CHANTÔME Paul (abbé)

Né près de Langres (Haute-Marne) en 1810, mort à Paris le 7 octobre 1877. Journaliste et écrivain. Une des figures marquantes du clergé gagné au catholicisme social sous la Seconde République.

Chantôme fut ordonné prêtre à Langres en 1835. Il fut successivement desservant à Cuves (Haute-Marne) et professeur au petit puis au grand séminaire. En 1839, il passa dans le diocèse de Paris où il se spécialisa dans la prédication. En 1844, il publia son premier ouvrage, Traité complet de la liberté considérée dans ses rapports avec le droit naturel et social. En 1844 ou 1845, il revint dans le diocèse de Langres et tenta alors de fonder un ordre pour l’enseignement et les œuvres charitables destinées à la Chine. En 1847, furent ainsi constitués à Chaumont : « les Prêtres de Marie » et « les Sœurs du Calvaire ». Il songea également à fonder une Institution de jeunes garçons.
Après la révolution de Février, il alla faire de la propagande « socialiste » dans la Haute-Marne, puis il partit pour Rome à pied et fut reçu par le pape, le 28 mars 1848. Il connaissait Buchez, avait des idées républicaines prononcées et faisait partie de ce groupe de prêtres qui, après le 24 Février, crurent à la possibilité de souder au catholicisme les conceptions socialistes modernes que la République semblait devoir réaliser. Avec quatre membres de sa congrégation qui avait pris le nom de « Société du Verbe divin », il vint, en mai 1848, s’installer entre le Panthéon et le Luxembourg. Son idée était de participer à la révolution démocratique et sociale et de lui donner une impulsion chrétienne. Il publia alors un Projet raisonné d’une Constitution française, puis il ouvrit un « Cours public de droit politique et social au point de vue catholique et social », d’abord, 8, rue Saint-Hyacinthe-Saint-Michel, plus tard, 3, rue des Maçons-Sorbonne. Il fut aussi orateur dans les clubs où « sa parole brûlante, son geste théâtral, ses discours radicaux » le firent remarquer et souvent critiquer.
Il s’occupa de répandre dans la presse ses idées démocratiques et sociales. Il songea à reprendre la Revue du Monde catholique qui paraissait depuis 1847, et à la rendre hebdomadaire. L’Ère nouvelle en publia le prospectus : « Le mouvement nommé socialiste agite le monde et tient en éveil tous les regards. La Revue en fera l’objet d’une étude spéciale et, dans la publication d’un cours de Droit social que fait à Paris M. l’abbé Chantôme, elle exposera et discutera les doctrines socialistes des saint-simoniens, de Fourier, de Proudhon, de Cabet, de Robert Owen, de Pierre Leroux, de Louis Blanc, etc., et elle donnera une solution des problèmes socialistes au point de vue du catholicisme et du progrès. »
D’autre part, sous le titre « Statistique des partis en France », l’abbé Chantôme faisait paraître plusieurs articles dans L’Ère nouvelle. Il y expliquait que le rôle des catholiques sociaux était de « raffermir toutes les grandes bases de l’ordre social, la famille, la propriété, la liberté », et de « s’emparer de tout ce que le socialisme a de certain, d’utile, de progressif, le dépouillant ainsi de son plumage d’emprunt. »
À la fin de 1848, il adhéra aux idées défendues par Arnaud de l’Ariège. Il finit par faire paraître sa propre publication, la Revue des Réformes et du Progrès, un hebdomadaire qui eut 25 numéros entre juin et décembre 1849. À vrai dire, il y agitait plutôt des problèmes politiques que des questions sociales. Il y publia un article intitulé : « Monsieur Proudhon et le catholicisme », étude critique des Confessions d’un Révolutionnaire. Proudhon y était qualifié de « mauvais génie de la Révolution », toutefois bien préférable « aux Thiers, aux Odilon Barrot, aux Falloux, aux Montalembert, qui veulent nous enchaîner à l’État ». Par ailleurs, il affirmait sa soumission à la hiérarchie ecclésiastique. Pour remédier à la misère ouvrière, il suggérait de décongestionner les agglomérations industrielles, de lutter contre l’isolement du travailleur, contre la concurrence illimitée, contre l’usure, contre le chômage. Il proclamait le droit au travail et rejetait le communisme. Il préconisait des associations ouvrières « tournées vers l’agriculture ». La revue servit de refuge aux catholiques de L’Ère nouvelle, Rendu, Arnaud de l’Ariège. Elle eut encore comme collaborateurs Gilliot Alphonse et Calland Victor. Un article de Chantôme réclamant une réforme profonde de l’Église inquiéta l’épiscopat. Il refusa de s’incliner et fut frappé d’interdit à Paris, condamné par le pape, frappé enfin d’interdit par l’officialité de Langres, le 2 janvier 1850.
Il ne renonça pas à la lutte. Après avoir rédigé en mai 1849 le Rouge. Journal de la démocratie et du socialisme chrétien et le Démocrate. Journal de la réforme sociale qui ne dépassèrent pas le stade du spécimen, il avait lancé, depuis le 15 novembre 1849, avec le Père jésuite Loubert, avec Leray Anatole, avec l’abbé Héraudeau, Le Drapeau du Peuple, journal de la démocratie et du socialisme chrétien, au conseil de rédaction duquel figuraient 25 ouvriers. Chantôme y défendait la réconciliation du socialisme et de la religion, le droit au travail, l’abolition de l’intérêt du capital, la complète liberté d’association. Le journal végéta, puis sombra en juin 1850. Arnaud avait rompu avec Chantôme depuis que celui-ci avait été frappé par la hiérarchie.
Dès lors, Chantôme cessa toute action publique et, le 8 décembre 1852, il fit sa soumission à Mgr Sibour, archevêque de Paris. En 1853, il prêcha l’Avent à Saint-Merry ; en mai 1855, il fut nommé curé de Bry-sur-Marne (Seine).
Voir Arnaud* (de l’Ariège), Buchez Philippe*, Chevé*.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article28434, notice CHANTÔME Paul (abbé), version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 20 février 2009.

ŒUVRES : De la liberté. Premier traité. Première partie : Traité complet de la liberté d’éducation considérée dans ses rapports avec le droit naturel et social, Paris, 1844, in-8°, 351 p. — Projet raisonné d’une constitution française ou Études constitutionnelles. 3e série Réformes politiques et sociales, Paris, 1848, in-8°, 80 p. — La politique catholique. Solution du problème de politique générale posé à notre époque, Paris, 1862, in-8°, 252 p.
Il annonça en outre un traité qui ne semble pas avoir été publié : Solution du problème social ou le socialisme catholique.
Articles dans les journaux : L’Ère nouvelle (1848), Revue des Réformes et du Progrès (juin-décembre 1849), Le Drapeau du Peuple, journal de la démocratie et du socialisme chrétien (15 novembre 1849-juin 1850).

SOURCES : J.-B. Duroselle, Les Débuts du catholicisme social en France (1822-1870). — Note de R. Skoutelsky.

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