BUETTE Louis-Pierre

Par Michel Cordillot

Né vers 1838 , fusillé au Brésil en 1894 ; ouvrier mécanicien, contremaître à Paris, puis entrepreneur à Honfleur (Calvados)  ; révolutionnaire pendant le Second empire.

Fils d’ouvrier et lui-même ouvrier mécanicien, Louis-Pierre Buette était un fervent partisan de l’instruction mutuelle. À force d’assiduité au travail, il réussit à devenir contremaître à l’usine Cail dans le quartier de Grenelle à Paris. Démocrate avancé et opposant à l’empire, il fut impliqué dans le complot dit « des 54 » fomenté en 1862. En mars 1860, une société secrète avait été formée parmi les anciens transportés par le tanneur Johanne (qui devait plus tard dénoncer ses compagnons), le marchand de fruit Bachelet (vraisemblablement lié à la police) et par un exalté nommé Vassel. Fin 1861, cette société fit alliance avec Jean-Louis Greppo et Jules Miot*, qui avaient regroupé autour d’eux les derniers éléments du parti blanquiste. Il s’agissait pour eux de mobiliser 800 ouvriers choisis parmi les plus vigoureux (la majorité travaillaient à Grenelle aux ateliers Cail), de les réunir le 2 mars à 10 heures du soir, place de la Concorde, pour leur faire escalader le mur des Tuileries, enlever l’empereur, puis s’emparer du ministère de l’Intérieur et télégraphier ensuite les nouvelles parisiennes aux sociétés secrètes de Lille, Marseille, Toulon, Bordeaux. Le complot fut éventé, et cinquante-quatre « affiliés » furent emprisonnés à Mazas dans l’attente de leur jugement, parmi lesquels Buette. Le procès s’ouvrit le 7 juillet 1862 devant la 6e chambre du Tribunal correctionnel. Convaincu du délit d’affiliation à société secrète parce qu’on avait trouvé chez lui un exemplaire d’un manifeste révolutionnaire rédigé par Vassel, Buette fut défendu par un tout jeune avocat nommé Léon Gambetta, qui frappa l’auditoire par son éloquence lors de cette première plaidoirie politique. Buette écopa néanmoins d’une condamnation à 3 mois de prison.

Le 24 mai 1863, avec Jean Aubert* et Louis Aubert*, Murat*, Vanhamme* et neuf autres camarades, habitant, comme lui, la première circonscription de Paris, il écrivit au Temps, qui publia leur lettre, pour annoncer leur intention de présenter et de soutenir, lors des prochaines élections, la candidature d’un ouvrier : celle du typographe Jean-Jacques Blanc. Ce fut la première candidature ouvrière. Voir Blanc Jean-Jacques*.

Par la suite, Buette devint entrepreneur en travaux publics et vécut durant quelques années dans l’aisance. En 1881, il possédait une entreprise à Honfleur. (Calvados) Étant resté très ami avec Gambetta, Buette s’était rallié au radicalisme naissant, secrètement convaincu (nous dit Joseph Reinach) qu’il avait largement contribué à lancer la carrière politique de son ancien défenseur. À l’issue d’un banquet offert par les ouvriers de Honfleur à Gambetta en 1881, il proposa de dételer les chevaux de la voiture de Gambetta et de la tirer en triomphe, ce que Gambetta refusa.
Victime d’un revers de fortune quelques années plus tard, Buette partit s’installer au Brésil où il comptait se relancer en affaires. Mêlé à la « révolution navale » de 1893-1894 qui tentait de renverser le gouvernement dictatotial, il fut capturé, et en dépit de la promesse du maréchal Peixoto de lui laisser la vie sauve s’il acceptait de couper les fils des torpilles menaçant la flotte dans la rade de Rio, il fut fusillé. Cédant devant la menace d’un incident diplomatique avec la France, le gouvernement brésilien accepta de verser 300 000 F en dédommagement à sa famille.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article27823, notice BUETTE Louis-Pierre par Michel Cordillot, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 17 mai 2018.

Par Michel Cordillot

SOURCES : M. Singer, Histoire du SGEN, PUL, 1987. – Lettre de Suzanne Bouveret au bureau national SGEN, 23 novembre 1959. – Syndicalisme universitaire, 21 juin 1961. – Circulaire de l’OAS non datée. – Attestation du préfet d’Oran sur les deux attentats, 9 novembre 1961. – France-Observateur, 30 novembre 1961, 11 janvier 1962. – Divers documents fournis par J.P. Weiss. – Photo prise au congrès de 1962. – Lettres de Y. Vié Le Sage à M. Singer, 6 juillet 1995, août 1995, 21 janvier 1997.

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