CONSTANT Alphonse, Louis, dit l’abbé CONSTANT, dit Éliphas LÉVI

Par Notice revue et complétée par Michel Cordillot

Né en 1810 à Paris, mort en 1875 à Paris. Séminariste, puis diacre, dessinateur, publiciste. Républicain, socialiste, membre de divers clubs en 1848, puis promoteur de la théosophie.

Fils d’ouvriers, il fut élève au petit séminaire de Saint-Nicolas, comme son ami et contemporain Esquiros*, puis de Saint-Sulpice. Quelques jours avant son ordination, il abandonna la carrière ecclésiastique pour une histoire d’amour alors qu’il occupait déjà les fonctions de diacre.
Il vécut alors de ses talents de dessinateur en collaborant, aux côtés d’Esquiros notamment, à une éphémère publication mensuelle intitulée Les Belles Femmes de Paris. Il fit également à cette époque la connaissance de Flora Tristan*.
Dans les derniers jours de juillet 1839, désespéré et en proie à une crise religieuse, il se réfugia à l’abbaye de Solesmes (Sarthe), où il revêtit le 31 octobre l’habit de moine.
Il quitta Solesmes le 26 août 1840, avec l’espoir d’obtenir une place à Saint-Nicolas. Mais parce qu’il était — à juste titre — soupçonné de sympathies pour les idées nouvelles, Mgr Dupanloup s’opposa personnellement à cette nomination. La publication en 1841 de La Bible de la Liberté, message d’amour et de libération adressé aux victimes de la société dans la tradition de Lamennais et Esquiros, lui valut d’être traîné en procès et condamné à 8 mois de prison. (ou 1 an de prison et 200 francs d’amende).
Du fait d’une formule journalistique de Sebastian Seiler, répandue en allemand, en français et en anglais, Constant passe vers 1843-1844 avec Étienne Cabet*, W. Weitling et Pierre-Joseph Proudhon* pour l’un des « quatre évangélistes du communisme moderne ».
Rendu à la liberté, il trouva refuge auprès de l’Évêque d’Évreux, Mgr Olivier, après avoir changé de nom. Mais la protection de ce dernier cessa au lendemain de la publication de La Mère de Dieu (Paris, Gosselin, 1844), une épopée religieuse et humanitaire.
Proche de Flora Tristan par sa foi révolutionnaire et ses convictions féministes (quand bien même cette dernière critiquait son « égoïsme »), il publia en 1845 un opuscule abusivement intitulé L’Émancipation de la Femme, ou le testament de la paria, ouvrage posthume de Mme Flora Tristan, complété d’après ses notes et publié par A. Constant (Paris, in-16, 128 p.) dont il était en réalité le véritable auteur. L’année suivante, il noua des liens avec le mouvement phalanstérien.
Le 3 février 1847, suite à la publication à 2 000 exemplaires d’un brûlot intitulé La Voix de la Famine (Paris, Ballay aîné, 1846, in-8°, 32 p.), il comparut, une nouvelle fois devant les assises de la Seine sous la triple prévention « d’avoir excité à la haine et au mépris du gouvernement du roi, d’avoir cherché à troubler la paix publique en excitant à la haine contre diverses classes de la société, d’avoir excité à la haine envers une classe de personnes ». Il fut condamné à un an de prison et 1 000 francs d’amende. Voir Ballay Antoine*, Legallois Auguste*, Maistrasse Auguste*
Une fois sa peine purgée, il reprit langue avec les fouriéristes et cosigna un texte sur la Pologne avec Lamennais.
Le 29 février, au lendemain de la chute de Louis-Philippe, A. Constant adressa une lettre à Cabet* (qui le qualifia un jour de « Babeuf mystique ») pour regretter les polémiques passées et pour réaffirmer sa foi dans un communisme qui ne serait ni violent, ni agressif (Le Populaire, série spéciale, n°4 du 2 mars 1848). Il se présentait alors comme marié et père de famille. Effectivement il avait épousé en 1846 la sculptrice Claude Vignon, Noémi Cadiot, fille de Louis-Florian Marcellin, ancien sous-préfet et homme de lettres, et de Madame, née de Montbarbon. Veuve, Noémi épousera Maurice Rouvier. Entre le 16 mars et le 8 avril, Constant publia sans grand succès une feuille communiste qui était l’organe du Club de la Montagne, Le Tribun du Peuple. Organe des Travailleurs. (Bibl. Nat., Lc 2/1728.). Cette feuille n’eut au total que 4 numéros tirés à 500 exemplaires. Ce journal reparut toutefois en mai sous le titre de La Montagne de la Fraternité, avec de prestigieux collaborateurs tels que Proudhon*, George Sand*, Lamennais, ou Esquiros (4 numéros tirés à 1 000 exemplaires parus entre les 5 et 14 mai). Il portait en épigraphe ces deux questions : « Qu’a été le peuple ? Rien ! ... Que doit-il être ? Tout ! »
A. Constant fut également un clubiste actif. Son nom figurait sur la liste des citoyens admis comme membres de la Société républicaine centrale de Blanqui publiée le 10 mars par le Courrier français. Il fut par ailleurs élu président du Club de la Montagne (dont la secrétaire était une Mme Constant, sans doute son épouse Marie-Noémie), et participa assidûment aux côtés de sa femme aux réunions du Club des Femmes d’Eugénie Niboyet*. Il se distingua par ses interventions vigoureuses et imagées, et la phrase suivante lui a été attribuée : « Nous ferons bouillir le sang des aristocrates dans les chaudières de la Révolution et nous en ferons du boudin pour rassasier les prolétaires affamés. »
Il semble avoir abandonné toute activité politique après le 15 mai.
En 1853, A. Constant devint le mage Éliphas Lévi et fut longtemps une des figures de proue des milieux liés à la théosophie, publiant de nombreux ouvrages ésotériques.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article29026, notice CONSTANT Alphonse, Louis, dit l'abbé CONSTANT, dit Éliphas LÉVI par Notice revue et complétée par Michel Cordillot, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 10 février 2020.

Par Notice revue et complétée par Michel Cordillot

œUVRE : Outre les titres décrits ci-dessus, on retiendra encore Le Deuil de la Pologne, protestation de la démocratie française et du socialisme universel, par F. Lamennais et A. Constant, Paris, Bellay aîné, 1847, in-8°, 16 p. — Rabelais à la Basmette, Paris, Librairie phalanstérienne, 1847, in-12, VIII-95 p. — La Marseillaise du peuple Février 1848. Le Règne du peuple, Paris, slnd, in-8°, 4 p.— Le Testament de la liberté, Paris, J. Frey, 1848, in-8°, 219 p.

SOURCES : (Outre les œuvres citées) Gazette des Tribunaux, 9 février 1847. — Procès de la Bible de la Liberté recueilli à l’audience par Jules Thomas, Paris, Pilout, 1841. — A. Lucas, Les Clubs et les clubistes, Paris, Dentu, 1851. — Flora Tristan, Lettres, présentées et annotées par Stéphane Michaud, Paris, Seuil, 1980. — Paul Chacornac, Éliphas Lévi rénovateur de l’occultisme en France (1810-1875), Livarot, France-Ouest Imprimerie, 1989 (Réimpr. de l’édition de 1926. Jacques Grandjonc, Communisme/ Kommunismus/ Communism. Origine et développement international de la terminologie communautaire prémarxiste des utopistes aux néo-babouvistes, Trier, Karl Marx Haus, 1989.

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