DUMONT Marcel, Édouard, Bernard. Pseudonyme dans la Résistance : Claude

Par Pierre Bonnaud, Michel Thébault

Né le 7 septembre 1914 à Loriol (Drôme), mort à l’hôpital le 7 août 1944 à Lyon (Rhône) ; instituteur ; militant communiste, candidat à la députation dans la Creuse en 1939, membre de la direction clandestine du PC de la région Creuse-Haute-Vienne en 1940 et 1941 ; résistant dans la Creuse, la Haute-Vienne puis en Ardèche, FTPF.

Photographie extraite du dossier de police (AD Haute-Vienne) ; vraisemblablement photographie de la campagne électorale de 1939.

Marcel Dumont était le fils d’Edmond, Marius Dumont cultivateur, et d’Anna, Marguerite Moulin. Il perdit ses parents dans la tourmente de la Première Guerre mondiale : son père périt dans les tranchées ; sa mère fut victime de l’épidémie de grippe espagnole. Un jugement du tribunal civil de Valence du 20 janvier 1920 le déclara pupille de la nation. Il fut élevé par une proche de sa famille, Éva Crumière (décédée à 87 ans en 1972). Le père de Marcel Dumont avait été le fermier des Crumière, propriétaires protestants de la Drôme.

Élève studieux, Marcel Dumont put poursuivre ses études à l’École primaire supérieure, puis réussir le concours d’entrée à l’École normale d’instituteurs de Valence. Il y découvrit, au début des années 1930, le syndicalisme enseignant et fut gagné aux idées communistes. Ses problèmes de santé empêchèrent sa nomination dans la Drôme : atteint d’une sévère tuberculose, il fut envoyé en cure au sanatorium de Saint-Jean d’Aulps en Haute-Savoie puis à celui de Sainte-Feyre dans la Creuse. Dans ce dernier établissement, il fit des rencontres qui approfondirent ses convictions, notamment celle de la militante communiste Madeleine Marzin..

Nommé à la rentrée de 1937 à l’école publique de Pontarion (Creuse), il y épousa le 1er juillet 1939 une institutrice creusoise Marguerite, Marie Darot (née à Saint-Martin-Saint-Catherine le 3 juillet 1914), fille d’un couple d’instituteurs et elle-même institutrice-adjointe à Pontarion. Le couple eut deux enfants, deux fils, Marc né à Pontarion et Daniel (né en 1943 à Saint-Barthélémy-le-Plain, Ardèche). Malgré le handicap dont il souffrait (il dut subir deux pneumothorax), il se lança avec fougue dans le militantisme. Il devint secrétaire de la cellule du parti communiste à Pontarion puis accéda à des fonctions départementales. Il fit partie de l’équipe qui entourait Gabriel Citerne, secrétaire régional du PC à Limoges et fut membre du bureau régional (Haute-Vienne et Creuse). Candidat à l’élection complémentaire de la circonscription d’Aubusson du 19 mars 1939, il arriva en quatrième position avec 1 591 voix sur 17 226 inscrits et se désista en faveur du candidat socialiste SFIO.

Marcel Dumont avait conduit sa campagne avec le secrétaire de section du PC à Aubusson, un ouvrier du Livre, Raoul Galataud. Dans les premières semaines qui suivirent l’installation du régime de Vichy, en août 1940, Dumont, Galataud, et deux autres militants communistes, Guezennec, ingénieur dans les services agricoles départementaux, Bourdeau, responsable à Paris du service d’ordre du comité central, s’efforcèrent de reconstituer clandestinement l’organisation du PC dans la Creuse. Coupés de la direction nationale jusqu’en novembre, ils rédigèrent et diffusèrent un tract sur une ligne antifasciste.

Marcel Dumont fut sanctionné par l’administration vichyste. Dans un courrier au procureur de Guéret datée du 4 juillet 1941, le commissaire divisionnaire de la brigade mobile de Clermont-Ferrand indique, sans préciser la date, que Marcel Dumont, « ex-instituteur à Pontarion (Creuse) » (…) « avait été suspendu de ses fonctions en raison de son activité politique passé ». D’après le témoignage de Raoul Galataud, dans l’appareil clandestin du PC en Creuse et Haute-Vienne, Marcel Dumont accéda à des responsabilités régionales aux côtés de l’instituteur Georges Guingouin . Ce dernier a laissé dans divers documents des éléments sur cette période : « J’avais repris contact [été 1940] avec l’appareil clandestin du Parti communiste dirigé en Haute-Vienne par Dumont, un ancien instituteur de Pontarion que j’avais bien connu avant-guerre. Il m’offrit d’être secrétaire à l’organisation. Ce que j’acceptai » (texte France Culture op. cit.) et « Après l’arrestation de Roger Moreau (7 juin 1940), Dumont est venu le remplacer, sous le pseudonyme de Claude, au poste de dirigeant illégal pour le département de la Haute-Vienne. Aussitôt le contact renoué par Jacquet, il vient lui-même voir Guingouin. [Georges Guingouin parle de lui, dans son livre, à la troisième personne]. Ils se connaissent bien. Ensemble, ils sont allés à Garches, à la dernière fête de l’Humanité, dans la petite Simca de l’instituteur de Saint-Gilles et entre eux se sont noués les liens de l’amitié. » (Georges Guingouin, Quatre ans de lutte sur le sol limousin op. cit. p. 24). Se produisit alors un désaccord entre les deux dirigeants locaux et la position du Parti communiste : « Mettre sur le même plan l’Angleterre et l’Allemagne, De Gaulle et Pétain ne peut être une ligne politique juste. La Libération de la France ne pourra se faire que par l’union de toutes les forces qui « résistent » à l’autorité de Vichy, pensent Dumont et Guingouin. C’est pourquoi l’éditorial du numéro de janvier 1941 du Travailleur limousin clandestin ne contient aucune attaque contre De Gaulle et l’Angleterre. Mais il y a infiniment plus grave ! Dans le long cheminement vers la Libération, la lutte doit fatalement s’exacerber, pour arriver enfin à l’insurrection nationale. Or, il apparaît, à la lecture des instructions aux militants responsables, contenues dans le numéro 9 de la Vie du parti et le document annexe intitulé "Rapport du Comité Central", que la direction national du P. C. semble envisager un retour à la légalité… Les deux amis ne savaient pas que Maurice Tréand, membre du comité central, et le député communiste Jean Catelas avaient fait des démarches auprès des autorités d’occupation afin d’obtenir la reparution légale de l’Humanité… Et ils n’en crurent pas leurs yeux quand ils lurent : « Nous avons plus de possibilité d’action vu le transigement des occupants. Nous sommes le parti de la fraternité des peuples ; nous devons être sans haine vis-à-vis des soldats allemands ». C’était comme si la terre se dérobait sous leurs pieds ! D’un commun accord, les deux amis décidèrent de garder ce document secret. » (G. Guingouin, 4 ans…op. cit., p. 26). Et « Ce fut un véritable coup d’assommoir ! Et sur le stencil de "L’Humanité" clandestine que nous devions reproduire : "Ni Londres, ni Berlin ! A bas la guerre impérialiste ! A la porte, les forbans de Vichy, valets de l’étranger ! La France aux Français, Thorez au pouvoir !" Comme pour Dumont, se greffait une affaire personnelle, il abandonna la clandestinité pour reprendre un poste d’instituteur dans l’Ardèche ». (Texte France Culture op. cit.). Georges Guingouin conclut sur ce point : « Institutrice à Pontarion, la femme de Dumont voudrait que son mari cesse son activité clandestine. Elle vient d’avoir un enfant et, à la ménagère venue prendre de ses nouvelles, elle a dit nettement : « Il lui faut choisir entre le parti et moi"… Nul doute que les directives erronées de la direction centrale du parti, en ébranlant sa confiance dans l’efficacité de la lutte, auront leur part d’influence dans sa décision » (G. Guingouin, 4 ans… op. cit., p 32).
Au printemps 1941, l’administration vichyste prit la décision d’une mutation du couple en Ardèche (la belle-famille de Marcel Dumont semble être intervenue pour le protéger). Le 21 avril 1941, Dumont et son épouse durent déménager et s’installer à Saint-Barthélémy-le-Plain, petit village de la montagne ardéchoise, dans l’arrière-pays de Tournon où il occupa le poste de directeur d’école. Dumont utilisa les congés scolaires de Pâques pour séjourner à nouveau dans la Creuse. Son voyage coïncida avec une distribution de tracts communistes. Surveillé, il fut « longuement interrogé » à son retour en Ardèche par le commissaire de la brigade mobile de Lyon, mais « prétextant une défaillance de mémoire », il prétendait « ne plus se rappeler les localités, ni les établissements ou les immeubles dans lesquels il avait été hébergé ». Dumont ne fut pas interné car « son état de santé ne lui permettrait pas de supporter longtemps une sanction administrative privative de liberté ». (Rapport du commissaire spécial au préfet de l’Ardèche le 16 juillet 1941).

Marcel Dumont eut tôt fait, dès l’été 1941 (il faut noter que cela correspond à l’invasion de l’URSS et au changement de ligne du Parti communiste qui correspond à nouveau aux idées exprimées auparavant par Marcel Dumont), d’entrer en contact avec ses camarades communistes ardéchois, notamment l’instituteur Gabriel Curinier en poste à Tournon, responsable régional Drôme-Ardèche du Front national. Il retrouva également, dans la Drôme voisine sa famille adoptive, les Crumière et leur réseau de relations dans le milieu protestant. À la rentrée de septembre 1941, les Dumont furent rejoints à Saint-Barthélémy-le-Plain par un autre couple d’instituteurs communistes déplacés d’office, les Montérémal (voir René Montérémal). Enfin, dans l’été 42, Dumont rencontra par hasard sur les quais d’une gare ardéchoise, l’ancien secrétaire de section d’Aubusson, Raoul Galataud. Placé en situation difficile, celui-ci se réfugia à Saint-Barthélémy-le-Plain en février 1943. La résistance communiste locale put prendre ainsi une certaine ampleur.

Marcel Dumont se consacra avec ses amis Montérémal à l’activité de propagande pour le PC et pour le Front National. À partir de novembre 1942, ils confectionnèrent et éditèrent avec un matériel pédagogique de fortune des journaux de petit format, Le Partisan, Front National, qui furent diffusés dans la région de Tournon. Ils apportèrent leur soutien aux clandestins et aux premiers maquis FTP ardéchois qui se constituèrent à partir de février 1943. Pour donner le change aux autorités locales et éventuellement recueillir des informations, les deux instituteurs s’inscrivirent à la Légion et dans les organismes officiels de Vichy pour le battage des céréales.

Le 2 mars 1944, une colonne punitive allemande encercla Saint-Barthélémy-le-Plain. Les habitants, rassemblés, furent admonestés et conduits devant le cadavre d’un agent de liaison de la Résistance locale Fernand Bertrand qui venait d’être abattu. Une maison fut incendiée, les écoles fouillées et mises à sac. Marcel Dumont, Montérémal et trois villageois furent pris en otages et mis en joue pendant plusieurs heures avant d’être relâchés. Les deux instituteurs après avoir placé leurs familles en sécurité, fermèrent leurs écoles et entrèrent dans une vie totalement clandestine. L’épreuve subie avait considérablement affaibli Marcel Dumont. Sa mère adoptive, Éva Crumière, le recueillit et le cacha à Valence où il dut s’aliter. Sa maladie ne fit qu’empirer. Évacué sur Lyon, il fut emporté par la tuberculose quelques semaines avant la Libération, le 7 août 1944 à l’hôpital.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article2534, notice DUMONT Marcel, Édouard, Bernard. Pseudonyme dans la Résistance : Claude par Pierre Bonnaud, Michel Thébault, version mise en ligne le 3 juin 2009, dernière modification le 6 août 2022.

Par Pierre Bonnaud, Michel Thébault

Photographie extraite du dossier de police (AD Haute-Vienne) ; vraisemblablement photographie de la campagne électorale de 1939.

SOURCES : Arch. Dép. Ardèche, 72 W 363. — Arch. Dép.Creuse, 3 M 323, 1517 W 8 et note de J. Girault. — Georges Guingouin Quatre ans de lutte sur le sol limousin Ed. Hachette 1974. — Texte de base de l’émission de France-Culture " A Voix Nue" - Entretien de Geneviève Hutin avec le Colonel Guingoin, reproduit sur le site francstireurspartisans. — Numéro spécial d’Envol, mensuel de la FOL de l’Ardèche, 1994. — A. Demontès, L’Ardèche martyre, Largentière, 1946 p.168. — Louis-Frédéric Ducros, Montagnes ardéchoises dans la guerre, t. II, III, Valence, 1981. — Témoignages de Raoul Galataud et de René Montérémal. — État-civil de Loriol.

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