CHEVALIER Jean-Baptiste [Vosges]

Né à Saint-Dié le 13 janvier 1801. Disciple de Mathieu d’Épinal, ardent républicain communiste de la monarchie de Juillet.

Il était le fils de Chevalier Nicolas, huissier près le tribunal de Saint-Dié. Lui-même devint avoué dans sa ville natale. Il resta célibataire, mais adopta deux enfants qui portèrent son nom.
Nous ne connaissons ses débuts que par sa profession de foi de 1848 (Annuaire général des Vosges, 1886, pp. 95-96.)
« Carbonaro depuis 1819 jusqu’en 1830, affilié à une nouvelle société secrète depuis cette époque jusqu’en 1835.
« En 1830 et le 1er août, je proclamai, seul dans les rues de Saint-Dié, la chute de Charles X ; seul j’arborai le drapeau tricolore à nos clochers et à l’Hôtel de Ville, malgré le général Guye, alors maire de la ville.
« Durant six ans, ma maison fut l’hôtel des proscrits de tous les pays [...] J’accompagnais jusqu’à la frontière les réfugiés qui allaient insurger la Savoie ; j’accompagnai Valentin, connu de quelques-uns de vous, se rendant à Heidelberg pourra mener [en France] les papiers de la diète, qui y étaient cachés... »
On ne reproduira pas davantage de cette profession de foi, succincte mais exacte, semble-t-il, car, à partir de 1830, on possède sur lui des renseignements plus précis.
Dès le 26 février 1831, l’on trouve en effet sa signature dans le journal républicain La Sentinelle des Vosges, créé par Mathieu d’Épinal et ses camarades. Il y signait, tantôt de son nom, tantôt de l’initiale C., des correspondances datées en général de Saint-Dié. Son premier article, du 26 février 1831, signé en toutes lettres, était un article sans titre où il affirmait que la monarchie nouvelle « serait une halte dans la boue, si nous n’obtenions bientôt des institutions largement libérales, en harmonie avec les besoins du menu peuple qui forme la classe des travailleurs ». Ses autres correspondances manifestaient, en outre, une hostilité marquée envers les frères ignorantins (7 novembre 1832) et le clergé (12 janvier 1833).
La Sentinelle des Vosges nous apprend encore que Chevalier avait participé, avec la délégation vosgienne, au banquet patriotique de l’Est, à Nancy, qui compta 400 convives, dont un certain nombre de Polonais.
En 1832, un rapport de police le signalait parmi la société de jeunes gens fréquentant, à Saint-Dié, chez Aubry, et en relations avec Paris. Il était en effet affilié à la vente spinalienne de la Charbonnerie démocratique universelle, et, naturellement, à la Société des Droits de l’Homme qui était, à Épinal, la couverture de la vente. Le sous-préfet de Saint-Dié le décrivait ainsi à son supérieur dans un rapport du 9 mai 1834 : « Ce républicain est morose, misanthrope, il est sans considération, sans influence [...] il a peu ou point d’amis. Seulement depuis quelque temps, il emploie des ouvriers maçons et charpentiers à sa ferme, près de cette ville. Ceux-ci lui montrent peut-être quelque dévouement en ce moment, mais une fois leur travail achevé, ils ne penseront pas plus à Chevalier qu’à ceux qui les ont employés précédemment ». Le lieutenant de gendarmerie reçut l’ordre de surveiller Chevalier, conjointement avec le commissaire et un agent, ancien militaire, appariteur de la ville. Une dépêche de Paris, du 6 mai 1834, signalait qu’il avait tenu à un émissaire des sociétés républicaines, chargé de l’embauche des sous-officiers, des propos sur une insurrection armée, avant que ne soit connu le résultat des événements de Lyon et de Paris. À la suite de l’insurrection de ces deux villes, Mathieu d’Épinal fut arrêté. On perquisitionna chez lui sans trouver grand-chose, car il avait tout brûlé. Un carbonaro, Meunier, courut aussitôt à franc étrier à Saint-Dié pour prévenir Chevalier qui s’empressa de détruire les papiers compromettants. Il fut interrogé par le juge d’instruction, mais échappa au Procès d’avril.
Durant toute la monarchie de Juillet, Chevalier resta fidèle à ses idées républicaines. Il représenta les déodatiens au banquet réformiste d’Épinal, en 1847, et s’opposa au toast dynastique. En 1848, il fut l’un des neuf candidats de la Solidarité populaire électorale des Vosges. Après les Journées de Juin, il devint plus que jamais suspect et le commissaire de Saint-Dié, signalant le 6 octobre un certain Grandidier, en raison des propos malveillants qu’il aurait tenus, notait qu’il était « sous la domination du nommé Chevalier, avoué au faubourg Saint-Martin. » Cette surveillance policière alla s’accentuant, et le lieutenant de gendarmerie de Saint-Dié déclarait, le 9 août 1851 : « Les nommés Dubois et Chevalier sont les chefs du parti socialiste de Saint-Dié. Ils ont des rapports avec les chefs de ce parti dans les localités voisines. Ces hommes agissent très discrètement et font, à ce qu’on m’a assuré, une propagande assez étendue ; ainsi il paraît que Chevalier possède chez lui des ouvrages socialistes en assez grand nombre, qu’il prête aux paysans pour les lire, et il leur en donne d’autres quand ils rapportent les premiers. »
Le sous-préfet de Saint-Dié considérait, le 21 décembre 1851, Chevalier comme faisant partie des individus dangereux, « orateurs de cabarets [...] liseurs de journaux qu’ils ne comprennent pas ». D’autres rapports le présentaient comme affidé de la « Propagande démocratique et sociale ». Aussi la Commission mixte n’hésita-t-elle pas à le faire transporter en Afrique.
Le vieil avoué se montra faible devant l’épreuve. Il semble avoir demandé sa grâce, à moins que le recours en grâce ne soit le fait de son beau-frère Jardel-Chevalier qui, le 13 mai 1852, écrivait à son sujet au préfet : « C’est sans contredit, Monsieur le préfet, un des hommes les plus philanthropes du département. Son plus grand crime est d’avoir, par ses satires, froissé quelques amours-propres qui ne le lui pardonnent pas. » Le préfet répondit le 15 mai qu’il ne pouvait ni ne voulait intervenir. Cependant, lorsque Paris transmit au chef de l’administration le véritable recours en grâce, le préfet répondit, le 2 octobre 1852. Après avoir remarqué que Chevalier était « un des principaux meneurs du parti démagogique dans l’arrondissement de Saint-Dié », il convenait « que la leçon qu’il a reçue en décembre dernier a pu opérer dans son esprit une transformation complète » et ne s’opposait pas à son retour sous condition d’être astreint à la surveillance.
Au début de mars 1853, Chevalier rentrait à Saint-Dié. L’année suivante il assistait à un banquet clandestin. On perd ensuite sa trace...
Voir Aubry*, Ballon Arthur*, Camet*, Cavayé*, Dubois Jean-Baptiste*, Febvrel fils*, Georgé Joseph*, Grandidier*, Mathieu d’Épinal*.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article28678, notice CHEVALIER Jean-Baptiste [Vosges], version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 15 novembre 2022.

ŒUVRES : Articles de journaux, notamment dans La Sentinelle des Vosges (1831-1833). La collection de ce journal appartient à J.-M. Janot. On n’en trouve pas d’exemplaires aux archives départementales, ni au département des périodiques de la Bibliothèque Nationale.
« Profession de foi » (de 1848) (Annuaire général des Vosges 1886, p. 95-96.)

SOURCES : Arch. Dép. Vosges, 8 M 14, 8 bis M 5, 8 bis M 20, 12 M 12. — Arch. Dép. Meurthe-et-Moselle, série U ; Correspondance du procureur général de Nancy.

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