Par Nicolas Simonpoli
Né le 21 septembre 1959 à Les-Salles-du-Gardon (Gard) ; cheminot, agent de conduite ; syndicaliste CGT, secrétaire du syndicat UFCM-CGT de Miramas (1997-2004), secrétaire du bureau régional PACA de l’UFCM-CGT (2000-2006), membre de la commission exécutive de la Fédération CGT des cheminots (2000-2017), secrétaire général de l’UFCM-CGT (2006-2011), secrétaire général de la Fédération CGT des cheminots (2010-2017) ; militant communiste, membre du comité départemental du PCF des Bouches-du-Rhône (1998-2006) puis de Paris (2008-2012) ; président de l’Institut d’histoire sociale de la CGT depuis 2017.
Gilbert Garrel était le fils d’André Garrel, ouvrier mineur des houillères du bassin des Cévennes, et de Nicole Crespin, mère au foyer. La famille comptait deux enfants, Gilbert et sa sœur. Dès l’enfance, Gilbert fut sensibilisé à l’importance de l’engagement syndical et politique. Son grand-père maternel, ouvrier dans les mines de charbon, milita au PCF et à la CGT. Son père fut militant du syndicat CGT des travailleurs du sous-sol d’Alès (Gard) et sa mère participa à différentes associations de parents d’élèves. Toutefois, ce fut surtout aux côtés de son grand-oncle maternel, Henri Maurin, que Gilbert s’initia à l’action politique et syndicale. Ouvrier mineur, militant de la CGT et du PCF, celui-ci fut élu de la commune de Chamborigaud dans le Gard. Régulièrement, Gilbert l’accompagna dans les évènements militants de la région cévenole où ils croisèrent ouvriers et paysans engagés. À ses côtés, il découvrit l’histoire du mouvement ouvrier dans le bassin houiller. Cette histoire lui fut également racontée par Yvonne Vidal, militante communiste, amie de ses parents, qui siégea au conseil municipal de Chamborigaud en qualité de première adjointe. Passionnée de littérature, grande admiratrice de Dolorès Ibárruri Gómez, elle l’encouragea à lire les textes de Marx, Engels, Lénine ou encore ceux de Thorez et Frachon. Cette initiation politique connut des débouchés militants puisque Gilbert Garrel milita aux Jeunesses communistes pendant ses années étudiantes.
En 1977, Gilbert Garrel obtint un baccalauréat scientifique, option mathématiques et physique, au lycée d’Alès (Gard). Il poursuivit ensuite ses études à l’Université de Montpellier où il obtint une Licence de mathématiques-physique. Pendant les vacances estivales, sur les conseils de son oncle cheminot, Gilbert travailla deux années consécutives comme aide-conducteur à la SNCF. Néanmoins, davantage que la carrière cheminote, ce fut celle d’enseignant qu’il souhaitait épouser. Toutefois, en 1981, en passe de devenir chargé de famille, il décida d’interrompre sa maîtrise de mathématiques pour trouver un emploi.
Il travailla quelques mois comme employé dans le commerce d’habillement puis, de décembre 1981 à avril 1982, il fut appelé sous les drapeaux. À son retour du service national, il fut embauché comme employé administratif dans une compagnie d’assurance jusqu’en avril 1983. En mai 1983, bénéficiant de la vague d’embauches impulsée par les réformes de Charles Fiterman, ministre des Transports, Gilbert Garrel s’engagea à la SNCF. Fort de son diplôme de l’enseignement supérieur et de sa connaissance du métier d’aide-conducteur, il fut engagé comme attaché cadre au service de la Traction à Avignon (Vaucluse). Inscrit dans le parcours de formation des cadres Traction, il exerça comme conducteur de ligne à compter de septembre 1984. Il fut alors affecté aux trains de marchandises puis de voyageurs sur les axes du triangle ferroviaire qui reliait Dijon (Côte-d’Or), Nice (Alpes-Maritimes) et Toulouse (Haute-Garonne).
La mobilisation de l’hiver 1986-1987 constitua un tournant dans la carrière professionnelle de Gilbert Garrel. Jusqu’alors proche de la section CGT des conducteurs sans y être engagé formellement, il profita du conflit de 1986-1987 pour adhérer au syndicat. Cette expérience fut pour lui très enrichissante. Si la grève fut difficile, scandée par les divergences entre les organisations syndicales et les coordinations, elle demeura un formidable moment d’apprentissage. L’occupation de l’établissement, les deux réveillons fêtés au sein du dépôt, la solidarité des paysans locaux du MODEF qui apportèrent chaque jour à manger aux grévistes marquèrent la mémoire de Gilbert. Les cheminots en retirèrent aussi quelques avantages, comme une amélioration de leurs conditions de vie dans les foyers de roulants ou encore un plus grand respect de la part de leur encadrement. Néanmoins, la hiérarchie de Gilbert Garrel lui tint rigueur de son engagement. Au terme du conflit social, la direction de la SNCF lui notifia son exclusion du parcours de formation des cadres Traction. Jusqu’en 1990, il continua d’exercer en qualité de conducteur de ligne. Cette année-là, son établissement accueillit Guy Moureau, cadre Traction, militant CGT, qui devint le supérieur direct de Gilbert. Constatant sa situation, estimant celle-ci illégitime, il encouragea la section syndicale CGT du dépôt à intervenir pour demander la réintégration de Gilbert Garrel dans le parcours d’encadrement. Réintégration qu’il soutint personnellement.
Entre 1991 et 1993, Gilbert Garrel termina la formation de cadre Traction et obtint un poste dans l’encadrement. Ignorant ses demandes pour demeurer à Avignon (Vaucluse), proche de la région où résidaient ses enfants, la direction de la SNCF l’affecta à Nice (Alpes-Maritimes) en qualité de cadre Traction au sein de la direction du personnel. Cette mutation fut coûteuse sur le plan personnel. Coupé des réseaux militants avignonnais, éloigné de sa famille, découvrant un nouveau métier, accueilli avec la défiance due aux cadres par les agents de conduite de l’établissement, Gilbert Garrel vécut quelques années d’isolement. Néanmoins, les liens noués au travers de l’UFCM-CGT locale et, surtout la survenue du mouvement social de l’hiver 1995, modifièrent la situation. En décembre 1995, au moment du déclenchement du mouvement de grève, Gilbert Garrel se joignit aux agents de conduite qui occupèrent le dépôt de Nice (Alpes-Maritimes). La présence d’un cadre n’allait pas de soi et ne ce fut qu’après de longues hésitations et une consultation du piquet de grève qu’il fut accepté dans l’occupation. Il participa à l’ensemble du mouvement, d’abord à Nice puis à Cannes Bocca (Alpes-Maritimes) son lieu d’habitation pour éviter les trajets entre les deux villes rendus difficiles en l’absence de trains.
Comme lors du conflit de 1986-1987, l’investissement de Gilbert Garrel dans la mobilisation ne fut guère apprécié par sa hiérarchie. Apprenant sa participation à l’occupation du dépôt et seul cadre de l’établissement en grève durant tout le conflit, le directeur de son établissement lui intima l’ordre de se démettre de ses fonctions et de démissionner de l’entreprise. Ordre que l’intéressé ignora. Au terme de la grève, les conducteurs du dépôt se mobilisèrent pour qu’aucune sanction ne soit prise à son encontre. Toutefois, les rapports entretenus par ce dernier avec sa hiérarchie ne cessèrent de se dégrader. En mai 1996, à sa demande, il fut muté à l’EMT de Miramas (Bouches-du-Rhône) où il fut chargé de l’encadrement des agents de conduite.
Ce fut au sein du syndicat de l’UFCM-CGT de Miramas que Gilbert Garrel prit ses premières responsabilités syndicales. Il s’investit au niveau de son établissement et de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur. De 1997 à 2004, il fut secrétaire du syndicat UFCM-CGT de Miramas puis, de 2000 à 2006, il fut secrétaire du bureau régional de l’UFCM-CGT de la région PACA et responsable de la politique financière pour le secrétariat du secteur régional CGT à Marseille (Bouches-du-Rhône). De 1997 à 2004, il siégea également au sein des commissions exécutives de l’UL-CGT de Miramas (Bouches-du-Rhône) et de l’UD-CGT des Bouches-du-Rhône.
Au début des années 2000, sur la sollicitation de Guy Moureau, Gilbert Garrel devint formateur au centre national de formation des conducteurs SNCF, situé à Miramas (Bouches-du-Rhône). Cet emploi le passionna. Outre qu’il lui permit de conjuguer vie professionnelle et vie militante, il fut l’occasion d’échanger avec les jeunes générations de roulants, de renouer avec une vocation d’enseignant qu’il avait dû abandonner et d’élaborer des contenus pédagogiques innovants. De même, il put y mettre à profit l’expérience acquise au gré de son parcours syndical, parcours où il eut à organiser plusieurs de stages de formation relatifs à la politique financière.
Les années 2000 furent également une période où ses responsabilités syndicales prirent une dimension nationale. De 2000 à 2011, il fut membre de la direction de l’UFCM-CGT, organisation dont il fut le secrétaire général de 2006 à 2011. Au sein des instances fédérales, de 2000 à 2017, il fut élu à la commission exécutive puis, en 2010, il devint secrétaire général de la fédération CGT des cheminots succédant à Didier Le Reste. Sa participation à la direction fédérale le conduisit à siéger au CCN de la CGT de 2010 à 2017 mais aussi, entre 2007 et 2010, au bureau de l’Union des ingénieurs, cadres et techniciens de la CGT (UGICT). L’accès à des responsabilités syndicales de niveau national, et particulièrement à celle de secrétaire général de la fédération CGT des cheminots, marqua la trajectoire de Gilbert Garrel. En quelques années, il connut une promotion militante fulgurante qui l’obligea à s’ajuster aux exigences de ces nouvelles fonctions. Devenu permanent en 2006, il vint s’installer à Paris et s’engagea pleinement dans la vie de l’UFCM puis de la fédération.
Premier secrétaire général issu de l’encadrement, la presse répéta à l’envi que sa mission serait difficile à assurer dans une organisation cheminote attachée à son ancrage chez les travailleurs de l’exécution. Néanmoins, avec humilité et sens du collectif, il s’acquitta parfaitement de sa tâche. En tant que secrétaire général, il participa à la mobilisation contre la réforme des retraites de 2013, organisa la mobilisation contre la réforme ferroviaire de 2014. Cette dernière visait à s’opposer à la division de la SNCF en plusieurs entités. Elle fut probablement la plus marquante de son mandat. Confronté à un gouvernement socialiste sourd aux alertes des syndicats, à une opinion publique hostile aux grévistes et à un espace médiatique peu amène avec l’action cheminote, Gilbert Garrel mesura la difficulté à s’opposer aux attaques contre le service public ferroviaire. Le combat syndical contre la réforme de la réglementation du travail à la SNCF fut un autre temps fort qui se déroula en plein conflit interprofessionnel contre la loi El Khomri en 2016. En 2013, il eut également à intervenir au sujet de la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge. La fédération se porta partie civile et veilla à défendre la corporation cheminote face aux attaques formulées à son encontre. Gilbert Garrel quitta son poste en janvier 2017 lors du XLIIIe congrès de la fédération CGT des cheminots à Saint-Malo. Partant à la retraite, le congrès élut Laurent Brun pour lui succéder.
Attaché à promouvoir l’histoire de la CGT et du mouvement social, Gilbert Garrel s’investit dans l’activité de l’Institut d’histoire sociale de la CGT dont il devint le président, en 2017, à la suite d’Elyane Bressol.
En parallèle de son engagement syndical, Gilbert Garrel eut un engagement politique. Membre des Jeunesses communistes durant ses années étudiantes, il adhéra au Parti communiste français en 1986. Au sein du PCF, il prit des responsabilités au niveau départemental. De 1998 à 2006, il fut secrétaire de la section de Miramas et membre du comité départemental des Bouches-du-Rhône puis, de 2008 à 2012 de celui de Paris.
Divorcé, père de deux enfants, Gilbert Garrel vécut avec Séverine Leblond, militante CGT, permanente du secteur Communication de la fédération CGT des cheminots, à compter de 2008. Le couple se pacsa en décembre 2017.
Par Nicolas Simonpoli
SOURCES : Arch. IHS-CGT des Cheminots. — La Tribune des Cheminots. — « Un cadre à poigne à la tête des cheminots CGT », Liaisons sociales, 1er novembre 2010. — « Sur les rails », Libération, 24 mars 2011. — Entretien avec l’intéressé, octobre 2022.