CUTIVEL Jean-Michel

Par Gauthier Langlois

Né le 24 juillet 1810 à Chêne-Thônex (actuellement Thônex, canton de Genève, Suisse), mort le 23 août 1858 à Oberachern dans le duché de Bade (actuellement Achern, Baden-Württemberg, Allemagne) ; tanneur à La Suze-sur-Sarthe (Sarthe) ; veuf, insurgé de la Suze, les 4, 5 et 6 décembre 1851, réfugié à Jersey puis dans le duché de Bade.

Il naquit dans la banlieue de Genève, canton de Léman, alors possession de l’Empire français, de Jean-Louis Marc, tanneur âgé de 31 ans et de Jeanne Élisabeth Combe, son épouse. Installé en France, il francisa son prénom en Jean-Michel.

En 1846 Jean-Michel Cutivel était tanneur à Paris au 18 et 20 rue de Grenelle-Saint Honoré (IVe arr. ancien, actuellement rue Jean-Jacques Rousseau Ier arr.). Il déposa cette année là un brevet pour une application de la chaleur artificielle au tannage des cuirs. En 1851 il était associé à Trouvé Chauvel dans l’exploitation de la tannerie de Suze-sur-Sarthe qui comptait 300 ouvriers.

Opposant au coup d’État du 2 décembre 1851, il fut, avec son associé, l’un des deux chefs l’insurrection républicaine de la Suze, les 4, 5 et 6 décembre 1851. Recherché pour ce fait, il avait réussi à s’enfuir. En janvier 1852 les autorités publièrent, par voie de presse et d’affiches, l’avis de recherche suivant :

« Le gouvernement vient de donner l’ordre de faire rechercher et arrêter partout où elles seront trouvées les personnes dont les noms suivent :
1. Trouvé Chauvel ex-banquier ex-ministre, âgé de 45 ans ;
2. Jean-Michel Cutivel, âgé de 40 ans ;
3. [Félix] Pierre, ex-greffier de justice de paix, âgé de 43 ans ;
4. Veillard-Lebreton, ex-limonadier, âgé de 34 ans ;
5. Trouvé-Freslon tanneur, âgé de 47 ans ;
6. Édouard Trouvé, commis de banque ;
7. Silly, ex-rédacteur de journal ;
8. [Jean] Milliet, ex-capitaine de la garde nationale, âgé de 50 ans ;
9. Sylvain Parfait Fameau, avoué, âgé de 43 ans.
Des mandats d’amener ont été décernés contre ces neufs personnes, qui ont pris la fuite et qui sont inculpées d’être auteurs ou complices de l’insurrection qui a eu lieu à La Suze (Sarthe). »

Malgré les efforts des autorités Cutivel échappa à l’arrestation. Aussi, la Commission mixte de la Sarthe, entérinant un état de fait, le condamna par contumace à la déportation en Algérie. Elle motiva sa décision par les attendus suivants :
« Considérant, en ce qui concerne le sieur Cutivel, qu’il était le chef de la tannerie de la Suze et que c’est sous son autorité, d’après ses ordres exprès, et d’après la menace même qu’il a faite de ne pas continuer l’ouvrage à ceux qui n’obéiraient pas, que les ouvriers ont pris les armes et qu’il a ainsi non seulement toléré, mais formellement commandé l’insurrection, abusant pour le mal du pouvoir que sa position lui donnait, la commission, etc. »

Jean-Michel Cutivel choisit, avec ses compatriotes Sylvain Fameau, Trouvé Chauvel, Veillard-Lebreton, Louis Lair et Philippe Faure, de se réfugier à Jersey. Pendant ce temps, la tannerie qu’il dirigeait périclitait. Selon Pascal Duprat, qui écrivait en septembre 1852, « L’éloignement de Cutivel a eu pour résultat la chute d’un établissement considérable. Plus de chef, plus d’industrie. C’est la vie qui se retire de tout un canton ; c’est le pain qui échappe à plus de 300 ouvriers, ainsi qu’à leurs familles... »

Cutivel bénéficia, le 2 janvier 1853, d’une grâce accordée par l’Empereur, mais il ne revint pas en France. Il émigra dans le duché de Bade à Oberachern, non loin de Strasbourg et de la frontière française et germanisa son prénom en Johann Melchior. Dans la ville voisine d’Achern, le 7 décembre 1854, il épousa en seconde noces une jeune fille de 21 ans, Josepha Huber.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article29331, notice CUTIVEL Jean-Michel par Gauthier Langlois, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 25 novembre 2020.

Par Gauthier Langlois

SOURCES : Archives de l’État de Genève, Acte de naissance. — INPI, base brevets du 19e siècle, 1BB4665. — Gazette des Tribunaux, 23 janvier 1852. — Journal de Toulouse, 27 janvier 1852. — Pascal Duprat, Les tables de proscription de Louis Bonaparte et de ses complices, Liège, Redouté imprimeur-libraire, 1852, p. 301. — Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, « Cutivel - Jean Michel », Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier - (Université de Bourgogne/CNRS), [En ligne], mis en ligne le 27 août 2013. — Notes de Pierre Baudrier.

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