DETHOU Alexandre, René

Par Notice revue et complétée par Michel Cordillot

Né le 18 avril 1819 à Bléneau (Yonne), mort le 17 juin 1896 à Bléneau. Homme politique républicain d’affinités fouriéristes.

Descendant d’une famille de négociants enrichis qui avaient acquis le chateau de Bléneau, ancien domaine des princes de Courtenay, Alexandre Dethou fit de solides études à Auxerre, à la pension Bazot.
En 1840, il se maria et s’installa dans sa propriété de Bléneau pour se consacrer à d’importants travaux d’horticulture et d’arboriculture, contribuant à acclimater en Puisaye de nouvelles espèces d’arbres et de plantes.
Gagné dès 1842 au combat républicain, il devint conseiller d’arrondissement en 1845. Il fit alors émettre des vœux pour la réforme de l’impôt, le service militaire obligatoire pour tous et l’instruction gratuite, laïque et obligatoire. En 1846, durant un hiver particulièrement rigoureux, alors que tous les travaux étaient arrêtés dans les environs, il décida de vendre son blé aux ouvriers sans ouvrage à crédit et à moitié prix, tout en sachant que la plupart des emprunteurs ne pourrait jamais le rembourser.
Connu pour ses prises de positions politiques critiques envers la monarchie, il fut peu après la Révolution de février 1848 désigné par ses concitoyens comme maire de Bléneau. Il fut à l’initiative de la fondation d’une boulangerie et d’une épicerie « sociétaire » dans la bourgade. Après juin, il fut un propagandiste actif de la Montagne, ce qui lui valut une condamnation à 100 F d’amende le 31 mai 1850 pour distribution de propagande socialiste interdite. Durant plusieurs mois, Dethou s’opposa à chaque instant au juge de paix local, ce dernier lui ayant par exemple interdit de planter un arbre de la liberté à Bléneau en février 1850. Révoqué peu après de ses fonctions de maire, il fut réélu au conseil municipal. Mais il semble alors avoir mis un frein à ses activités politiques. Il refusa en particulier de se joindre aux sociétés secrètes affiliées à la Nouvelle Montagne qui se multipliaient en Puisaye.
Néanmoins soupçonné d’avoir été l’un des organisateurs de la résistance au coup d’État du 2 décembre 1851 dans l’Yonne, il fut arrêté le 12 décembre et resta en prison sans jugement jusqu’au 26 avril 1852, date à laquelle il fut proscrit. Exilé d’abord en Belgique, il résida à Bruxelles jusqu’en septembre 1855. Tout en fréquentant les réunions qui réunissaient régulièrement chez Deguelle les adeptes de Fourier, parmi lesquels Cantagrel* et Rittinghausen*, s’employant à soutenir matériellement et financièrement ses compagnons d’infortune. Souffrant du mal du pays, il eut également la douleur de perdre sa fille, alors âgée de 12 ans. Les autorités impériales ne cessèrent jamais de surveiller étroitement sa correspondance. Il vécut ensuite en Espagne, en Italie et en Suisse jusqu’à l’amnistie de 1859. En 1855 toutefois, des démarches effectuées par ses amis lui permirent d’obtenir une autorisation de séjour provisoire, et il fut autorisé à effectuer quelques courts séjours en France. Rentré définitivement à Bléneau en 1859, il y attendit avec impatience la chute de l’Empire, continuant son action de réformateur agricole entre la Puisaye et sa villa cannoise, où il cultivait d’innombrables espèces de fleurs.
Colonel de la 5e légion de l’Yonne en 1870-1871, il organisa la défense de la Puisaye, faisant couper les routes, abattre des arbres et creuser des tranchées, ce qui ralentit l’avancée des Prussiens et les empêcha d’atteindre Bléneau avant que ne soit signé l’armistice. Malgré cela, Dethou fut battu aux élections à l’Assemblée nationale du 8 février 1871 (il figurait sur la liste des candidats d’extrême gauche proposée par un « comité de la Puisaye » constitué à Auxerre, sans doute à l’instigation de Paule Mink*). Durant la Commune, alors que les manifestations anti-versaillaises se multipliaient dans l’Yonne, les autorités placèrent les républicains avancés de Bléneau sous étroite surveillance, et ordre fut donné début mai à la gendarmerie de désarmer préventivement les gardes nationaux de cette ville, sans tenir compte des véhémentes protestations du colonel Dethou (La Liberté, 11 mai 1871).
Cette même année, il entra au conseil général pour le canton de Saint-Fargeau. En 1873, il parvint à faire renaître une boulangerie coopérative à Bléneau. Il en fut le président. Toujours préoccupé par les questions d’éducation, il dut batailler quatre longues années au temps de l’Ordre moral pour que soit enfin créée en 1878 à Bléneau une école primaire supérieure pour les jeunes filles. Élu député de Joigny en 1876, il fut réélu l’année suivante comme un des 363, et fut encore réélu en 1881, 1885 et 1889. Radical en 1885, il était en 1889 très hostile au boulangisme. Il fut sénateur de l’Yonne de 1893 à sa mort en1896.
Conformément à ses dernières volontés, il fut enterré civilement le 20 juin 1896 en présence d’un très grand nombre de personnalités.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article29985, notice DETHOU Alexandre, René par Notice revue et complétée par Michel Cordillot, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 4 avril 2018.

Par Notice revue et complétée par Michel Cordillot

SOURCES : Robert, Bourloton et Cougny, Dictionnaire des Parlementaires français. — J. Gaumont, Histoire générale de la Coopération en France, t. II, p. 100, note 34. — Amédée Saint-Ferréol, Les Proscrits français en Belgique, Paris, Le Chevalier, 1871, vol. 1, p. 261-262. — Nécrologie, Annuaire de l’Yonne, Auxerre, 1897, pp. 165-176 ; John H. Merriman, The Agony of the Republic. The Repression of the Left in Revolutionary France, 1848-1851, New Haven, Yale University Press, 1978, pp. 204-205.

ICONOGRAPHIE : Annuaire de l’Yonne, Auxerre, 1897, p. 166.

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