Par Jacques Girault
Né le 20 mars 1879 à Paris (IIe arr.), mort le 12 décembre 1952 à La Seyne (Var) ; cheminot révoqué, puis journaliste ; militant syndicaliste (CGT) en Seine-et-Oise [Val-de-Marne], Vaucluse puis dans le Var ; militant communiste.
Fils d’une modiste et de Charles Bedaux, ingénieur des chemins de fer dont le fils Charles Bedaux, inventa la méthode Bedaux de direction d’entreprises comprenant le « point-Bedaux » utilisé dans le cadre de la rationalisation dans les mines, René Bedaux reçut les premiers sacrements catholiques. Il passa sa jeunesse à Villeneuve-Saint-Georges (Seine-et-Oise, Val-de-Marne) et obtint le baccalauréat. Il entra à la compagnie du PLM comme employé à Paris. Il se maria en novembre 1903 à Villeneuve-Saint-Georges avec une commerçante. Le couple eut trois enfants.
Libre-penseur, socialiste, pacifiste, il écrivait dans la presse de gauche (articles, poèmes etc…) sous le pseudonyme de Darmont, employé par la suite. Bedaux (écrit parfois Bedeaux) fut muté à Cavaillon (Vaucluse) et faisait partie en 1911 du syndicat de la presse tout en militant dans le syndicat CGT des chemins de fer. Délégué au congrès de Paris des 28-29 juin 1918, il fit le compte rendu à ses mandants le 5 juillet, rapportant les discussions entre minoritaires et majoritaires. S’associant à ces derniers, il avait voté la coopération des cheminots avec tous les mouvements ayant pour but la continuation de la guerre « qui [devait] nous donner une paix honorable et définitive ». En 1919, il participa activement aux premières actions revendicatives et, à Avignon, le 22 mars, il prit la parole pour réclamer la journée de 8 heures, mais il s’écarta un peu de la voie syndicale, selon la police, pour protester contre l’envoi de troupes en Russie. Il conclut en demandant de se rallier aux 14 points du Président Wilson pour obtenir la vraie liberté des peuples. Délégué au congrès de Lyon, il parla à nouveau dans son compte rendu de l’opposition majoritaires-minoritaires et de Léon Jouhaux « qui n’a jamais trahi la classe ouvrière ». Conférencier, il mena une propagande intense à Cavaillon et dans les villes voisines et fut un des organisateurs dynamiques des grèves des cheminots en mai 1920. Il se montra parfois très violent et, le 3 mai 1920, à Avignon, il attaqua le directeur du PLM en termes très durs, ajoutant : « Nous prendrons les armes ». Le lendemain, à l’Apollo, devant 2 000 personnes, il s’écria : « Vive la Révolution sociale [...] on paralysera le commerce et l’industrie ; par ce moyen nous vaincrons les capitalistes [...] nous ne voulons pas un 93, nous ne voulons pas faire couler le sang. C’est par le calme que nous vaincrons la bourgeoisie. » Qualifié dans un rapport de police de « secrétaire de la Fédération des cheminots d’Avignon », il poussa à l’action. À Orange, selon la police, il aurait enlevé des mains des cheminots les fascicules d’appel de mobilisation qu’ils venaient de recevoir. Considéré comme « dangereux pour la paix sociale » par le commissaire de Cavaillon, il ne réussit pas cependant dans cette ville à entraîner les cheminots dans la grève puisqu’il fut le seul gréviste avec un camarade. Arrêté le 21 mai 1920 pour « provocation de militaires à la désobéissance » lors de l’ordre de réquisition, il fut relaxé le 27 « pour raisons de santé » ce qui ne l’empêcha pas de donner des conférences devant les cheminots à Miramas, Apt, Orange, tandis qu’à Avignon son arrestation avait momentanément relancé l’ardeur des grévistes. Il fut révoqué de la Compagnie et, le 22 juillet, le commissaire de Cavaillon signalait au préfet que le syndicat des cheminots n’avait pas survécu à l’échec de la grève et que le calme régnait depuis le départ de Bedaux, « actuellement employé en Suisse ». Il ne se présenta pas à l’appel de son nom lors de l’audience du tribunal correctionnel du 25 octobre 1920 qui le condamna à trois mois d’emprisonnement et 100 F d’amende.
Séparé de son épouse, à partir de 1918, il vivait avec Paula-Hélène Sarnette. Ils eurent trois enfants.
Socialiste et patriote, René Bedaux, doué d’un certain talent littéraire, avait été lauréat d’un concours littéraire. Sous son pseudonyme, il publia un feuilleton quotidien dans Le Quotidien du Vaucluse à partir du 17 juin 1915. Il écrivit aussi un pamphlet pour venger les poilus du XVe corps et un roman patriotique ayant pour titre : Amour et Patrie, Ludwig Schwarz, espion. Poète à ses heures, il publia un recueil Mes violettes dont la parution fut interrompue par la guerre.
Retiré à Genève, René Darmont travaillait comme rédacteur à la Feuille d’avis de Genève. Revenu à Paris en 1922, il gagna la Belgique pour collaborer au Journal du Borinage. Il devint par la suite rédacteur du quotidien local d’Auxerre (Yonne).
Militant socialiste SFIO, membre actif de la Ligue des droits de l’Homme, René Darmont entra en 1929 dans l’administration des Coopérateurs du Midi au siège de la direction à La Seyne où il habita désormais. Sous le Front populaire, il fut réintégré dans la Compagnie du PLM. Ayant complété ses annuités, il obtint sa retraite. Il participa en novembre 1938 à une réunion du syndicat CGT des cheminots et, le 9 décembre 1938, présida le Cartel de défense des ouvriers licenciés pour leur action contre les décrets-lois. En avril 1939, il présidait la section des retraités au sein du syndicat CGT des cheminots de Toulon. Toujours journaliste, il écrivit plusieurs articles favorables à l’intervention aux côtés des Républicains espagnols. Il assurait le secrétariat de l’association Radio-Liberté.
Interné au début de la guerre à Chabanet (près de Privas, Ardèche), il fut transféré au centre de séjour surveillé de Chibron (près de Signes, Var), le 20 juin 1940. Malade, il en fut libéré le 12 février 1941. A la fin de la guerre, il participa à des réunions, en août 1944, du Comité de Libération de La Seyne. Membre du Parti communiste français en 1945, il collaborait à la rédaction de Rouge-Midi. En janvier 1947, secrétaire général de la section du Pont-de-Bois à Toulon, où il demeurait, des Amis du Parti ouvrier français, mais il resta membre du PCF jusqu’à son décès.
Par Jacques Girault
Œuvre : Le fichier de la BNF comportait en 2019 cinq références.
SOURCES : Arch. Dép. Var, 4 M 50, 54, 4 M 291. — Arch. Dép. Vaucluse, 1 M 817, 855, 839, 840, 10 M 29 et 30. — Jugements correctionnels, 1920 (2). — Renseignements fournis par sa fille Jacqueline Sarnette-Gelly. — Arch. privées, Pierre Fraysse.— Quotidien du Vaucluse, B.M. Avignon, Ix. 86. — Notes de Louis Botella, de Jean-Marie Guillon, de Pascal Michot. — Le Cheminot Syndicaliste, organe de l’Union de syndicats du PLM puis du Sud-est (Institut d’histoire sociale de la Fédération CGT des cheminots).— Lucien Midol, La Voie que j’ai suivie, Paris, Éditions. sociales, 1973, p. 76.— Sources orales.