BORN Stephan.

Par D. Soulas de Russel

Né le 28 décembre 1824 à Lissa (Posnanie, Prusse, maintenant Lezno, Pologne), mort le 4 mai 1898 à Bâle (Suisse). Leader socialiste et syndicaliste marxiste.

Born était le cadet d’une famille juive de 5 enfants. Son nom véritable était Simon Buttermilch (« Petit-lait »). Les difficultés financières de son père empêchèrent Simon de réaliser son souhait de rester au lycée pour entreprendre plus tard des études universitaires.
Simon, décida à 15 ans d’entamer un apprentissage en typographie à Berlin pour devenir au moins « un manœuvre de la création intellectuelle »., Il assista aussi souvent que possible aux cours de l’université berlinoise à compter de 1840. Il découvrit par des étudiants le mouvement socialiste utopique français, perfectionna ses connaissances linguistiques pour lire ses penseurs dans le texte et se mit à écrire des essais réalistes sur la misère et l’opulence du Berlin des années 1840. A cette époque, son employeur, pour ne pas avoir à lui verser le plein salaire ouvrier, porta son apprentissage de 3 à 5 ans. Ce fut cette exploitation qui le poussa à s’engager dans l’action ouvrière des « communistes » de Weitling. En 1845, il publia sa première brochure sur L’association pour le relèvement de la classe ouvrière et sa voix populaire. Il devint en 1846 membre, très actif, de l’Union des artisans dont le fondateur, Julius Berends, l’introduisit au Rütli, société de jeunes auteurs et artistes engagés. Il prit aussi contact avec les « Hommes libres » de l’anarchiste Max Stirner. Enfin, le tailleur Mentel l’engagea à se rendre dans la « patrie du socialisme » et à vivre dans sa capitale, Paris.
Born fit en sorte d’y parvenir le jour même de son anniversaire, le 28 décembre 1846. Il était muni d’un message du Rütli à remettre Friedrich Engels*. Stephan ne s’en acquitta pas tout d’abord, car il lui préférait Karl Grün, chez lequel il était hébergé. Mais, bientôt déçu par ce dernier, Born passa en janvier 1847 définitivement au camp d’Engels, avec lequel il se lia de manière étroite. A Paris il s’initia avec assiduité à l’idéologie développée par Marx et Engels. Il s’adonna à l’observation critique des mécanismes libéraux, possibilité que lui ménageait son emploi à la banque Rothschild. Born se mit à fréquenter intensément les bibliothèques de la capitale. Il y approfondit ses connaissances de la littérature française dans ses relations avec la question sociale. A Paris, comme à Bruxelles et à Londres, existait une association locale du « Bund der Gerechten » (Union des Justes) des émigrés allemands. Born avait été élu au poste très en vue de président de la « communauté » parisienne. Marx et Engels avaient décidé d’établir leur mainmise sur toute l’organisation, moyen d’action estimé plus efficace que leurs comités de correspondance. Le président Born s’employa avec succès à faire désigner Engels commr délégué pour l’assemblée générale du Bund en juin 1847 à Londres. Engels y obtint la transformation décisive de celui-ci en « Bund der Kommunisten » (Union des communistes) et la réécriture subséquente de ses statuts. Born fut chargé d’appliquer cette décision à Lyon (Rhône), puis en Suisse. De Berne, il envoya notamment à Paris sa brochure « Der Heinzesche Staat » (« L’État de Heinzens »). Il y réfutait l’insurrection, préconisée par le parti républicain, et plaidait pour l’organisation du prolétariat avant sa prise du pouvoir. 100 exemplaires furent saisis par la police de la capitale.
Considéré comme indésirable en France, Born rejoignit en octobre 1847 Marx chez lui, à Bruxelles, nouveau centre du mouvement. Il y travailla comme journaliste et compositeur au très engagé « Journal allemand de Bruxelles ». Trois jours après la révolution triomphante de Paris, celle de Bruxelles échoua. Born, expulsé comme les Marx, les accompagna à Paris. Son retour l’enthousiasma. Il s’imprégna de l’ » ambiance révolutionnaire victorieuse » pour y puiser les forces et les inspirations nécessaires à son extension en Allemagne, où il s’apprêtait à partir..
Stephan Born emporta de France deux convictions, qui guidèrent fondamentalement toute son activité antérieure : que le mouvement ouvrier devait, pour aboutir, construire d’abord sur l’action convaincue et éclairée de peuple plus que sur l’entraînement ou l’agitation par la violence : et que le principe de solidarité devait guider la réorganisation de la société : unité ouvrière pour obtenir de meilleures conditions de vie et de travail, structures coopératives de production lancées par l’État.
Tout auréolé de son expérience parisienne, Born fut dès son retour élu à la tête du « Club central provisoire des clubs locaux des travailleurs de Berlin » qui avait été fondé, fin mars 1848, par 150 ouvriers afin de former un parlement solidaire de tous les corps de métier. Mais cette espérance fut déçue) et Born convainquit les membres du « Club » de le transformer, dès avril, en parti ouvrier visant la transformation de la société par des moyens pacifiques et légaux. Il fut élu président du nouveau comité central et lança son journal Le peuple. Organe du Comité Central des travailleurs. Contrarié par la violence de plusieurs manifestations, il démissionna du comité électif. Du 23 août au 3 septembre 1848 se tint à Berlin un « Parlement des travailleurs » qui aboutit à la création de la « Fraternité ouvrière », dont le siège était à Dresde. Elle regroupait pratiquement toutes les associations de travailleurs d’Allemagne. Born fut élu à sa tête et se voua à une action très « syndicaliste » en prônant les coopératives de production, ce qui lui attira les fouidres de Marx. Il participa aux mouvements populaires de Dresde — où il monta sur les barricades —, de Berlin et du Pays de Bade (1848/1849). Poursuivi, il se réfugia à Bâle et n’exerça plus aucune influence sur le mouvement ouvrier allemand qu’il avait tant servi en fondant sa toute première organisation. Il devint directeur du journal Les nouvelles de Bâle puis enseigna à l’Université la littérature française et allemande. Il y écrivit aussi ses mémoires (Souvenirs d’un quarante-huitard ) de la période révolutionnaire, publiés en 1898 à Leipzig.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article27117, notice BORN Stephan. par D. Soulas de Russel, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 20 février 2009.

Par D. Soulas de Russel

ŒUVRE : Das Volk, Organ des Central-Komites für Arbeiter. Eine sozial-politische Zeitschrift, Berlin 1848. — Erinnerungen eines Achtvierzigers, Leipzig 1898.

SOURCES : Pour une bibliographie se rapportant à S. Born, voir J. Droz (dir), Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier. Allemagne , Paris, Éditions ouvrières, 1990.

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