Par Rachel Mazuy
Né le 13 juillet 1895 à Châlons-sur-Marne (Châlons-en-Champagne) dans la Marne, mort le 7 juin 1939 à Paris ; peintre, graveur et lithographe français ; correcteur d’imprimerie pour L’Humanité ; secrétaire de rédaction de la revue Partisans ; collaborateur de l’hebdomadaire Floréal.
Robert, Louis Antral (parfois écrit Robert-Louis ou Louis-Robert), était généralement appelé Robert Antral. Il était de le fils de Jean Antral, employé de banque ou du chemin de fer (les deux versions existent dans les actes d’état-civil), né sans doute en 1863 et et domicilié à Paris. De père et mère inconnus, ce dernier était un enfant trouvé sous le porche de l’église de Passy. Sa mère, Marie, Lucie Ménonville, sans profession, était née à Somme-Yèvre dans la Marne le 9 août 1865. Ils s’étaient mariés le 17 février 1890 à Châlons-sur-Marne (Châlons-en-Champagne).
Robert Antral suivit une formation à l’École des arts décoratifs, qu’il dût interrompre du fait de la Grande Guerre. Il fréquenta aussi l’atelier du peintre Fernand Cormon. Incorporé comme engagé volontaire au 10e Régiment de Dragon le 28 novembre 1914, il passa ensuite au génie. Il fut blessé pendant un bombardement qui toucha Paris le 23 mars 1918, alors qu’il était en permission. Il fut décoré de la Croix de guerre. Il peint et dessina la guerre, réalisant notamment des affiches, comme Le Jour de la Paix ou des œuvres comme L’Ultime baiser (avril 1918, Musée des Beaux-arts de Reims).
Il était lié à la Société des artistes Indépendants dont il était le vice-président en 1939, et à Maximilien Luce qui présida la Société de 1935 à 1941. Il était aussi sociétaire au Salon d’Automne.
Peintre et graveur réaliste de l’École de Paris, Antral était d’abord un paysagiste, un peintre de l’eau (que ce soit à Paris, aux Pays-Bas pour les canaux, et pour la mer, en Bretagne, en Normandie ou dans le Nord, mais aussi en Angleterre).
Selon la notice nécrologique paru dans Ce soir, le 11 juin 1939 : « Antral tenait au peuple, par son art et par ses idées ». Installé dans le quartier de Vaugirard, « Il aimait à peindre les quartiers populeux, les rues de banlieue, les chantiers et les ports. Il savait exprimer à la fois la beauté de l’effort humain et la souffrance des travailleurs. » En effet, dans ses paysages, ses ports laissaient voir des fumées industrielles et ses fleuves montrent les usines des quais de Seine ou des banlieues. »
Avec Paul-Émile Pissarro, il fut secrétaire de rédaction de la revue Partisans dont Marcel Say, alors anarchiste, était le directeur et il collabora aussi, entre 1920 et 1923, à Floréal, l’hebdomadaire illustré du monde du travail, qui était résolument socialiste.
En 1926, il fut le lauréat de la Fondation Blumenthal. En décembre 1933, il participa, comme son ami le peintre bourguignon André Claudot, à l’exposition de peintres français organisée à Amsterdam. En 1937, on le retrouva tout à la fois secrétaire rapporteur adjoint du Bureau de la peinture de l’Exposition universelle et donnant des œuvres pour l’exposition-vente libertaire en faveur de l’Espagne républicaine organisée au Vauxhall, 6, rue de la Douane (aujourd’hui rue Léon-Blum) à Paris, en faveur des orphelins de la colonie anarchiste de Llançà Catalunya en Catalogne (3 au 11 juillet). Cette exposition fut mise en place au bénéfice de cette colonie espagnole qui dépendait de la CNT anarchiste espagnole, et, du côté français, de libertaires, tout en étant liée au Comité du droit d’asile de la CGT. Il y exposa en compagnie d’André Claudot, de Maximilien Luce, de Georges Cresson, de Gaston Fontaine, de Charles Kvapil, de Jean Lébédeff, de Lollivier, de Jean Lugnier, de Raphaël Diligent, de Germain Delatousche, et du sculpteur Marcel Lémar.
Il répondit également à de nombreuses commandes officielles exécutant, « d’importantes décorations à l’École navale, au Lycée Janson de Sailly, à Châlons (Chambre d’agriculture de la Marne), au Palais de la Découverte, etc. » (Beaux-arts, 16 juin 1939). Désireux de garder son indépendance, Antral fut également correcteur d’imprimerie et il a travaillé la nuit jusqu’à sa mort pour le journal L’Humanité. Pour le Mercure de France (1er août 1939), « C’était le type même de « l’indépendant ». Sa silhouette, son vêtement, son allure de frondeur anarchiste le désignait à ce rôle. »
Il a également beaucoup travaillé pour l’édition. Très cultivé, il collaborait à plusieurs revues d’art, dont A.B.C. et on lui doit notamment une étude sur William Hogarth parue chez Rieder en 1931, des illustrations d’ouvrages de Mac Orlan (À huit clos, 1920), ou de contes de Rudyard Kipling.
Il allait mourir brutalement à quarante-quatre ans à l’hôpital Necker, d’une crise d’urémie. Il fut inhumé en présence de nombreux artistes le 10 juin au cimetière parisien de Thiais. La presse de gauche (Ce Soir, L’Humanité, Le Peuple, Le Populaire) salua le peintre, mais aussi "un bon camarade" (Le Peuple, 9 juin 1939). Quelques mois plus tard, le Salon des artistes indépendants de 1940 lui rendit hommage (La Croix, 3 avril 1940).
Un exposition posthume eut également lieu en 1945 au Musée Galliera. Pendant plusieurs années, la ville de Paris décerna un Prix Antral en l’honneur de celui qui fut appelé le « peintre de la vallée de la Marne ». Le Musée des beaux-arts et d’archéologie de Châlons-en-Champagne a organisé une rétrospective Antral du 5 février au 29 août 2010.
Il s’était marié à Bagnolet le 8 avril 1920 à Madeleine Kiehl (1889-1973), également artiste peintre, dont il avait eu une fille, Lise.
Par Rachel Mazuy
ŒUVRE : AUTEUR : Robert Antral, Hogarth, Rieder, 1931. — GRAVEUR : Paul Valiar, Le coeur et la boue, Ed. d’art La cigogne, 1921 ; André Maurois, Dialogues sur le commandement, J. Ferenczi, 1924 ; André Demaison, Tropique, Fayard, 1933 ; Edouard Peisson, Parti de Liverpool, J. Ferenczi et fils, 1937 ; Henry de Monfreid, Le Chant du Toukan, Fayard, 1937 ; Rudyard Kipling, Les Meilleurs contes, Fayard, 1939. — ILLUSTRATEUR : Henry Jacques, Peau de souris, Girard et Bunino, 1926 ; Andor Latzkó, La marche royale, J. Snell et Cie, 1926 (réédité en 2017 aux éditions La Dernière Goutte, Strasbourg) ; Gabriel Reuillard, La fille, Baudinière, 1926 ; Marc Elder, Pays de Retz, Emile-Paul frères, 1928 ; Edouard Peisson, Hans le marin, J. Ferenczi et fils, 1929 ; Maurice Genevoix, La boîte à pêche, J. Ferenczi et fils, 1933.
SOURCES : Rachel Mazuy, Jessica Watson, André Claudot. La couleur et le siècle, In Fine, Musée des Beaux-arts de Dijon, 2021. — Archives de la Marne, Registres de l’état-civil de Châlons-sur-Marne. — Archives de Paris, Livret Militaire. — Data BNF, Notice de Robert Antral. — Geneanet. — Philippe Pagnotta, Antral, Catalogue de l’exposition du Musée des beaux-arts et d’archéologie, Musée des beaux-arts et d’archéologie de Châlons-en-Champagne, 2010. — Le Libertaire, 1er juillet 1937. — Ce soir, 11 juin 1939. — Mercure de France, 1er août 1939. — Beaux-arts, 16 juin 1939. — Le Peuple, 9 juin 1939.