DALÈS Alexis

Par Philippe Darriulat

Né le 12 janvier 1813, mort en 1883. Chansonnier.

Alexis Dalès
Alexis Dalès
Communiqué par Philippe Darriulat

Alexis Dalès a trente ans lorsqu’il commence à fréquenter les goguettes parisiennes en 1843. Son frère qui signe ses productions Ambs Dalès est alors une vedette de ces sociétés chantantes dont il préside très souvent les réunions. D’après Bachimont les premières chansons d’Alexis témoignent d’une nette préférence pour les refrains à la gloire du vin et de l’amour plutôt que pour les couplets engagés : « Paralysant notre muse française/ La politique occupe nos esprits/ Et, s’enfuyant devant la Marseillaise/ La gaudriole émigre avec les rois ».

Pourtant en 1844 il participe au recueil La Chanson de nos jours qu’ont réalisé Charles Gille et Charles Regnard. Dans « Mes Chansons », tout en affirmant préférer la « gaudriole » à la « gloire » il dit sa déception face au régime issu de la Révolution de juillet, et dans « Le Pavé des rois » il s’indigne de voir Paris touché par la misère, le vice et l’hypocrisie des classes dirigeantes. La même année il se moque dans Le Parasol marocain du bien pâle trophée ramené par les soldats français au lendemain de la guerre franco-marocaine (« Nos vieux grognards jadis furent intrépides,/ Pour illustrer l’honneur du nom français ;/ Mais devant c’pépin, ces pauvres invalides,/ Verront pâlir leurs minimes succès »). En 1846, alors qu’un mouvement insurrectionnel a éclaté à Cracovie, il écrit A nous la liberté chant polonais qu’il dédie à Victor Hugo. La grande majorité des titres qu’il écrit à cette époque sont cependant des chansons légères destinées aux sociétés chantantes, aux chanteurs de rues et aux balles des colporteurs, comme La Lyre du ménestrel parisien (Eyssautier, 1845) ou Chansons et romances chantées dans les salons et sociétés lyriques de Paris en 1844. Il est alors une vedette incontestée des sociétés lyriques, dont il préside parfois les réunions, et un membre apprécié de la Lice chansonnière. Marié il semble avoir gardé un goût bien amer de sa vie de couple : « L’ennui s’empara de mon gîte/ Que de l’amour fut délaissé. » (Biographie poétique de Béranger, Paris, Dutertre, 1857). Lorsqu’arrivent les journées de février 1848 il se lance, comme la quasi-totalité des goguettiers, dans la chanson républicaine et sociale. Dans Louis-Philippe et son chien, dans Tapez-moi là-dessus et dans Louis-Philippe et son ami Guizot il ridiculise le souverain renversé et son principal ministre, dans Le Bonnet rouge de Lison – des vers où les allusions érotiques sont nombreuses– il fait l’éloge d’une révolutionnaire de la capitale qui arbore fièrement le couvre-chef des sans-culottes, dans Un lingot d’or à la place du cœur, il dénonce l’égoïsme des riches, dans Peuple que j’aime il manifeste son attachement aux principes républicains et à la mémoire du premier Empire. Il participe à La Lanterne magique républicaine et au Républicain lyrique qui reprennent la plupart de ses chansons écrites depuis février. Très vite cependant il témoigne de son inquiétude devant le cours pris par les événements et craint un retour de la réaction remettant en cause les victoires emportées par « les ouvriers » sur les barricades (Garde à vous ou le danger de la réaction). Il semble qu’il ait été particulièrement affecté, comme beaucoup de ses camarades, par les journées de juin ; à deux reprises il prend la défense des vaincus condamnés à l’exil (les Pontons de la République, 8 février 1849 et Que tu dois souffrir, 9 mars 1849). A partir de cette date, il prend ses distances vis-à- vis de la politique et se consacre presque exclusivement aux refrains légers destinés aux colporteurs et aux salles de cafés-concerts. Les principes affirmés pendant les semaines d’effervescence révolutionnaire dans la Lyre du peuple – éloge du chansonnier s’engageant au côté du peuple contre les salons et les auteurs à la « plume vendue » qui « adulent le vice » - sont vite oubliés.

Paralysé depuis 1848 il a décidé de vivre de ses compositions et propose un nombre considérable de couplets qui lui permettent d’espérer un gain substantiel sans craindre les foudres de la police. Il passe alors dix ans sur une chaise à la maison de santé d’Ivry, mais finit par guérir. On le retrouve dans les recueils de la Lice chansonnière, dans la Lyre parisienne, dans la Bande Joyeuse et dans presque tous les livrets de ce genre, mais aussi dans des recueils de « bons mots ». Il conserve cependant une sensibilité sociale assez marquée et ses vers continuent souvent à dénoncer la misère, la corruption des grandes villes modernes (« Ne quitte jamais ton village », dans La Lyre parisienne, choix des chansons les plus en vogue, Paris, Roger, 1861) ou à prôner l’égalité (« La Boule de neige » dans Écho des concerts, Durand, sd). La fibre patriotique peut le pousser à retrouver des accents plus partisans, notamment lors des guerres de Crimée (Ah ! quel nez !… ou la déconfiture de Nicolas) ou d’Italie. Ce dernier conflit est l’occasion de publier une petite brochure (Les libérateurs de l’Italie, Roger, 1859) où il propose des articles manifestant avec emphase son amour de la France - « O France, ô ma noble patrie ! Tu seras toujours la reine du monde ! Grâce à ton esprit civilisateur… » - et son admiration pour Victor-Emmanuel, Cavour et le maréchal Canrobert, un portrait de ce dernier illustrant cette publication. Une chanson écrite dans la même veine – Le Départ pour l’Italie – introduit ces textes assez martiaux. Chansonnier reconnu il n’est jamais inquiété pendant l’empire et écrit même en 1866 un texte assez servile (Le Quinze août 1866, bouquet poétique).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article29377, notice DALÈS Alexis par Philippe Darriulat, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 24 août 2017.

Par Philippe Darriulat

Alexis Dalès
Alexis Dalès
Communiqué par Philippe Darriulat

ŒUVRE : Il n’existe pas de recueil des chansons d’Alexis Dalès, en revanche, la BNF conserve de très nombreux de ses refrains imprimés sur de petits feuillets.

SOURCES et bibliographie. AN : ABXIX 712 (collection Bachimont). — Marius Boisson, Charles Gille ou le chansonnier pendu (1820-1856), histoire de la goguette, Paris Peyronnet 1925. — Henri Avenel, Chansons et chansonniers, Paris, C. Marpon et E. Flammarion, 1890. — Philippe Darriulat, La Muse du peuple, chansons sociales et politiques en France 1815-1871, Rennes, PUR, 2010 ; Pierre-Léonce Imbert, La Goguette et les goguettiers, étude parisienne, 3ème édition, Paris 1873. — Alphonse Leclercq « Les Goguettes d’autrefois » dans Les Echos parisiens, artistiques et littéraires, n°3, 5 et 7, 1ère année, juin, juillet et août 1873.

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