CARION Jules, Antoine

Par Notice revue et complétée par P. Levêque

Né le 24 novembre 1815 à Dijon, mort le 26 juin 1875 à Bruxelles. Ouvrier et militant démocrate-socialiste. Député radical en 1871.

Fils d’un volontaire de 1792 devenu chef de bataillon et l’organisateur de la Fédération bourguignonne pendant les Cent-Jours.
Il fit ses études au collège de Dijon, avant d’entrer comme apprenti imprimeur chez son oncle, ancien prêtre du clergé constitutionnel qui avait abandonné la prêtrise. Il travailla à Paris sous la monarchie de Juillet comme prote et aussi comme traducteur de classiques grecs et latins, dans le même temps où le typographe Proudhon se faisait hébraïsant.
Revenu à Dijon, après avoir pris contact à Paris avec les écrivains et les journalistes républicains, il y fonda avec son frère une maison de commerce, en 1839, et participa à la propagande républicaine.
L’un des initiateurs, à la fin de 1847, du banquet réformiste de Dijon, au cours duquel furent tenus des discours très hostiles à Louis-Philippe et à Guizot, devant un auditoire « radical » et socialisant, il fut, à partir de février 1848, comme républicain de la veille, membre de la Commission exécutive de Dijon, substituée à la municipalité censitaire, sous-commissaire de la République à Beaune, puis préfet de la Haute-Saône pendant quelques semaines. Fait notable et rare parmi les républicains de province connus, même de nuance socialiste, qui ne comprenaient en général rien aux Journées parisiennes de Juin, Carion démissionna de son poste de préfet à leur sujet.
Le 22 octobre, il porta au banquet démocratique de Dijon un toast à la liberté de la presse, où il invoquait « Lamennais, Louis Blanc, Proudhon, Raspail, tous ces génies que Dieu a produits pour éclairer la marche de l’Humanité ». Il échoua en 1849 aux élections à la Législative sur la liste démocrate-socialiste de la Côte-d’Or.
Son départ du département (à la suite de l’affaire du 13 juin 1849), puis la mort de Demontry James* haussèrent Carion au niveau d’animateur de la presse démocrate-socialiste en Côte-d’Or. Il devint rédacteur assidu du journal Le Peuple, et soutint de son argent des feuilles de moindre importance.
Si l’on en croit Gustave Lefrançais*, en résidence surveillée à Dijon en 1850 et 1851 et qui fréquenta alors Carion, l’attitude de celui-ci aurait été pour le moins bizarre.
Carion était très étonné d’apprendre de Lefrançais que les ouvriers socialistes révolutionnaires de Paris tenaient Ledru-Rollin* et ses amis en piètre estime. Rolliniste, Carion disait : « Heureusement, il n’en est pas ainsi chez moi, nos ouvriers votent bien. Je les fais marcher à la baguette, et, nom de Dieu, personne ne bronche. » Et d’ajouter : « Après tout, Paris n’est pas la France, et, nom de Dieu, à la prochaine, on le lui fera bien voir ! »
Carion aurait encore essayé de faire passer Lefrançais pour un mouchard auprès des autres républicains dijonnais — il récidivera en 1869 auprès des républicains de Paris, à qui il signalera que Lefrançais devait être un agent bonapartiste.
Le matin du 3 décembre 1851, Carion se borna à pérorer, toujours selon Lefrançais, contre « ces sacrés Parisiens, ces lâches de Parisiens, qui ne se sont pas encore soulevés, n’ont pas encore renversé l’usurpateur, et n’envoient pas d’ordres ! pas de signal ! », et alors que Sauvestre*, Racine* et Lefrançais essayaient d’entraîner les ouvriers dijonnais, non content de se retirer, Carion insinua aux manifestants qu’ils tombaient dans un piège tendu par des provocateurs. Le même jour, il fut arrêté avec plusieurs autres leaders républicains dijonnais dans l’atelier de l’imprimerie Noëllat, où ils espéraient faire imprimer une correspondance de Paris et un appel au peuple. Il fut considéré par le procureur général Duval comme " le chef principal... du complot évidemment organisé pour amener un soulèvement dans la Côte-d’Or ". Comme propagandiste démocrate-socialiste, il fit néanmoins trois mois de prison. Voir Lambert Jean-Baptiste*
La Commission mixte de la Côte-d’Or le condamna à l’" Algérie plus ", mais à la suite de l’intervention du maréchal Vaillant, ami de la famille Carion, sa peine fut commuée en expulsion du territoire.
Il s’installa en Belgique, à Bruxelles, où il vécut du commerce des vins de Bourgogne.
Peu après son départ pour la Belgique, au printemps 1852, un de ses enfants mourut à Dijon. Deux cents personnes suivirent le convoi. On remarqua surtout le petit nombre des blouses ouvrières.
La famille de Carion le rejoignit à Bruxelles. Carion repoussa l’amnistie et prit à sa charge les enfants d’un autre proscrit de 1859. Il rentra en France en 1870 et fut élu à l’Assemblée nationale député républicain radical de la Côte-d’Or, le 8 février 1871. Il fit partie de la minorité qui refusa de ratifier le traité de Francfort.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article28100, notice CARION Jules, Antoine par Notice revue et complétée par P. Levêque, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 20 février 2009.

Par Notice revue et complétée par P. Levêque

SOURCES : Arch. Nat., BB 30/377 doss. Dijon, BB 30/400 (notice du procureur général Duval).. — G. Lefrançais, Souvenirs d’un Révolutionnaire, Bruxelles, s. d. — A. Robert, E. Bourleton, G. Cougny, Dictionnaire des Parlementaires français, 1789-1889, Paris, Borl, 1891. — Notice nécrologique dans le Progrès de la Côte-d’Or, 28 juin 1875.

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