ARMONVILLE Jean-Baptiste

Né le 18 novembre 1756 à Reims (Marne), mort le 11 décembre 1808 à Reims ; ouvrier cardeur de laine ; conventionnel démocrate.

Son père était ouvrier sergier après avoir été soldat sous le nom de Saint-Amour. Orphelin de mère à quatorze ans, Jean-Baptiste Armonville perdit bientôt son père. Bien qu’il eût commencé à travailler très jeune comme tisseur, il savait lire et écrire, au moins dès l’adolescence.

Laborieux et chargé d’enfants (six naquirent entre 1781 et 1790 de son premier mariage), il participa en 1789 aux réunions populaires du couvent des Minimes, en plein quartier de l’industrie lainière à Reims. Il fut bientôt l’animateur du club populaire qui s’organisa aux Minimes.

Son action comme militant parmi les ouvriers de la laine apparaît en pleine lumière dans l’été 1792, quand la guerre menaça la frontière de l’Est. Le 4 juillet, il était à la tête d’une manifestation de 3 500 ouvriers qui voulaient aider le maire patriote Hurtault-Pinchard contre les autorités modérées (« feuillantines ») du district de Reims. Armonville dirigeait une foule pleine de colère contre les émigrés et les aristocrates et empêcha les violences inutiles.

Nommé « électeur » par l’assemblée primaire de son quartier, composée cette fois-ci de tous les citoyens, antérieurement classés en citoyens actifs, qui constituaient à eux seuls les assemblées primaires, et en citoyens passifs, qui en étaient exclus, Armonville participa aux opérations électorales du second degré, et il fut élu au cours de ces opérations le 4 septembre, au moment de l’invasion et des massacres parisiens, député de la Marne à la Convention.
Armonville, coiffé d’un bonnet rouge qu’il gardera en séance, fit son entrée le 20 septembre au bras du duc d’Orléans, député de Paris depuis la veille sous son nom révolutionnaire de Philippe-Égalité. C’était en somme une manifestation vivante des principes égalitaires.

Armonville vota la mort du roi, siégea en bonnet rouge près de Marat, mais ne joua qu’un rôle parlementaire effacé au Comité des Domaines ou au Comité des inspecteurs de la salle. On sait qu’il suivait l’activité de la Convention de très près parce qu’il expédiait régulièrement à Reims, avec de brefs commentaires, la documentation qu’il recevait comme conventionnel. On sait aussi qu’après thermidor il accrocha chez lui le portrait du « vaincu de thermidor ». Armonville demeura donc robespierriste, et c’est dans la fermeté de ses convictions qu’il faut chercher l’explication des légendes thermidoriennes à son sujet : ivrognerie, stupidité, ignorance de l’orthographe au-delà de tout ce qui est permis, etc... S’il est impossible de réduire absolument à néant ce qui a été dit de son ivrognerie, l’ » ivrognerie » du peuple, celle qu’on attribue au peuple à la fin du XVIIIe et au XIXe siècle n’étant souvent que le fait pour le peuple de boire du vin au cabaret en dehors des repas, ostensiblement, alors que les repas à la maison étaient arrosés d’eau claire, mais cette ivrognerie pouvant aller aussi jusqu’à l’ivresse publique, occasionnelle ou fréquente, par contre les écrits authentiques d’Armonville conservés dans les dépôts publics témoignent de l’intelligence du conventionnel ouvrier et de sa connaissance de l’orthographe, certes bien faible, mais pas plus faible que celle de beaucoup de bourgeois et de petits-bourgeois qui avaient suivi leurs classes régulièrement.

Armonville protesta contre la fermeture du club des Jacobins à la tribune de la Convention. Il fut insulté au Palais-Égalité (ex Palais-Royal) par la jeunesse dorée de l’an III parce qu’il continuait de porter le bonnet rouge. Les muscadins projetèrent de le décoiffer et de jeter son bonnet à la Seine. Armonville quitta la Convention pauvre comme il y était entré. C’est seulement grâce à un secours du Directoire qu’il put regagner Reims après la session.
En mars-avril 1796, le voici chargé de la propagande babouviste parmi les ouvriers de l’Aisne, de la Marne et des Ardennes. Mis en état d’arrestation, il fut sauvé par le commissaire du pouvoir exécutif près le tribunal du département de la Marne, Silvy. Une seconde fois en 1797, Silvy protégea Armonville contre les poursuites.

L’activité politique d’Armonville ne s’interrompit pas avec l’exécution de Babeuf et de Darthé en juin 1797, ou bien elle reprit dès que le coup de force du 18 fructidor an V fut venu redonner de l’espoir aux républicains. En frimaire an VI (novembre-décembre 1797), Armonville demanda et obtint l’autorisation d’ouvrir à Reims dans les quartiers ouvriers, un « Cercle constitutionnel », qui semble avoir été réservé aux ouvriers, en fait sinon en droit, et qui devait rappeler le club des Minimes de 1790-1792.

Nommé Inspecteur de l’entretien des routes en l’an VII, dans l’Oise puis dans les Ardennes, Armonville fut destitué sous le Consulat. De 1800 à 1808 il vécut à Nantes comme garde-magasin et comme tisseur dans une manufacture. Il ne revint à Reims que pour y mourir.

A l’époque de la Convention il vivait avec une compagne, dont il avait un fils. Il était lui-même veuf et se serait marié avec sa compagne, si elle avait pu alors divorcer selon la loi. Après la mort de cette personne, il se remaria deux fois encore à Nantes.

Si un de ses enfants put faire des études et entrer sous la Restauration au Conservatoire des Arts et Métiers, ce fut parce que ses amis de la bourgeoise révolutionnaire rémoise contribuèrent aux frais.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article25270, notice ARMONVILLE Jean-Baptiste , version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 17 novembre 2010.

SOURCES : A. Kuscinski, Dictionnaire des Conventionnels, Paris, 1919. — Gustave Laurent, « Un Conventionnel ouvrier J.-B. Armonville », dans Annales historiques de la Révolution française. 1924, p. 217-249 et 315-355.

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