BARRAULT Émile [BARRAULT Pierre, Ange, Casimir, Émile]

Professeur de rhétorique au collège de Sorèze (Tarn) et d’abord membre de l’ » Église du Midi » sous la direction de Jacques Rességuier*, Émile Barrault rejoignit les saint-simoniens de Paris en avril 1828. Remarqué pour ses talents oratoires, il y connut une promotion rapide. Porte-parole d’ Prosper Enfantin* en matière de littérature et de beaux-arts, il mit en forme un manifeste esthétique, Aux artistes (mars 1830), dont l’influence s’étendit bien au-delà des rangs saint-simoniens, jusqu’à Jaurès* compris. Le brillant et la puissance d’émotion de ses « prédications » ont laissé des souvenirs inoubliables à ses auditeurs, dont Michelet. Barrault se vit confier la responsabilité de la rubrique littéraire du Globe en 1832 et occupa un rôle de premier plan pendant la retraite de Ménilmontant et le procès des saint-simoniens. Il comparut devant les Assises de la Seine les 27 et 28 août 1832, avec Michel Chevalier*, Charles Duveyrier*, et Prosper Enfantin*.
Mû par une grande ambition personnelle et enclin à agir pour son propre compte, il fonda en 1833, à Lyon (Rhône), un groupe intitulé les « Compagnons de la Femme » et partit à sa tête chercher en Orient, d’Istambul à Alexandrie, la Femme-Messie prophétisée par Enfantin. Rentré en France en janvier 1835 après un périple aussi infructueux qu’aventureux, il écrivit des essais sur la question d’Orient et se reconvertit dans le journalisme. Il collabora notamment à La Patrie, au Courrier français (dont il fut le rédacteur en chef de 1843 à 1845) et à La Presse, à laquelle il donna en décembre 1847 trois articles qui firent quelque bruit en raison de sa défense véhémente des prétendus « barbares » du peuple.
En 1848, candidat malheureux aux élections de mars dans le département de la Seine, il fit paraître, à partir du 1er juin, Le Tocsin des Travailleurs. Y prirent part notamment François Delente, un ancien ouvrier cambreur devenu bouquiniste, Désirée Gay* et le menuisier Gabriel Gauny. Le dernier numéro de ce journal, en date du 24 juin, annonçait que « le sang coule sur les barricades [et que] la faute en incombe entièrement au gouvernement ». Barrault tenta ensuite de fonder une colonie agricole en Algérie dans la province d’Oran, qu’il représenta à l’Assemblée nationale de 1850 à 1851. Sous le Second Empire, avec son frère, l’ingénieur Alexis Barrault*, Émile Barrault mit sa plume au service de projets industriels de grande envergure : les chemins de fer en Espagne et en Russie, puis le canal de Suez.
Dramaturge à l’occasion (trois pièces de théâtre, dont deux sous le nom de sa femme, Mme Casamajor) et romancier d’une seule œuvre (Eugène, paru en 1839, est un roman à clés saint-simoniennes), Barrault prit ses distances avec Enfantin dans les années 1850. En 1861, il résumait ainsi sa position à l’intention des Pereire : « Depuis six ans, je suis chrétien. J’en rends grâces à Saint-Simon, et je n’ai pas cessé d’être vôtre ». C’est ainsi qu’après avoir publié en 1865 un essai sur Le Christ, Barrault eut néanmoins un enterrement civil.
Voir Pierre-Marie Bergier*, François Delente*, Gabriel Gauny* et Désirée Gay*.