense, Caen, AVCC, AC 21 P 172796 (nc). — Biographies non signées sur le site de l’Ordre de la Libération et sur Wikipédia. — Corinne Bensimon, La mémoire occultée de l’opération « Torch », Le Monde, 3 novembre 2022. — Mémoire des Hommes. — MémorialGenWeb. — Geneanet. — Acte de naissance, Archives de Paris en ligne.

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