BEAUMONT Arthur, James, dit Arthur-Jacques.

Par Notice revue et complétée par J. Grandjonc

Né vers 1797 à New York. Médecin à Paris sous la monarchie de Juillet. Militant républicain et socialiste. Membre et animateur de sociétés républicaines.

Né de parents britanniques, Arthur Beaumont et Marie Lester, mais, comme ses frères Augustus (1798-1838) et Edmund, Arthur James se considérait comme citoyen américain. Après la mort prématurée de leurs parents en 1803, les trois frères furent élevés à la Jamaïque dans leur famille maternelle, les Hardin, grands planteurs esclavagistes. Arthur fut profondément marqué par ce qu’il observa alors.

Médecin, Arthur-James, vint en Europe au début de 1830 rejoindre son frère Augustus qui représentait des intérêts jamaïcains à Londres. Attiré à Paris par la Révolution de 1830, il s’enrôla dans la légion belge de P. F. Becker sous les ordres de François Mellinet, général de la Révolution et de l’Empire en exil, et combattit à Bruxelles où il fut grièvement blessé en septembre.

De retour à Paris, où il était consigné comme étranger, Arthur-James Beaumont, devenu Arthur-Jacques, demeurait 5 rue Corneille (XIe arr., maintenant VIe) et était membre de la Société des Amis du Peuple. En 1831 Il fit paraître deux brochures défendant la constitution et le gouvernement américain dont l’une en anglais, aux profits des polonais et des réfugiés italiens. Il y défendait l’idée d’États-Unis d’Europe. En octobre de la même année il fit paraître dans la neuvième brochure de la SAP, avec Pierre Gaussuron-Despréaux, un article « la Pologne est morte : à notre tour », en liaison avec les manifestations en faveur de la Pologne. Arrêtés en mars 1832 (nous n’avons pas de trace d’écrou), les auteurs comparurent devant les Assises de la Seine le 22 mai 1832. Le 1er juin, dans le local de la SAP, rue Saint-André-des-Arts (XIe arr., maintenant VIe), fermé par les scellés, il participait à une réunion interdite avec ses amis de la société, et fut arrêté avec un grand nombre d’entre eux (dont le nombre varie avec les sources de quinze à trente et un). Leur procès pour bris de scellés, où il n’y avait plus que douze accusés, se déroula le 12 août 1832. Il fut parmi ceux qui furent renvoyés à la plainte.

Arthur-Jacques Beaumont adhéra à la Société des droits de l’Homme dès sa fondation et devint membre de son comité directeur en novembre 1833. Compromis lors de l’insurrection d’avril 1834, il fut arrêté dès le 12 avril 1834 avec la plupart des autres responsables de la société, inculpé de complot, incarcéré à La Force et transféré le 15 juin à Sainte-Pélagie, bien que les perquisitions opérées chez lui n’aient pas donné de résultats. Après de longs mois, au cours desquels est sans doute intervenue l’instruction contre les Phalanges démocratiques, il fut transféré à la maison de justice de la Cour des pairs le 3 mai 1835 pour quelques jours et inculpé au procès d’avril 1834, transféré à la prison du Luxembourg le 8 janvier 1836.

Durant sa détention à Sainte-Pélagie, il avait rédigé en avril 1835, avec Xavier Sauriac, le prospectus, unique numéro d’un journal qu’ils envisageaient de lancer sous le titre L’Égalitaire. Journal des Mécontens, où les auteurs distinguent dans la société française deux grandes catégories qu’ils appellent non pas « bourgeois » et « prolétaires » comme le font les saint-simoniens, mais « Contens » et « Mécontens » Il s’agissait sans doute dans un premier temps de reconstituer une société républicaine sous une couverture légale (avant les lois de septembre 1835 sur la presse). Dans la réalité, ce projet était une véritable préfiguration des Familles et des Saisons.

Lors du procès « monstre », où il semble que, contrairement à ses coaccusés, il ait choisi un défenseur, O’Connell, peut-être parce qu’il était étranger, il fit une déclaration devant la Cour des Pairs dans laquelle il exprimait son dégoût pour toutes les formes d’esclavages et se déclarait ouvertement républicain et internationaliste : « Tous les hommes sont frères et par conséquent tenus de faire cause commune contre l’oppresseur, de quelque pays qu’il soit (...) ». Mais il déclara aussi qu’il n’avait pas été question, pour lui de provoquer des grèves : « Dans le Comité, nous avons toujours repoussé les projets de coalition comme nuisibles aux ouvriers eux-mêmes. » Il fut condamné à la déportation à vie le 22 janvier 1836 et conduit à Doullens (Somme) le 29 janvier 1836, où il se trouvait encore à l’amnistie du 8 mai 1837. Les informations divergent pour son cas. A Doullens, il refusa de répondre à son nom lors de l’appel des amnistiés, le 11 mai. Le soir même cependant une chaise de poste le conduisait à Calais pour le transporter outre-Manche. Une autre source explique qu’il ne fut gracié qu’en juin 1837, en particulier à la suite de la campagne de presse organisée par son frère Augustus depuis Londres et de l’intervention probable de l’ambassadeur de Grande-Bretagne en France. On peut cependant penser que la campagne avait été faite avant la décision de Louis-Philippe et qu’il partagea bien le sort des autres.

Avec son frère Augustus, nommé ici Auguste-Jean, pourtant mort depuis plus de deux ans, il fut de nouveau inculpé, mais sans suite, après l’attentat du 15 octobre 1840, l’affaire Darmès, dont le procès se termina le 29 mai 1841. Le 22 décembre 1841, une correspondance du sous-préfet du Havre signalait son passage en provenance de Londres et à destination de Paris : « Le nommé Beaumont (Arthur-Jacques) né aux États-Unis et ancien condamné politique amnistié vient de quitter Londres pour se rendre à Paris. C’est un homme exalté et dangereux qu’il importe de tenir éloigné de France. » Sa trace se perd définitivement après cette date.

Durant ce temps son frère cadet Augustus, qui avait pris contact avec socialistes et dirigeants ouvriers anglais, entre autres avec William Lovett et Feargus O’Connor, avait fondé un journal d’opposition, The Radical (1836), et un journal ouvrier, The Northern Liberator (1837-1840) ; c’est lui aussi qui en novembre 1836 traduisit en français l’adresse de la Working Men’s Association aux ouvriers belges ; après avoir rejoint au printemps 1836 pour quelques mois la Légion anglaise qui se battait en Espagne, il mourut en janvier 1838 au moment où il s’apprêtait à s’embarquer pour rejoindre les insurgés canadiens. A l’occasion du procès Darmès, le préfet de police adressa à la Cour des Pairs, qui en fit la traduction, la brochure qu’il avait publiée à Londres, Defence of Tyrannicide, by Augustus Beaumont. A l’aube de l’internationalisme démocratique des années quarante, les deux aînés des frères Beaumont font le lien en effet entre le cosmopolitisme du XVIIIe siècle et l’internationalisme.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article26070, notice BEAUMONT Arthur, James, dit Arthur-Jacques. par Notice revue et complétée par J. Grandjonc, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 10 janvier 2019.

Par Notice revue et complétée par J. Grandjonc

ŒUVRE : An American’s defence of his Government in an appeal to the common sense of the nations of Europe, by Arthur J. Beaumont,... Published for the benefit of the Poles, Paris : printed by Fain, 1831. — De la Constitution américaine et de quelques calomnies dont elle a été l’objet de nos jours, par A. J. Beaumont,... Au bénéfice des réfugiés italiens, Paris : G.-G. Bennis, 1831.

SOURCES : Arch. Dép. Paris (Seine), Registres d’écrou DY4/21-4852 ; DY8/8-1344 (1834). — Arch. P.Po., A a/422. — Arch. Mun. du Havre, série I2, police politique, carton 10, liasse 9. — Procès des accusés d’avril devant la Cour des Pairs, publié de concert avec les accusés, Paris, Pagnerre, 1835, 4 vol. — William H. Maehl jr., « Augustin Hardin Beaumont. Anglo-American Radical (1798-1838) » in International Review of Social History, 1969, XIX/2, p. 237-250. — Cour des Pairs. Procès politiques, 1830-1835, Inventaire dressé par J. Charon-Bordas, Paris, Archives Nationales, 1983 CC 590 d 1 n° 50. — Cour des Pairs. Procès politiques, 1835-1848, Inventaire dressé par J. Charon-Bordas, Paris, Archives Nationales, 1984, CC 774 n° 52. — Alain Faure, Conflits politiques et sociaux au début de la monarchie de Juillet, 1830-1834, mémoire de maîtrise sous la direction de Philippe Vigier, Paris X 1974, p. 214, 231. — Jean-Claude Caron, La Société des Amis du Peuple (1830-1833), mémoire de maîtrise, sous la direction de Louis Girard, Paris IV, 1978. — Philippe Matthey, Les membres des sociétés secrètes républicaines parisiennes sous la monarchie de Juillet, mémoire de maîtrise sous la direction de Philippe Vigier, Paris X, 1986. — Jacques Grandjonc, Communisme/ Kommunismus/ Communism. Origine et développement international de la terminologie communautaire prémarxiste, des utopistes aux néo-babouvistes, Trèves, Schriften aus dem Karl-Marx-Haus, 1989, t. 2, p. 393-394. — Fernand Rude, « Les insurgés d’avril 1834 à Clairvaux et à Doullens », Répression et prison politique en France et en Europe au XIXe siècle, colloque de la Société d’Histoire de la révolution de 1848 et des Révolutions du XIXe siècle, Paris, Créaphis, 1990. — Gazette des Tribunaux, 15 avril 1836, p. 580-581. Bibliothèque nationale de France, Notice autorité de Arthur Beamont. — Notes de M. Cordillot, J. Risacher et Gauthier Langlois.

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