BOURGOIN Jean-Marie, Joseph

Par Madeleine Peytavin

Né le 22 septembre 1953 à Laval (Mayenne) ; cheminot, agent de conduite ; syndicaliste CGT, secrétaire de la section technique CGT des agents de conduite du Mans (1979-1985), secrétaire général du syndicat CGT des cheminots du Mans (1985-1991) ; militant communiste (1977-1998) ; élu local, maire de Ploulec’h (2014-2018).

Départ à la retraite de Jean-Marie Bourgoin, 2003
Départ à la retraite de Jean-Marie Bourgoin, 2003
[DR. IHS-CGT cheminots, Coll. J-M. Bourgoin.]

La famille de Jean-Marie Bourgoin était modeste et habitait Evron (Mayenne). Jean-Marie fut très influencé par le parcours de ses parents. Son père, Marcel Bourgoin, eut une enfance difficile en raison de son statut d’enfant naturel. Sa mère, veuve de guerre, gérante d’une auberge, l’éleva seule et, si Marcel connut son père biologique, il ne put jamais porter son nom, ce qu’il vécut comme une blessure personnelle. Marcel commença à travailler très tôt, à l’âge de 11 ans, comme commis de ferme puis, après la Seconde guerre mondiale, il devint laitier avant d’être embauché par la municipalité d’Evron (Mayenne) comme éboueur. Il aimait raconter son travail à son fils, lui expliquant que les pourboires journaliers permettaient d’acheter le pain quotidien. La vente des calendriers des éboueurs de la ville rapportait une jolie somme mais son père était surtout sensible à l’estime que lui témoignait la population. La mère de Jean-Marie Bourgoin, Marie-Germaine Brault, fut une femme au foyer énergique et autoritaire. Chargée de s’occuper de ses quatre enfants, elle les éduqua dans la foi catholique. À ce titre, elle eut aimé que Jean-Marie épousa une carrière d’homme d’église. Vers la quarantaine, elle reprit une activité. Elle effectua de nombreux remplacements aux abattoirs Socopa d’Evron qui comptaient alors une centaine de salariés. Elle fut définitivement embauchée dans cette entreprise comme cantinière. Mécontente de ses conditions de travail dans les abattoirs, elle se rendit à Laval (Mayenne) pour prendre contact avec la CFDT. Trouvant porte close, elle s’adressa à la CGT locale avec l’aide de laquelle elle créa un syndicat dans l’entreprise et participa à plusieurs grèves.

Jean-Marie Bourgoin naquit le 22 septembre 1953 à Laval (Mayenne), il était le troisième d’une fratrie de quatre enfants. Il fut scolarisé dans un établissement privé. À Evron (Mayenne), un curé recrutait les enfants qui atteignaient l’âge de 9-10 ans. Après avoir retenu la candidature Jean-Marie, celui-ci entra au petit séminaire de Laval (Mayenne) pour effectuer sa sixième et sa cinquième, deux années qui s’avérèrent douloureuses. Par la suite, il rejoignit le Collège Saint-Joseph d’Evron où il passa son BEPC puis il fut admis au lycée technique public de Laval. C’était sa première expérience d’un établissement public. Jean-Marie était alors un garçon timide et introverti. Rencontrant des difficultés sérieuses avec les mathématiques modernes, sa mère voulut qu’il suive une filière technique, elle l’inscrivit alors au concours du centre d’apprentissage SNCF du Mans (Sarthe).

Reçu, il intégra le centre d’apprentissage SNCF Auguste Piron du Mans, le 1er septembre 1970. Une nouvelle vie commença pour lui. Il se fit des amis, découvrit la solidarité et sa timidité s’atténua. Il se joignit très vite aux apprentis contestataires qui bataillaient pour améliorer leurs conditions de vie. Les jeunes apprentis avaient notamment pour revendication, peut-être la plus importante à leurs yeux, de pouvoir porter les cheveux longs comme c’était la mode depuis 1968. La revendication étant repoussée par la direction du centre d’apprentissage, il prépara, avec cinq autres camarades, une riposte pour la remise des prix de fin d’année. Sorti major de sa promotion, il monta sur l’estrade avec ses camarades la tête rasée. Ils furent fiers de leur coup d’éclat mais la direction de l’apprentissage eut la main vengeresse : aucun apprenti ne fut proposé au cours de promotion professionnelle du second degré (CPP2), une formation complémentaire de deux ans d’études, qui ouvrait la voie à la maîtrise.

Au cours de ces années d’adolescence, Jean-Marie Bourgoin s’émancipa, il gagna en indépendance et assurance. Il prit ses distances avec la foi catholique dès la fin des années 1960. En 1972, il obtint un CAP de mécanique générale, option entretien et réparation. De septembre à novembre 1972, il suivit une formation professionnelle post-apprentissage spécialisée dans le matériel moteur aux ateliers de Sotteville-Quatre-Mares (Seine-Maritime) puis il devança l’appel pour le service national. Il effectua celui-ci de 1973 à 1974.

À son retour, Jean-Marie Bourgoin fut affecté à la réparation des systèmes de chauffage « Avialex » aux ateliers Matériel du Mans (Sarthe). En 1974, il fut admis en formation pour devenir agent de conduite, formation qui débuta en septembre 1974. Au terme de celle-ci, il fut nommé conducteur en juin 1976 au dépôt Traction du Mans (Sarthe). Il effectua l’ensemble de sa carrière dans ce dépôt. Il y eut notamment l’occasion de conduire le TGV atlantique mis en service en 1989. La conduite d’un TGV était pour lui et ses collègues, une fierté. Elle permit à certains d’échapper aux roulements de « hibou » (trains de nuit) et d’améliorer leur condition de travail. Le 21 septembre 2003, il fit valoir ses droits à la retraite.

En 1974, Jean-Marie Bourgoin adhéra à la CGT. Dans les années suivantes, il suivit trois formations syndicales : de base en 1978, de niveau moyen en 1980 et de niveau supérieur en 1985. Ces formations furent suivies d’un stage Transport en 1986 créé à l’initiative de Joël Decaillon. Il assuma, à son tour, un rôle d’instructeur dans différentes formations syndicales : d’accueil, de base, moyenne et CHSCT.

En 1979, il devint secrétaire de la section technique des agents de conduite (ADC) du syndicat CGT des cheminots du Mans (Sarthe). Il occupa cette responsabilité jusqu’en 1985, année où il fut élu secrétaire général du syndicat, responsabilité qu’il assuma jusqu’en 1991. En parallèle, il fut membre du comité de secteur de Paris-Montparnasse puis de Nantes (Loire-Atlantique) et membre de la commission exécutive de la Fédération CGT des cheminots (1986-1991). En 1991, il reprit la responsabilité de la section technique ADC. En parallèle, il assura plusieurs mandats : délégué du personnel, membre du CHSCT, élu suppléant à la Caisse de Prévoyance et des Retraites. En 1988, la Fédération CGT des cheminots le présenta au conseil d’administration de la SNCF.

Durant sa carrière, il fut témoin et acteur de quelques batailles syndicales locales et des grands mouvements sociaux. Au niveau local, ce fut d’abord la mobilisation contre le plan Guillaumat, en 1978. Celui-ci envisageait la suppression des lignes Caen-Le Mans sur l’activité voyageurs et Le Mans-Tours sur l’activité Fret. L’émotion fut vive dans le département. Le syndicat CGT organisa une conférence de presse et produisit une pétition que les militants diffusèrent auprès des voyageurs. L’initiative reçut le soutien des élus PCF. Le rapport Guillaumat fut finalement abandonné après une mobilisation importante au niveau de toutes les régions SNCF.

En 1983, le syndicat CGT des cheminots du Mans (Sarthe) se mobilisa au sujet de projet de contournement ferroviaire de la ville. Le syndicat était favorable au contournement du centre ferroviaire du Mans pour libérer la gare du Mans de circulations parasites et, notamment des TGV. À l’inverse, le maire communiste du Mans, Robert Jarry, était opposé à ce contournement qui, pour lui, restreignait la desserte TGV du Mans. Robert Jarry voulait contraindre la SNCF à ajourner la réalisation de ce contournement alors que les ponts et autres œuvres d’art, comme l’acquisition des terrains, étaient déjà réalisés. L’opposition fut vive entre le syndicat CGT des cheminots du Mans et la municipalité de gauche. La section PCF des cheminots et la Fédération PCF de la Sarthe se trouvèrent en opposition. Pour essayer de trouver une solution, une réunion fut organisée dans les locaux de la Fédération du PCF en présence de Georges Lanoue, alors secrétaire général de la Fédération nationale des cheminots CGT et membre du Comité central du PCF. Côté syndicat, y participèrent Rémi Croissant, Didier Léon, et Jean-Marie Bourgoin. Cette rencontre établit que le contournement du Mans ne devait pas prendre le pas sur les établissements du centre ferroviaire existant : atelier du matériel, dépôt des agents de conduite, triage. Finalement, le contournement du Mans fut réalisé en même temps que la Ligne à Grande Vitesse (LGV) qui relia Le Mans et Rennes (Ille-et-Vilaine) à compter de 2017.

En 1991, le Comité d’entreprise organisa une conférence sur l’avenir du site ferroviaire local au palais des congrès du Mans (Sarthe). Jean-Marie Bourgoin représenta le syndicat CGT du Mans et participa à l’organisation. Ce fut un succès quant à la fréquentation, l’Union départementale CGT ayant joué un grand rôle dans la préparation. Néanmoins, des camarades du Comité fédéral de la Sarthe du Parti communiste critiquèrent la présence des employeurs du chemins-de-fer, qu’ils imputèrent à Jean-Marie Bourgoin.

Au plan national, Jean-Marie Bourgoin participa à la grève de l’hiver 1986-1987. Nombre de cheminots s’inscrivirent dans le mouvement sans préavis. Le syndicat CGT organisa une AG par chantier. En tant que membre du CTN ADC, Jean-François Soulard suivit le dépôt et il n’y eu pas de coordinations d’organisées au Mans. Le piquet de grève fut tenu 24 heures sur 24, avec des AG. Les cheminots, remarquant que les médias et, en particulier, les services publics comme France 3 régionale (FR3) n’évoquaient que la gêne infligée aux voyageurs en firent un ordre-du- jour : le syndicat CGT proposa une motion demandant à FR3 une interview. La direction de FR3 refusa. Les grévistes menacèrent FR3 de manifester devant le siège local de la chaine télévisée. La direction de la chaine finit par accepter mais fit lire une expression de la rédaction condamnant la pression des grévistes. Le 25 décembre 1986, Henri Krasucki, secrétaire général de la CGT, vint soutenir les grévistes. Le premier résultat de ce mouvement national, ce fut l’abandon de la grille du salaire au mérite.

Jean-Marie Bourgoin participa également au mouvement social de l’hiver 1995 opposé aux mesures du plan Juppé. Outre la fin des régimes spéciaux des retraites, les cheminots se mobilisèrent contre le projet de suppression de la ligne Caen-Le Mans-Tours. Le syndicat CGT du Mans (Sarthe) réagit très vite à cette annonce. Il édita un tract et une pétition destinés aux usagers (scolaires, salariés). Pour sa part Jean-Marie Bourgoin le distribua le 20 novembre 1995, dans le train même, avec Huguette Hérin, élue municipale du Mans et conseillère de la région Pays-de-Loire. L’émotion des voyageurs fut grande, la pétition obtint un grand succès. Cette action précédait de quelques jours, la grève illimitée qui commença le 24 novembre 1995. Au moment du déclenchement de la grève, le syndicat du Mans, dirigé par Claude Lefrère, organisa une AG. Jean-Marie Bourgoin, alors secrétaire de la section technique des ADC, prit la tête du mouvement au Mans. La grève commença au poste de régulation à commandes informatisée (PRCI) du Mans : Jean-Marie Bourgoin était arrivé avec des camarades et demanda à entrer (l’accès des PRCI est sécurisé). On lui ouvrit sans difficulté et il déclara qu’en AG, les cheminots du Mans venaient de décider la grève et qu’elle commençait, là, au PRCI. Aussi fut-il décidé d’arrêter tous les trains. Le PC de la grève resta dans la cour du PRCI, sous un barnum, tout au long du conflit. Les médias s’intéressant au conflit, Dominique Colombel, Rémi Croissant et Jean-François Soulard furent chargés des relations avec la presse. Le 15 décembre 1995, Alain Juppé renonça à son projet de réformes. Le même jour, Jean Bergougnoux, PDG de la SNCF, démissionna. Après la grève, d’anciens militants CFDT rejoignirent la CGT comme Dominique Hertz, Richard Coroller qui devint responsable du collectif ADC du Mans.

En 1977, Jean-Marie Bourgoin adhéra au Parti communiste français. Il milita à la cellule du dépôt des ADC. Cette cellule était animée, entre autres, par Didier Léon, Vincent Vigouroux et Rémi Croissant. Par la suite, Jean-Marie devint membre du comité fédéral du PCF de la Sarthe. À ce titre, il fut présenté aux élections municipales du Mans en 1983, en position non élective. En 1998, il quitta le PCF, en désaccord avec l’orientation prise par son secrétaire général Robert Hue. Pendant environ un an, il fit l’expérience du Parti ouvrier indépendant et démocratique (POID). La jeunesse, les idées qui fusaient le séduisaient mais l’absence de concrétisation de ces militants l’en éloigna.

Il adhéra à l’Orphelinat national des chemins de fer en 1973 et fut fréquemment bénévole aux fêtes de celui-ci.

Il partit à la retraite le 21 septembre 2003. Il quitta Le Mans pour une petite commune du Trégor, Ploulec’h dans les Côtes-d’Armor. Toujours syndiqué et abonné à la Nouvelle Vie Ouvrière (NVO), il rejoignit la section des retraités CGT de Lannion où il assuma une responsabilité au bureau sans négliger son sport favori, la course à pied, qu’il pratiquait dans une association de PLoulec’h.

Dans sa commune, il se présenta aux élections municipales de 2014 à la tête d’une liste citoyenne. Il s’opposa à la liste de l’union de la gauche sortante à propos d’un projet de salle des fêtes engagée avec l’agglomération de Lannion (Côtes-d’Armor). Il craignait de voir la population dessaisie d’une importante réalisation dont elle profiterait peu, sa gestion partagée avec l’agglomération de Lannion paraissant difficile. Sa liste gagna les élections et il fut élu maire mais dut quitter son mandat en 2018 pour des raisons de santé.

En novembre 1979, Jean-Marie se maria avec Françoise Métayer, éducatrice puis assistante maternelle, militante CGT, fille de cheminots, militants de la CGT. La cérémonie fut dirigée par Robert Manceau, cheminot, conseiller général et ancien député de la Sarthe. Le couple eut deux enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article252781, notice BOURGOIN Jean-Marie, Joseph par Madeleine Peytavin, version mise en ligne le 15 mai 2023, dernière modification le 2 octobre 2023.

Par Madeleine Peytavin

Jean-Marie Bourgoin, XXXVe congrès de la Fédération CGT des Cheminots, 1990
Jean-Marie Bourgoin, XXXVe congrès de la Fédération CGT des Cheminots, 1990
La Tribune des Cheminots, n°673, 1990
Départ à la retraite de Jean-Marie Bourgoin, 2003
Départ à la retraite de Jean-Marie Bourgoin, 2003
[DR. IHS-CGT cheminots, Coll. J-M. Bourgoin.]

SOURCES : Archives fédérales de l’UFCM-CGT (carton n°95). — La Tribune des cheminots n° 639 de décembre 1986, p.3 ; n° 649 de novembre 1987, p.12 ; n° 656 de juin 1988, p.13 ; n° 673 de mars-avril 1990, p.15 ; n° 690 de janvier 1992, p. 7. — Entretiens oraux avec l’intéressé, août et octobre 2022.

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