CREVAT Victor

Par Notice revue et complétée par J. Risacher

Né vers 1809, à Pontarlier (Doubs). Commis négociant, Républicain actif, quarante-huitard.

Victor Crevat avait participé à toutes les émeutes qui avaient eu lieu à Paris depuis 1830. Il demeurait 12, rue Saint-Denis (IVe arr., maintenant Ier), où il vivait avec la demoiselle Lecœur. Membre de la Société des Droits de l’Homme à Paris, il en était commissaire de quartier du IVe arrondissement (ancien) et l’un de ses dossiers de la Cour des pairs contient l’un de ses rapports sur sa circonscription du 15 janvier 1834.. Accusé d’avoir envoyé, avec Alexandre Yvon, autre commissaire de quartier du IVe arrondissement, des paquets de cartouches à d’autres commissaires : Louis Aubert*, Brogniac*, Mercadier*, Crevat fut arrêté avant les journées insurrectionnelles, dès le 26 mars 1834. Incacéré à La Force le 31 mars où il fut mis au secret jusqu’au 8 avril, il vécut le ballet des transferts successifs entre La Force et Sainte-Pélagie, où il arriva le 15 juin, en repartit le 30 septembre, y revint le 2 ou le 19 décembre 1834, selon les registres. Il séjourna du 4 au 9 mai 1835 à la maison de justice du Petit-Luxembourg pour comparaître devant la Cour des pairs lors des premières audiences, et fit partie des évadés de Sainte-Pélagie du 12 juillet 1835, dont le chiffre varie selon les sources de 23 à 28. Resté à Paris, contrairement à la plupart de ses compagnons d’escapade, il ne put que constater l’importance de la répression et les nombreuses arrestations dont il n’avait pas été témoin, étant déjà sous les verrous. Il tenta de reconstituer les moyens de la lutte et de rétablir les contacts parmi les rescapés. Il fit par écrit le compte rendu de ses efforts à Hubin de Guer*, toujours incarcéré à Sainte-Pélagie, et confia sa lettre à Spirat* qui avait apparemment des moyens de communication avec les prisonniers. Mais la lettre fut interceptée et devint l’une des pièces maîtresses utilisées par la police, à laquelle elle fournit des pistes d’arrestation et à la justice, d’abord à travers le procès des poudres et plus tard avec le fameux Rapport Mérilhou, rédigé à l’occasion des journées insurrectionnelles de mai 1839. Victor Crevat fut arrêté quelques mois plus tard et réintégra Sainte-Pélagie le 27 novembre 1835. De nouveau parti au Petit-Luxembourg du 8 au 22 janvier 1836, après s’être vu refuser le soutien du défenseur F. D. Demay*, puis octroyer celle d’Alexandre Plocque*, il fut condamné le 22 janvier à 10 ans de détention et à la surveillance à vie. Il fut conduit dans la citadelle de Doullens le 29 janvier 1836.
Mais, fidèle à lui-même, il s’évada de nouveau avec seize autres prisonniers le 19 octobre 1836. Grâce à une chaîne de solidarité, il parvint en Belgique. Nous ne savons pas s’il fut amnistié en mai 1837, comme les non contumaces, ou en avril 1840 comme les contumaces. Nous ne connaissons pas non plus la date de son retour en France où l’on retrouve sa trace comme inculpé dans l’attentat du 15 octobre 1840, avec une note de police qui le désigne bien comme « condamné politique amnistié ».
On le signale ensuite à Troyes (Aube), comme directeur d’une compagnie d’assurance pour le remplacement militaire en 1847. . En février 1848 il rejoignit les montagnards de Caussidière à la préfecture de police de Paris. Membre de la Société Républicaine Centrale avec laquelle il rompit, il fut nommé commissaire du gouvernement après février 1848 à Troyes avec Lignier* et Labosse*, et se présenta en vain en avril aux élections.
Il fréquenta dans ses nouvelles fonctions troyennes, en 1848, tous les clubs ouvriers de la ville. Il y acquit la réputation d’un tribun hardi, d’un Montagnard aux convictions solides. Il chercha, en particulier, à s’appuyer sur les ouvriers lors des élections de la garde nationale. Décidé à empêcher l’élection d’officiers réactionnaires, il recula la date du scrutin et laissa se développer une manifestation ouvrière qui eut lieu devant l’Hôtel de Ville, le 9 avril. Des coups de feu furent tirés et deux ouvriers tués. Étienne Arago*, venu de Paris pour enquêter, le révoqua de ses fonctions le 13 ; il avait déjà démissionné le 11.
Crevat continuait cependant à s’adresser aux ouvriers au Salon de Mars, siège du club des Amis du Peuple, et se présenta aux élections du 23 avril. Il obtint 2 694 voix.
On peut se faire une idée de sa popularité relative et de ses idées par ce compte rendu de La Voix du Peuple du 19 mars : « 3 000 à 4 000 personnes dans la salle du Salon de Mars pour entendre le citoyen Crevat [...], l’homme de la Révolution par le Peuple pour le Peuple. En lui, les privilégiés ont un ennemi acharné et sans pitié, et le peuple, le peuple ouvrier, le peuple que l’on a tant oublié et tant calomnié, un ami sincère et dévoué [...] sur lequel il peut compter ».
Voir Lefèvre*, Masson-Royer*, Pilon-Worbel*, Sallart*.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article29286, notice CREVAT Victor par Notice revue et complétée par J. Risacher, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 28 mai 2016.

Par Notice revue et complétée par J. Risacher

SOURCES : Cour des pairs, Affaire du mois d’avril 1834. Rapport fait à la Cour des pairs par M. Girod (de l’Ain), Imprimerie royale, Paris, 1834-1836. — Tableau synoptique des accusés d’avril jugés par la cour des pairs établi par Marc Caussidière, Lyon, imprimerie de Boursy fils, 1837, Arch. Nat. BB 30/294, Bibl. Nat. in-4° Lb 51/24984. — Cour des pairs. Procès politiques, 1830-1835, Inventaire dressé par J. Charon-Bordas, Paris, Archives Nationales, 1983, CC 592 d 1 n° 7 ; 616 d 1 ; 774 n° 57. — Le National, 28 octobre 1836. — Gazette des Tribunaux, 29 octobre 1836. — Le Propagateur de l’Aube, n° 43, 2 mars 1848. — La Voix du Peuple, 19 mars 1848. — Marc Caussidière, La Révolution de février. Mémoires de Caussidière, ex-préfet de police et représentant du peuple, Bruxelles, Société Typographique Belge, 1849, p. 296. — Notes de J. Grandjonc, R. Shapira, J.-C. Vimont.

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