DESJARDINS Guillaume

Par Notice revue et complétée par Jean Risacher

Né vers 1792 à Pont-l’Évêque (Calvados) ; propriétaire ; publiciste républicain d’affinités néo-babouvistes en 1830, sans couleur particulière en 1848.

Sa carrière commença en 1819 avec une intéressante brochure libérale et animée des meilleures intentions à l’égard des peuples libérés d’Amérique latine, Bolivar au Congrès de Vénézuéla. Son rôle aux journées de Juillet lui valut d’être décoré de Juillet. Son rôle fut important au début de la monarchie de Juillet. Il lança d’abord par une affiche in-folio, aussitôt après la révolution, un brûlot dont deux numéros parurent sous le titre : Que le Gouvernement définitif doit s’appuyer sur le peuple. Dans le même sens suivit Du Salut de la France. Il eut un peu plus tard l’idée de reprendre le titre du journal de Babeuf, Le Tribun du Peuple, pour coiffer une série de pamphlets, dont le neuvième et dernier paru (ou dernier existant encore), Les Placards du Peuple, avait seul un ton néo-babouviste très net. Tout devait être fini en 1831, quand Desjardins se réclamait encore de sa qualité de rédacteur en chef du Tribun du Peuple dans Le Peuple et l’Armée.

Là, il s’en prenait au commandant de la place de Paris, qui, dans un ordre du jour, avait dit : « Pour prévenir la fréquentation des militaires avec les classes ouvrières qui se réunissent sur différents points, il est expressément défendu à tous sous-officiers et soldats de la garnison et de la banlieue de stationner sur les places du Châtelet, de la Grève, dans la Cité et sur les quais environnants. »

Il concluait sur l’espoir que l’alliance entre le prolétariat et la « classe moyenne » restait vivante : « Au jour du combat, si le pouvoir redevenait oppresseur et tyrannique, la bourgeoisie admirerait encore le désintéressement et l’intrépidité de la classe ouvrière, l’armée embrasserait encore ses frères du peuple ».

Bien que, d’après des sources policières, il ait vainement essayé de créer une société républicaine en 1831, Desjardins semble avoir adhéré très tôt à la Société des Amis du Peuple et il participa à la tentative de planter l’arbre de la Liberté sur la place de la Bastille, le 14 juillet 1831, où il fut arrêté. Au printemps 1832, demeurant 9, place Saint- Germain-des-Prés (Xee arr., maintenant VIe), il publia avec Félix Avril* la brochure De la Civilisation qui vaudra à ses auteurs poursuites et procès. Le 1er juin 1832, après avoir brisé les scellés apposés par la police sur le local de la SAP, rue Saint-André-des-Arts, il présidait la séance qui fut interrompue par la police et fut arrêté avec 15 à 20 de ses amis. Après quelques semaines à Saint-Pélagie, au procès du 11 août, il fut renvoyé de la plainte par le tribunal correctionnel, le jury d’assises ayant été récusé par la chambre d’accusation.
Dès 1832, Desjardins avait publié la Table des Droits de l’Homme et du Citoyen, ce qui donnerait à penser qu’il n’était pas étranger à l’existence des sections des Droits de l’Homme au sein de la SAP (Voir Auguste Caunes*) et qu’il adhéra à la Société des Droits de l’Homme peu après sa libération. Le 18 septembre, il participait à la création de l’Association en faveur de la presse patriote. Il fut ensuite arrêté du 25 au 30 novembre à la suite de l’affaire du coup de pistolet (19 novembre 1832), sans suite. Puis il fut condamné par défaut avec F. Avril à 2 ans de prison et 3 000 F d’amende, le 12 décembre, pour la publication De la Civilisation et, le 15 du même mois, il était parmi les prévenus du procès du droit d’association qui furent acquittés. Deux procès en assises lui donnèrent encore l’occasion de discours virulents. Celui pour De la Civilisation revint le 22 février 1833 et il fut acquitté. Sa défense fut éditée sous le titre Discours du citoyen G. Desjardins sur la misère du peuple et sur le moyen de l’en préserver, qui eut assez de retentissement pour être réédité à Lyon, en 1834, par la direction de La Glaneuse.. Il s’agit d’un véritable tableau social de son époque. Il démontre à l’aide de chiffres la condition misérable du prolétaire. Il y dénonce l’abus des impôts indirects, la prostitution. Il critique « la condition pire que jamais de l’homme exploité par l’homme » Il propose l’impôt progressif et la division de la propriété, etc. Le second discours fut prononcé le 8 avril 1833, lors du procès des assises où il était prévenu comme chef ou directeur d’une association de plus de 20 personnes. C’était la suite de l’arrestation du 1er juin 1832. Sa défense fut publiée sous le titre Discours du citoyen G. Desjardins sur l’Association républicaine..., par l’association parisienne pour la défense de la presse. Il y défend le droit d’association, proclame la nécessité d’une république représentative, fait l’apologie de la centralisation, insiste sur la nécessité d’une fédération des peuples européens, critique le système américain, etc.Elle fut intégralement reproduite par La Tribune des 11 et 13 avril.
Après avoir signé le manifeste que la SDH publia en octobre 1833, il fut élu au comité directeur de la SDH début novembre 1833, démissionnaire dès le 24. Il aurait souffert, selon certaines sources, d’épilepsie. Une circulaire de la Société des Droits de l’homme et du citoyen, datée de pluviôse, an 42 (janvier 1834), signée de son président Godefroy Cavaignac*, annonçait l’élection de Recurt* en remplacement de Fitot*, celle de François Delente* en remplacement de Guillaume Desjardins et la démission de Jean-Jacques Vignerte*.

Demeurant 31 bis rue de l’Odéon (XIe arr., maintenant VIe), inculpé de complot dans le cadre de la SDH, il rentra à La Force le 12 avril 1834, transféré le 15 juin 1834 dans une maison de santé et bénéficia d’un non-lieu.

Son volume de 1848, De l’Organisation de la Fraternité ou d’une Constitution sociale à donner aux peuples, manque tout à fait d’intérêt.

Tanka G. Tremblay qui travaille sur la question des "fous littéraires" à l’Université McGill (Canada), signale que d’après l’un de ceux qui s’est intéressé à cette question au XIXe s, Octave Delepierre, Desjardins pourrait fort bien faire partie du lot.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article29919, notice DESJARDINS Guillaume par Notice revue et complétée par Jean Risacher , version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 8 mai 2017.

Par Notice revue et complétée par Jean Risacher

ŒUVRES : Bolivar au Congrès de Vénézuéla, Paris, 1819. — Que le gouvernement définitif qui va s’installer doit s’appuyer sur le peuple, Paris, Levavasseur, 1830, in 8°, 1 p., n° 1 et 2. — Du salut de la France, Paris, Carpentier-Méricourt, imp.. s ;d. (1830), 4 pages in-8° (Bibl. Nat., 8° Lb 51/326). — Le Tribun du Peuple, neuf numéros en 1830 (Bibl. Nat., 8°, Lc 2/1261 à 1269), dont le dernier Les placards du peuple. — À M. A. de Chateaubriant (sic), G. Desjardins, rédacteur en chef du Tribun du Peuple, Paris, 1831, in 8°. — Le peuple et l’armée, Paris, Carpentier-Méricourt imp., s. d. (1831) (Bibl. Nat., Lb 51/802, in-8°, 4 pages). — Table des Droits de l’Homme et du Citoyen, in-8e, 32 pages (Bibl. Nat., 8°, Lb 51/4725). — Discours du citoyen G. Desjardins sur la misère du peuple et sur le moyen de l’en préserver (Cour d’assises de Paris) Paris A. Mie imp., 1833, 24 p. (Bibl. Nat., 8°, Lb 51/1274), réédition, Lyon, par les soins de La Glaneuse., 1834. — Sémiramis La Grande, 1834. — Association parisienne pour la défense de la presse, titre Discours du citoyen G. Desjardins sur l’Association républicaine..., Paris, A. Mie imp. 1833. — De l’Organisation de la Fraternité ou d’une Constitution sociale à donner aux peuples, Paris, 1848, 144 pages in-8°.

SOURCES : Arch. Dép. Paris (Seine), registres d’écrou, DY 4/12-6161, DY 8/7 n°577, DY 4/21-4855. — Rittiez, Jean-François, Histoire du règne de Louis-Philippe, Paris, V. Lecou, 1855, 3 vol.. — Cour des pairs. Procès politiques, 1830-1835, Inventaire dressé par J. Charon-Bordas, Paris, Archives Nationales, 1983, CC 585 d 1 ; CC 599 d 1 n° 50 ; CC 600 d 1 n° 52 ; CC 616 d 2. — J.-Cl. Caron, La société des Amis du Peuple (1830-1833), mémoire de maîtrise, sous la direction de Louis Girard, Paris IV, 1978. — Ph. Matthey, Les membres des sociétés secrètes républicaines parisiennes sous la monarchie de Juillet, mémoire de maîtrise sous la direction de Philippe Vigier, Paris X, 1986. — Francis Lacombe, Études sur les socialistes…, Paris, Lagny : Poitiers, H. Oudin, 1850, p. 328 et ss. — Notes de R. Shapira et R. Skoutelsky.

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