CELLIEZ Henry [CELLIEZ Jules, Pierre, Henry] ou CELLIEZ Henri ou CELLIER Henri

Né le 13 juillet 1806 à Paris, mort le 14 juin 1884 à Paris. Avocat socialiste, à Blois (Loir-et-Cher) et à Paris. D’abord saint-simonien, puis proche des néo-babouvistes, cherchant une synthèse entre les diverses tendances révolutionnaires.

Encore étudiant, il s’attacha aux saint-simoniens et collabora au Globe. C’est sans doute lui qui, sous le nom d’Henri Cellier fut mentionné comme l’un des destinataires, en 1832, du « collier " institué par Enfantin pour ses fidèles
En 1839, il tente avec Théophile Thoré* et Victor Schoelcher* de fonder un nouvel organe de presse, à la fois républicain et socialiste, La Démocratie. Il publie en octobre 1840 une brochure de 16 pages intitulée Devoir des révolutionnaires, Paris et Bruxelles. Il défend tour à tour, en janvier 1841 Th. Thoré, poursuivi pour sa brochure La Vérité sur le parti démocratique, les Humanitaires en novembre de la même année (voir Gabriel Charavay* et Jean Charavay*) et d’autres. En 1848, son nom figurait sur la liste des citoyens admis comme membres de la Société républicaine centrale le 10 mars (Courrier français, 10 mars 1848). On le trouve encore en 1875 défenseur des intérêts de la librairie de Maurice Lachâtre, mise sous séquestre après la Commune, et s’efforçant de permettre la parution en volume du Capital de Karl Marx.
Il fut le rédacteur en chef de La Loi. Il publia le Code annoté de presse et de nombreux ouvrages sur les lois de la presse, des codes populaires pour la boisson, les débits de boisson, le Code des maîtres et domestiques, le Code des ouvriers, le Code des voyageurs par terre et par mer, une Jurisprudence sur les locations.....
Les passages les plus saillants de sa brochure, Devoir des révolutionnaires, méritent d’être reproduits pour la clarté avec laquelle ils posent, face aux fouriéristes conservateurs par exemple, les problèmes de l’action politique qu’ont à résoudre les prolétaires.
« Il semble que, sous l’Empire et la Restauration, il y eut comme un temps d’arrêt, une sorte de repos général dans la succession du travail philosophique. Seulement quelques savants isolés ouvraient dans l’ombre des voies nouvelles à l’économie sociale. Les plus éminents ont été Fourier et Saint-Simon. Le tort principal des purs socialistes était de se séparer du mouvement révolutionnaire » (p. 16).
Mais après 1830, « le bon sens populaire eut bientôt découvert le vice de ces combinaisons conçues en dehors de la vie du peuple. On commença à comprendre que la seule alliance des idées nouvelles avec les traditions révolutionnaires donnerait aux unes comme aux autres le pouvoir de vivre et de se répandre dans la société pour la transformer. Socialistes et révolutionnaires ont compris que la révolution sociale ne peut se faire sans la révolution politique, ni la révolution politique sans la révolution sociale ; ou mieux encore, qu’il n’y a qu’une Révolution, à la fois politique et sociale.
« Cette tendance devient de jour en jour plus manifeste. Elle s’est montrée, au milieu de l’insurrection, sur le drapeau des Lyonnais : Vivre en travaillant ou mourir en combattant ! Elle se montre chaque jour dans l’avidité inquiète avec laquelle les plus actifs et les plus intelligents des travailleurs, les plus ardents des révolutionnaires acceptent des essais informes de théories sociales, pourvu qu’elles s’annoncent au nom de l’Égalité. Elle se montre dans une foule de publications qui bravent les lois sur la presse. Elle se montre dans la grande et heureuse tentative de refaire, au XIXe siècle, comme on avait fait au XVIIIe, une Encyclopédie sérieuse et vraiment nouvelle. C’est ainsi que se prépare l’avènement de la démocratie » (pp. 17-19).
« Et il faut faire pour la démocratie ce que les propriétaires et les capitalistes ont fait, et font encore pour la monarchie bourgeoise. Il faut diriger dans le sens populaire la philosophie, l’économie sociale et la politique, en nous servant des travaux de tous nos devanciers et en prenant pour but l’Égalité » (p. 19).
« Il ne s’agit pas de proclamer tout d’une pièce une organisation sociale tout entière, qui posera dès aujourd’hui la règle invariable de toutes les relations sociales et politiques ; il ne s’agit pas de formuler une loi inflexible, à laquelle devra se soumettre la société, sous le bon plaisir et la garantie de tel ou tel dictateur. Ainsi se formerait tout au plus quelque secte éphémère, quelque petite société dans la grande société, une excroissance parasite sur l’arbre social.
« Il s’agit de consulter la conscience universelle et d’interroger le Peuple sur son sentiment, puis d’exprimer en idées et en principes le sentiment populaire, qui est toujours juste. Le Peuple, en recevant ces formules, ces manifestations de la conscience et de la pensée individuelle, se les assimile ; et il les transmet, ainsi sanctionnées, à de nouveaux penseurs qui en déduiront toutes les conséquences. Ainsi la science se fait."
Pour situer Celliez, on pourrait dire qu’il recherchait une synthèse où se seraient fondus le babouvisme et le saint-simonisme, c’est-à-dire une science sociale révolutionnaire.
Ce qui est certain c’est que sa brochure ne passa pas inaperçue. Le sous-secrétaire d’État au ministère de l’Intérieur, Léon de Malleville, écrivait en effet à son sujet, le 13 octobre 1840 : « Le style de cet écrit ne manque pas d’une modération calculée qui, peut-être, ne permettra pas à l’autorité judiciaire de diriger des poursuites contre son auteur ». Il en fut ainsi.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article28293, notice CELLIEZ Henry [CELLIEZ Jules, Pierre, Henry] ou CELLIEZ Henri ou CELLIER Henri, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 20 février 2009.

SOURCES : Arch. Nat., BB 18/1357, P. 998 (il s’y trouve un exemplaire de la brochure, Devoir des révolutionnaires, dont un autre appartient à la Bibliothèque nationale) — Bibl. Nat., 8° Lb51 3212. — ; Bibl. Arsenal, Fonds Enfantin, ms. 7 669/53 et 7 789/22. — Procès de Théophile Thoré, auteur de la brochure intitulée La Vérité sur le parti démocratique, Paris, au Journal du Peuple, 1841, 61. — Bert Andréas, Jacques Grandjonc, Hans Pelger, Unbekanntes von Friedrich Engels und Karl Marx. Teil I : 1840-1874, Trier, 1986, p. 147. — Jacques Grandjonc, Communisme/ Kommunismus/ Communism. Origine et développement international de la terminologie communautaire prémarxiste des utopistes aux néo-babouvistes, Trier, Karl Marx Haus, 1989, p. 215, 247, 409, 483, 512. — Notes de M. Cordillot, J. Grandjonc, G. Lubin, Ph. Régnier, M. Vuilleumier.

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