DEMAY François-Désiré

Par Jean Maitron, Michel Cordillot

Né en 1806 à Méru (Oise) ; à Paris lors des Trois Glorieuses, sous-lieutenant de Juillet ; devenu officier lors de l’instauration de la monarchie de juillet, mène dans les garnisons une intense propagande républicaine ; démocrate-socialiste actif à la suite de la révolution de février 1848.

François-Désiré Demay était le fils d’un laboureur, devenu ouvrier.
Durant son enfance, un de ses grands pères, vieux républicain, fit son éducation politique en l’entretenant des infamies de l’Ancien régime. En 1824, il était clerc de notaire à Beauvais. Lors d’une altercation avec ses collègues au sujet d’un émigré qui entendait récupérer ses biens, il fracassa un buste de Charles X et dut quitter son emploi. De 1826 à 1829, il travailla à Méréville (près d’Étampes).
En 1829, il partit à Paris pour faire son Droit afin de devenir avocat. Il participa aux Trois Glorieuses. Sa conduite courageuse lui valut d’être décoré la croix de Juillet (1830) et lui donna la possibilité d’entrer dans l’armée avec le grade de sous-lieutenant. Peu après, il publia une première brochure, intitulée Un mot sur la crise actuelle, qui dénonçait l’attitude de Louis-Philippe et demandait la convocation d’une assemblée constituante.
Considéré par ses supérieurs comme un élément potentiellement dangereux, il fut éloigné de Paris. Lorsque les événements des 5 et 6 juin 1832 survinrent, il était en garnison dans la Meuse. Le 7, aussitôt que la nouvelle lui parvint, il se mit en route pour aller prêter main-forte aux insurgés.
De retour dans son régiment, il fut envoyé en garnison à Dijon au 52e de ligne, où se livra à une intense activité de propagandiste, distribuant des centaines de brochures et de tracts qui lui étaient envoyés de la capitale. Selon ses dires, il enrôla alors son bataillon tout entier dans les rangs de la Société des Droits de l’Homme, multipliant les démonstrations publiques en faveur de la République (il considérait que c’était en partie grâce à son action que le 52e de ligne avait eu l’honneur d’être proclamé en 1848 le 1er régiment de la République française). Il publia à la même époque diverses brochures extrêmement violentes, frôlant l’appel à la sédition : « rassurez-vous, la garnison de Dijon ne fera pas feu sur le peuple ! Jamais, monsieur, jamais ! Le soldat est armé, entretenu, nourri, payé par le peuple. L’armée sort du peuple. L’armée est le peuple (...) La garnison de Dijon ne se fera pas parricide ... ! Malheur aux chefs assez infâmes pour commander feu ! » (Aux Rédacteurs de la Tribune à Paris et de la Glaneuse à Lyon, paru sans nom d’auteur)
Étroitement surveillé (il subit au total plus de cent cinquante jours d’arrêts de rigueur en trois ans de service), il fut traduit en février 1834 devant un Conseil de guerre pour avoir souffleté le rédacteur en chef d’un journal progouvernemental ; il ne fut condamné qu’à 1 F. d’amende symbolique. Pour la hiérarchie militaire, il n’était pas envisageable d’en rester là. Le 10 mars, il fut convoqué devant une commission d’enquête militaire eu égard à ses activités de prosélytisme révolutionnaire. Une suspension de 3 ans fut prononcée contre lui. Le lendemain, Le Patriote de la Côte-d’Or prenait publiquement sa défense, mais il était trop tard. Demay, qui était sous le coup de deux mandats d’amener, avait donné sa démission et s’était enfui. Durant plusieurs mois, il erra entre la France et la Suisse, avant de revenir s’installer à Dijon vers la fin de l’année.
Il se lança — sans grand succès — dans les affaires comme commissionnaire en marchandises, tout en continuant son activité militante. Lors du procès monstre des insurgés d’avril 1834, il fut l’un des défenseurs désignés par les accusés, mais récusés par la Cour des pairs. Il fut à ce titre compris dans les poursuites intentées à la défense. Il comparut au procès des défenseurs devant la Chambre des pairs le 30 mai 1835 et y affirma que « la place d’un soldat n’est pas dans vos carrefours ni à la porte de vos prisons », phrase qui fut considérée comme un appel à la désobéissance. Il se justifia le lendemain et ne fut pas inquiété. Entre 1835 et 1839, Demay allait néanmoins subir au total plus de vingt procès politiques.C’est ainsi qu’en mars 1836 il fut inculpé avec le colporteur Versey pour avoir exercé une activité de libraire sans autorisation, avoir vendu des gravures, essentiellement les portraits des défenseurs des accusés d’avril et le Discours de Reverchon, accusé de Lyon, devant la Cour des Pairs. Il furent relaxés de ce dernier chef d’accusation mais le premier leur valut à chacun 500 francs d’amende et le deuxième un mois de prison et 100 francs d’amende.
En 1839, fatigué et pratiquement ruiné, il trouva un moyen de réintégrer l’armée. Il fut officier d’administration en Afrique durant quatre ans, puis rentra à Paris, pour y travailler le jour comme fabricant de fleurs artificielles rue de l’Échiquier, le soir comme correcteur d’imprimerie rue d’Enghien. Il réintégra le ministère de la Guerre fin 1843 pour y travailler comme commis-rédacteur. Il demeurait sincèrement républicain, mais avait renoncé à toute forme d’activité politique.
En février 1848, il prit une part active à la Révolution qui renversa Louis-Philippe, mais fut rapidement soupçonneux quant aux intentions réelles du gouvernement provisoire. . Il fut quelques jours préfet de l’Yonne, remplacé par Boulage, beau-frère du ministre Marie. De retour à Méru, il se vit offrir en mars par les républicains locaux la candidature à la députation. Dans sa profession de foi, il réclamait l’éducation gratuite et égale pour tous, l’impôt progressif, la liberté illimitée de parler, d’écrire et de s’assembler et l’abolition de la peine de mort.
Il était alors célibataire et habitait 99, rue Saint-Dominique.

Renvoyé de l’armée le 14 juillet 1849, il travailla brièvement dans un élevage de porcs à Passy avant de retrouver une place de correcteur d’imprimerie. En février 1850, il militait activement au sein du Comité socialiste parisien pour faire élire Vidal, Carnot et Deflotte.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article29777, notice DEMAY François-Désiré par Jean Maitron, Michel Cordillot, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 26 décembre 2020.

Par Jean Maitron, Michel Cordillot

ŒUVRES : Un mot sur la crise actuelle (Paris, Levavasseur, in-8°, 68 p — Aux Rédacteurs de la Tribune à Paris et de la Glaneuse à Lyon, Dijon, février 1834, impr. de Nœllat, in-8°, 8 p., paru sans nom d’auteur — Revue militaire. Le règlement ordonne d’obéir, ou la conversation d’un corps de garde, slnd [Dijon, 28 janvier 1834], in-8°, 8 p. (sans nom d’auteur) ; Protestation des sous-officiers de l’armée. Supplément, Dijon, impr. de Nœllat fils, sd [1834], in-8°, 4 p. — Ma défense devant le conseil d’enquête [10 mars 1834], Dijon, impr. de Nœllat fils, 1834, in-8°, 24 p. — Extrait du journal le Patriote de la Côte-d’Or du mardi 11 mars 1834, Dijon, impr. de Nœllat fils, sd [1834], in-8°, 2 p. ; La Rue Transnonain, ou la Royauté et ses défenseurs, Paris, impr. de Herhan, sd [1834], in-8°, 8 p. — Note secrète, Dijon, impr. de Mme Vve Brugnot, 1835, in-8°, 4 p. — Tout ce qui n’est pas républicain, Dijon, salons littéraires, 1835, in-8°, 16 p. — Il édita également des textes de Cormenin, P.L. Courrier et F. de Lamennais.

SOURCES : Bibl. Nat., Lb 51/2172. — L’Ami de la religion et du roi, 20 mars 1834, p. 363. — Gazette des Tribunaux, 1er juin 1835, 4 mars 1836, p. 438, col. 2. . — Les Murailles politiques de 1848, 17e éd., vol. I, p. 406-412. — La Voix du peuple, 28 février 1850. — Notes de Pierre Baudrier.

ICONOGRAPHIE : Lithographie de Ligny, dans la série des « Défenseurs des prévenus d’avril ».

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