ROUX Serge

Par Bernard Thiéry

Né le 5 avril 1946 à Angoulême (Charente) ; insoumis ; infirmier psychiatrique notamment à l’hôpital Saint-Anne-Paris ; militant JCR, LC, membre du BP de la LCR, dirigeant CFDT-Santé, constructeur de l’opposition de gauche dans la CFDT, co-fondateur et permanent de CRC-Santé, de SUD-Santé-Sociaux ; militant associatif du secteur social, poète, peintre collagiste.

Serge Roux fut placé en famille d’accueil de l’Assistance publique jusqu’à l’âge de vingt-et-un an, âge de la majorité civile jusqu’en 1974. Ce placement intervint à quelques mois de sa naissance, après une prise en charge dans une institution religieuse ; ses parents à la rue étaient dans l’incapacité d’élever des enfants.
Sa sœur ainée Mado Sonzogni fut directrice des finances dans la fonction publique territoriale et engagée à gauche. Serge Roux vécut très difficilement une partie de son enfance dans des familles d’accueil parfois maltraitantes, cause d’un état « rebelle » à l’adolescence. De l’âge de cinq ans à sa majorité, il fut placé dans une famille d’accueil pauvre, digne et très accueillante dont le père était cordonnier et la mère femme de ménage. Cette vie en milieu populaire contribua à son évolution personnelle et militante
En 1961, il entra au collège-lycée de Barbezieux (Charente), commune devenue Barbezieux-Saint-Hilaire en 1973. Il y rencontra Didier Roy, un ami du collège, maître auxiliaire, qui lui fit découvrir des chanteurs tels que Brel, Ferré. Il fit aussi la connaissance de Daniel Reynaud, poète anarchiste.
Ses premiers engagements militants furent la lutte contre l’OAS, contre la guerre d’Algérie et celle du Viet Nam sous l’influence à la fois du Parti communiste, des guévaristes et des anarchistes.

Il contribua à Promesse, revue de poésie dirigée par Jean-Claude Valin puis par Jean-Claude Valin à Fez, il prit contact avec la jeunesse de l’Union des forces patriotiques du Maroc (UFP).
De retour en France en Mai 68, il milita au Comité d’action du XXe arr. de Paris. Il participa au meeting organisé le 9 mai par la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR), ouvert aux principales organisations d’extrême gauche, au cours duquel se constitua la direction de fait du mouvement qui, le lendemain fut aux commandes de la « nuit des barricades ».

En septembre 1968, bien que n’ayant pas son baccalauréat, il fut admis à l’université de Tours (Indre-et-Loire), en IUT de carrières sociales. Il fut condamné à deux mois de prison avec sursis pour insoumission par le Tribunal permanent de forces armées (TPFA) en 1968 ; les TPFA, tribunaux d’exception, furent supprimés en 1982.
Serges Roux participa aux nombreuses grèves des années 1968 et 1969 à l’université de Tours. Après la dissolution de la JCR en juin 1968, il contribua à la construction de la Ligue communiste (LC) fondée au congrès semi-clandestin d’avril 1969 à Mannheim (Allemagne).
Après avoir obtenu son diplôme universitaire de technologie (DUT), en 1969 et 1970, il occupa différents emplois d’animateur et d’éducateur puis, dans le cadre du « tournant ouvrier » pris par la LC à la fin de l’année 1971, il embaucha comme agent hospitalier dans le centre hospitalier psychiatrique de Tours et milita à la CFDT. Il rencontra Daniel Desmé, alors secrétaire du syndicat départemental CFDT Santé-Sociaux d’Indre-et-Loire, puis secrétaire général de la Fédération Santé de la CFDT de 1973 à 1976. Serge Roux anima la grève du centre hospitalier en 1973 et son comité de grève élu.
Il s’impliqua fortement, avec Daniel Desmé notamment, dans la bataille syndicale au sein de la fédération CFDT Santé, particulièrement pour faire adopter le principe des formes d’auto-organisation des luttes. Ce fut le premier regroupement d’une opposition large à l’orientation confédérale. Élu membre du bureau fédéral au congrès de 1973, avec Daniel Desmé, il anima la Fédération santé CFDT.
En 1974, il poursuivit sa formation d’infirmier psychiatrique et se rendit à Lisbonne (Portugal) pendant la « Révolution des œillets ». Il y eut des rencontres informelles avec des responsables de la fédération Hacuitex, parmi les plus combatives de la CFDT.
Après la manifestation contre le meeting d’Ordre Nouveau du 21 juin 1973, la LC fut dissoute ; l’activité militante se poursuivit autour de Rouge l’hebdomadaire de la LC puis dans la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) créée en décembre 1974. Serge Roux poursuivit la construction du courant pendant cette période dans la région Centre.
La mutation professionnelle de Sylviane, inspectrice des impôts avec laquelle il s’était marié en 1971, motiva leur installation à Paris dans IIe arrondissement. Il intégra le centre hospitalier Saint-Anne (Paris) en qualité d’infirmier psychiatrique en neuro-chirurgie puis dans les services psychiatriques. Il s’investit dans la politique de sectorisation alors en plein développement (centres d’accueil, extra-hospitalier, alternatives à l’hospitalisation).

Au cours de cette période Serge Roux contribua à l’ébauche de coordinations des luttes du secteur Santé-Sociaux. Il eut une activité intense de formation de son secteur. Le CRC-CFDT (Coordonner, Rassembler, Construire), à partir des années 1980, constituait une opposition forte dans la majorité des structures départementales. Il mena une longue campagne de soutien aux mineurs anglais en grève en 1984-1985. Une « coordination des hôpitaux et des luttes sectorielles ou catégorielles » fut élue au niveau national à laquelle participa Serge Roux par la logistique apportée par le CRC-CFDT Santé-Sociaux ; elle se donna pour porte-paroles Irène Leguay, Nicole Bénévise et Pascal Dias 242074lors de la manifestation qui, le 13 octobre 1988, rassembla environ 100 000 personnels de santé à Paris sous les mots d’ordre « Ni bonnes, ni nonnes, ni connes » et « Ras la seringue ». Les luttes déterminées des personnels de la santé et du secteur social et celles d’autres secteurs, menées alors que la gauche était au pouvoir, étaient peu prisées voire désapprouvées par la direction confédérale.

Serge Roux oeuvra à l’élargissement de ce courant de « gauche syndicale » à d’autres secteurs d’opposition de l’Union Régionale Parisienne (URP-CFDT). À partir du congrès de 1985 et jusqu’à 1988, alliée à l’Union parisienne syndicale de la métallurgie (UPSM), cette opposition, qu’il dirigea avec Marie-Thérèse Patry (venue du secteur de la santé), fut majoritaire.

La Confédération connut une évolution, engagée au Congrès d’Annecy en 1976, accentuée à celui de Brest de 1979 dit de « recentrage », que le courant d’opposition jugeait de plus en plus droitière. Les affrontements furent rudes aux congrès confédéraux de Bordeaux en 1985 et de Strasbourg en novembre1988. Pendant celui-ci, Edmond Maire, secrétaire général confédéral qualifia les oppositionnels de « moutons noirs ». Le syndicat CFDT Santé fut suspendu. Son exclusion de la CFDT Santé-Sociaux d’Île-de-France par la direction confédérale intervint en 1989. Fut alors créé le CRC (Coordonner, Rassembler, Construire) Santé-Sociaux en Île-de-France dont Serge Roux devint un des permanents au départ. Le CRC fut étendu progressivement au plan national ; autonome dans un premier temps, il se rattacha à SUD (Solidaires, Unitaires, Démocratiques) et devint SUD-CRC Santé-sociaux après la grande grève de 1995 contre le plan Juppé, puis SUD Santé-Sociaux en 1997. Serge Roux et ses camarades appréciaient dans SUD « son attachement au socialisme autogestionnaire, à sa pratique syndicale de "lutte de classe", son souci de l’unité et son soutien aux nouvelles formes d’organisation que se sont données les salariés, tout en soulignant la nécessité de l’outil syndical ».
Serge Roux reprit un poste au centre hospitalier de Saint-Anne puis au centre hospitalier de Saint-Maurice (Val-de-Marne) en 1989 et 1990 ; il fut chargé de formation de personnel hospitalier de cet hôpital. Il s’impliqua dans l’association « Accueil » se revendiquant du courant de la psychiatrie institutionnelle Tosquelles qui, avec des médecins psychiatres dont Guy Baillon, contribua au réseau Samu Social, puis le réseau « Souffrance et précarité » de 1991 à 2000.
Il entra au Bureau politique de la LCR à l’issue de son 7e congrès en novembre 1985. Il suivit la formation internationale des cadres qui se tenait pendant six semaines à Amsterdam au rythme de deux par an. Il contribua à la rédaction de la presse de la LCR

Il suivit au CNAM une formation d’ingénieur de 1992 à 1996, devint formateur au CNAM 1997 à Nantes puis à Caen de 2012 à 2014. Il occupa des fonctions de gestionnaire du personnel de 2000 à 2015. Il prit sa retraite en 2015. Il garda une activité militante à Vernouillet (Yvelines), ville gérée par la gauche de 2014 à 2020 ; il y fit du soutien scolaire, des actions de formation pour les jeunes de Mission Locale pour l’Emploi des Jeunes de Dreux (Eure-et-Loir) et dans ADEQUAT, importante association de retour à l’emploi par l’insertion sociale installée à Vernouillet qu’il présidait encore en 2022. Outre son activité de poète, Serge Roux était un peintre collagiste.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article252590, notice ROUX Serge par Bernard Thiéry, version mise en ligne le 29 novembre 2022, dernière modification le 2 décembre 2022.

Par Bernard Thiéry

SOURCES : Documents fournis par Serge Roux. — Jean-Paul Salles, La ligue communiste révolutionnaire 1968-1981 Instrument du Grand soir ou lieu d’apprentissage ?, Presses universitaires de Rennes, décembre 2005. — Hélène Adam et François Coustal, C’était la Ligue, Syllepse, novembre 2018.)

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