BIENFAIT Jules, Nicolas

Né le 12 octobre 1819 à Reims (Marne), mort le 20 décembre 1897 à Reims. Docteur en médecine, membre de l’opposition socialiste, sous la monarchie de Juillet et sous la Seconde République, proscrit du 2 décembre, conseiller général de Reims en 1871.

Bienfait était l’ami personnel d’Eugène Courmeaux*. À la fin de la monarchie de Louis-Philippe, ayant terminé ses études, il se fixa à Reims comme médecin. Il était alors l’un des membres de l’opposition les plus teintés de socialisme.
Après la révolution de Février, il figura parmi les fondateurs du « Club démocratique du Faubourg Cérès ». Au moment des élections législatives d’avril, ce club publia un manifeste inspiré de celui de la Démocratie pacifique de Considerant*. Bienfait, qui en était l’auteur, affirmait : « La République de 1792 a détruit l’ordre ancien [...] la République de 1848 doit constituer l’ordre nouveau ». Comme Considerant, il prêchait la collaboration des classes ; il réclamait l’égalité des droits par l’éducation gratuite, l’amélioration du sort des travailleurs et des humbles par la garantie du droit au travail, il affirmait que la République doit respecter la propriété et préconisait l’association libre et volontaire de tous les « éléments producteurs de la richesse sociale ». Son socialisme était souvent mal défini, parfois imprégné de fouriérisme.
Après la réaction qui suivit les Journées de Juin, ce bourgeois déçu se rapprocha encore plus des masses prolétariennes. Lors des élections municipales des 30 et 31 juillet 1848, il essaiera de faire élire à Reims un conseil composé de républicains et de socialistes. Il figurait, lui-même, sous l’étiquette socialiste, avec d’autres réputés tels, les ouvriers Joriot*, Soreau*, Dasne*, Bonnaire*, l’instituteur Delbarre*, Courmeaux, sur la liste du « Cercle de l’Union démocratique » et sur une autre liste encore plus clairement socialiste. Il ne recueillit qu’un nombre infime de suffrages ; il est vrai que la plupart des 4 000 ou 5 000 ouvriers rémois n’avaient pas voté. Bienfait participa activement à la campagne électorale qui précéda la désignation des députés à l’Assemblée législative de 1849. Son Cercle de l’Union démocratique, alors présidé par Courmeaux, se rapprocha de l’Association rémoise des corporations présidée par Bressy*, pour patronner les candidatures de Lecureux, ancien préfet, Aubert-Roche, commissaire du gouvernement provisoire, Allyre Bureau*, Ferrand*, Flocon*, Félix Pyat*, etc. Cette liste arriva en tête à Reims, avec une moyenne de 5 000 voix. Dans le département, elle en recueillit en moyenne 25 000, ce qui ne fut pas suffisant pour qu’un seul de ses candidats fût élu.
Enhardis par le succès remporté à Reims, les socialistes décidèrent la constitution d’un Comité électoral permanent de dix-huit membres, animé par Bressy et Courmeaux, et dont Bienfait fit partie.
Le 12 juin 1849 eut lieu, à Reims, une manifestation contre l’expédition de Rome. Bienfait appartenait à la délégation reçue par la municipalité et qui lui remit une protestation contre l’expédition de Rome réclamant : l’armement des ouvriers et leur incorporation dans la garde nationale, la suspension du sous-préfet, hostile aux revendications ouvrières, la reconnaissance par la municipalité d’une République démocratique et sociale. Le 14 juin, lorsqu’on apprit la répression de l’émeute parisienne de la veille, Bienfait fut de ceux qui calmèrent les ouvriers et évitèrent qu’une émeute se portÎt sur l’Hôtel de Ville pour le saccager. Il fut compris dans les poursuites que le gouvernement ordonna d’engager contre « dix-sept des chefs socialistes rémois ».
Il fut arrêté à Rethel (Ardennes), le 17 juin et l’instruction rechercha les origines du mouvement dans son Club de l’Union démocratique auquel on reprocha son existence illégale. Le 18 août 1849, le procureur de la République rédigea son réquisitoire définitif : les inculpés étaient poursuivis pour complot contre la sûreté de l’État. Le 28 octobre 1849, lors de l’inauguration de la statue de Drouet d’Erlon, les ouvriers des faubourgs de Reims se portèrent en masse sous les fenêtres de la prison où Bienfait était enfermé avec Courmeaux et Bressy, aux cris de « Vive Raspail ! Vive Barbès ! Vive 93 !. Lors du procès qui s’ouvrit, le 26 décembre 1849, devant les assises de Melun, Bienfait fut défendu par Jules Favre et acquitté, ainsi que tous ses compagnons. Le 12 janvier suivant, il était révoqué de ses fonctions de médecin de l’administration municipale.
Arrêté au moment du coup d’État de décembre il dut ensuite s’exiler et ne rentra, si l’on en croit Boussinesq et Laurent, qu’en 1860. Pourtant, à l’été de 1852, il se trouvait en France. Le 1er juillet, il était signalé comme quittant ChÎlons-sur-Marne pour Sedan (Ardennes) ; le 6 septembre comme quittant Reims pour Sedan. En fait, il devait faire de fréquents voyages de liaison entre la région de Reims et les proscrits de Belgique, puisque le 9 septembre 1852, il participait à Bouillon (Belgique) à une réunion qui groupait notamment : Courmeaux, Hauvot fils*, Baudet*, notaire de Reims, Ulrich*, ouvrier menuisier.
Il sera élu, en 1871, conseiller général du 2ecanton de Reims, fonction qu’il remplira pendant vingt ans. Pour les élections municipales du 3 avril 1871, il figurera sur la liste démocratique groupant des républicains et des socialistes. Il sera élu avec ses colistiers les plus modérés et désigné comme adjoint au maire. En octobre 1872, il démissionnera avec toute la municipalité. Une lettre du sous-préfet le désignait, alors, comme « d’opinions avancées, mais aimé de la population ». Le 2 février 1874, il sera « démissionné » par le gouvernement et remplacé par un monarchiste.
A partir de 1875, il se rapprocha de plus en plus des opportunistes dont il deviendra le chef dans la Marne.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article26579, notice BIENFAIT Jules, Nicolas, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 20 février 2009.

SOURCE : Arch. Dép. Marne, 30 M 18. — Bibliothèque municipale de ChÎlons-sur-Marne, Ms 1 511. — Boussinesq et Laurent, Histoire de Reims depuis les origines jusqu’à nos jours, Reims, 1933, tome II, 2epartie. — R. Chéramy, L’année 1848 dans le département de la Marne.

ICONOGRAPHIE : Boussinesq et Laurent, ouvr. cité, p. 631.

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