BONNET-DUVERDIER Édouard, Guillaume

Par Notice revue et complétée par Michel Cordillot et Gauthier Langlois

Né le 13 septembre 1824 à Cadouin (Dordogne), mort le 21 novembre 1882 à Paris ; réfugié politique à Jersey, proche de la famille Hugo ; rentré en France à la fin de l’Empire ; élu au conseil municipal de Paris sous la Troisième République, il milita pour l’amnistie des communards ; député de Lyon.

Bonnet-Duverdier à Jersey, entre 1853 et début 1855
Bonnet-Duverdier à Jersey, entre 1853 et début 1855
(Maison de Victor Hugo - Hauteville House, Album Asplet, folio 47)

Édouard est issu d’une famille d’agriculteurs aisés de Cadouin, un chef-lieu de canton de la Dordogne situé entre Bergerac et Sarlat. Il a été déclaré à l’État-civil sous le nom de Guillaume Bonnet, fils de Pierre Bonnet-Duverdier et de Marie Élisabeth Soulié.

À l’avènement de la Seconde République il était étudiant en médecine à Paris et résidait 5 rue Saint-André-des-Arts (VIe arr. actuel). Il prit part, avec Baudin, au mouvement républicain de 1848 et devint membre de la commission des Vingt-cinq issue du Comité démocratique-socialiste pour les élections de mai 1849. Il signa l’appel adressé au peuple et à la garde nationale, le 13 juin 1849. Lors du procès qui suivit l’affaire du 13 juin, il ne fut accusé que de complot et néanmoins condamné par contumace à la déportation (voir Pardigon).

Réfugié politique démocrate-socialiste à Jersey, il participa aux activités des proscrits d’opinion socialiste. Avec le comité révolutionnaire d’exilés présidé par Seigneuret il lança un petit hebdomadaire, La Sentinelle du peuple, qui était adressé depuis Dinan aux militants républicains de Paris et de l’Ouest de la France. Il signa l’éditorial du 1er numéro, daté du 23 octobre 1851 an IV de la République. La rédaction comprenait aussi Charles Alexandre Leballeur-Villiers, Auguste Lemeille et le propriétaire du journal, Jean Geistdoerfer, négociant-brasseur à Dinan. Au moment du coup d’État du 2 décembre 1851, le journal lança un appel au soulèvement. Les membres du comité révolutionnaire organisèrent même une expédition en France, en sachant que leur tête serait mise à prix et qu’ils risquaient la mort. Mais l’apathie générale les obligea à regagner rapidement Jersey.

L’exil s’éternisant, Bonnet-Duverdier fonda une famille. Il se maria le 12 juillet 1852 à Saint-Hélier, à la jersiaise Henriette Nicolle. Celle-ci, née à Saint-Hélier en 1827, était la fille d’un couple d’origine britannique, John Nicolle et Jane Trachy. Elle mit au monde le 5 juillet 1853 à Saint-Hélier, Marguerite Jeanne Marie. Celle-ci, fille d’un couple mixte, fut baptisée d’abord en l’église paroissiale anglicane puis en l’église catholique, à quelques mois d’intervalle.

Bonnet-Duverdier, considéré comme dangereux, était surveillé par les autorités françaises. Selon un rapport du vice-consul français dans l’île, soixante-seize démocrates se seraient réunis, en août 1853, pour tirer au sort celui d’entre-eux qui frapperait le tyran Napoléon III. Parmi ces hommes dangereux étaient cités : Auguste Le Maout, pharmacien de Saint-Malo, Benjamin Colin du Morbihan, Picquet de la Nièvre, Seigneuret de Fontainebleau et enfin Édouard Bonnet-Duverdier. L’attentat devait être commis aux Tuileries avant la fin du mois. La seule victime — bien réelle — du complot fut un polonais, Charles-Michel Funck, qui, en août 1853, s’était risqué à passer en France avec un faux passeport jersiais et se fit prendre.

Le complot contre Napoléon III auquel Bonnet-Duverdier aurait été impliqué n’avait sans doute pas dépassé le stade du rêve. En revanche Bonnet-Duverdier était investi dans les activités de politique de la proscription. En mars 1854 au cimetière Macpela, il prononça, devant l’ensemble des proscrits, l’éloge funèbre de Georges Gaffney, dont les obsèques se firent sous le signe du drapeau rouge. Il collabora au journal L’Homme, de Charles Ribeyrolles. Le 17 octobre 1855, Édouard fit partie des 36 signataires de la protestation rédigée par Victor Hugo et adressée au gouvernement anglais contre l’expulsion de Charles Ribeyrolles, du colonel romain Louis Pianciani et de Philippe Thomas de l’île de Jersey. Cet acte entraîna l’expulsion de l’île de tous les signataires de la protestation. Édouard accompagna alors Victor Hugo et sa famille, dont il était l’un des amis, à Guernesey. Il était installé à Saint-Pierre Port. En 1863 il revint avec sa famille à Jersey.

De retour en France le lendemain de la proclamation de la Troisième République, il ne rentra dans la vie politique qu’en novembre 1874, à l’occasion du renouvellement du Conseil municipal de Paris. Il fut alors élu dans le XIe arr.et fut choisi comme vice-président du conseil en 1874.

Franc-maçon, il avait été initié le 26 février 1864, sans doute à loge n° 169 Amis de l’avenir, orient de Jersey, dont il était l’orateur en 1867. En 1877 il était membre de la Loge n° 1133 la Justice, orient de Paris. Il était à cette date le principal animateur de la campagne menée en France par les francs-maçons radicaux en faveur de l’amnistie pour les Communards.

Toujours en 1877, alors qu’il venait d’être élu président du Conseil municipal de Paris, il se rendit à Londres en voyage officiel et en profita pour y rencontrer le frère Gabriel Ranvier en compagnie de Sigismond Lacroix et de Théodore Brisson, avant d’assister à un banquet offert par les réfugiés.

Au lendemain du 16 mai, une attaque très dure contre le Maréchal-président lui valut des poursuites et une condamnation à 15 mois de prison et 20 000 F d’amende.

Alors qu’il purgeait sa peine, il fut élu député de Lyon à l’occasion d’une élection législative partielle. Mais au moment où il s’apprêtait à accomplir son mandat, de graves accusations de malversation furent formulées à son encontre, lesquelles furent confirmées par un jury d’honneur. Cela n’empêcha pas Bonnet-Duverdier de continuer à siéger sur les bancs de l’extrême gauche, totalement isolé de ses collègues.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article27039, notice BONNET-DUVERDIER Édouard, Guillaume par Notice revue et complétée par Michel Cordillot et Gauthier Langlois, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 9 janvier 2021.

Par Notice revue et complétée par Michel Cordillot et Gauthier Langlois

Bonnet-Duverdier à Jersey, entre 1853 et début 1855
Bonnet-Duverdier à Jersey, entre 1853 et début 1855
(Maison de Victor Hugo - Hauteville House, Album Asplet, folio 47)
Bonnet-Duverdier, Leballeur-Villiers et Hennet de Kesler photographiés à Guernesey en 1860
Bonnet-Duverdier, Leballeur-Villiers et Hennet de Kesler photographiés à Guernesey en 1860
Bien que l’identification au crayon soit d’une main inconnue, elle semble fiable. Cette photographie fait partie de l’album de Miss Joss (proche des Hugo pendant l’exil) et est conservée sous le numéro MVHP-PH-1013 f.26.
Édouard Bonnet-Duverdier et sa fille Marguerite vers 1860
Édouard Bonnet-Duverdier et sa fille Marguerite vers 1860
La photo de l’Album Paul Meurice est accompagnée de la dédicace suivante :
« À Victor Hugo/ Je suis Margot Duverdier / Je suis au monde d’hier / Je voudrais vivre cent ans / Pour vous aimer plus longtemps./Guernesey 14 mars 1857, Margot Duverdier »
(Source : Maison de Victor Hugo - Hauteville House à Guernesey, Album Joss ou Nicolle et BNF, album Paul Meurice, folio 57)
Édouard Bonnet-Duverdier, conseiller municipal de Paris, photographié par l'atelier Nadar entre 1874 et 1877
Édouard Bonnet-Duverdier, conseiller municipal de Paris, photographié par l’atelier Nadar entre 1874 et 1877
(Source : Bnf Gallica)

ŒUVRE : La Sentinelle du peuple, Dinan, 1851.

SOURCES : Archives de la Dordogne, Acte de naissance. — Bnf, Fichier Bossu, Notice autorité. — Maison de Victor Hugo - Hauteville House, Album Asplet, folio 47, photographie du proscrit Bonnet-Duverdier. — BnF, Notice autorité Bonnet-Duverdier, Édouard Guillaume. — Victor Hugo, Œuvres complètes de Victor Hugo. Actes et paroles. 2 publiées par Paul Meurice, puis par Gustave Simon, 1937-1940, p. 123-125. — La Gazette des tribunaux, 23 juin 1877. — Pascal Rhaye, Les Condamnés de Versailles, Paris, 1850, p. 155 — Pierre Angrand, Victor Hugo raconté par les papiers d’État, Paris, 1961. — André Combes, « Des Origines du Rite de Memphis à la Grande Loge des Philadelphes, 1838-1870 », Chroniques d’histoire maçonnique, n°34, 1985 — André Combes, « Les Philadelphes et autres loges de Communards... », Chroniques d’histoire maçonnique, n° 35, 1985 — G. Vapereau, Dictionnaire universel des contemporains, Paris, Hachette, 1858, rééd. 1893, 5e éd. — Note de Rémi Skoutelsky.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable