DELLAC Yves [DELLAC Antoine, dit]

Par Éric Nadaud

Né le 24 novembre 1901 à Port-de-Lanne (Landes), mort le 12 juillet 1988 à Paris (XIIIe arr.) ; homme d’équipe puis contrôleur de route ; membre du comité directeur du Parti socialiste unitaire (1948-1950) ; secrétaire confédéral de la CGT (1948-1950) ; fondateur et directeur-gérant de L’Unité (1950-1952) et de Pour l’Unité (1952).

Né dans une famille modeste d’origine landaise, Yves Dellac, petit-fils d’un marin, était l’un des fils d’un cocher et d’une cuisinière [ménagère selon l’état civil], qui travaillaient tous deux pour le compte d’une famille d’industriels du Bordelais. Il passa sa jeunesse avec ses parents dans la région d’Abzac, en Gironde.
Après avoir exercé diverses activités, dans son adolescence, pour gagner sa vie, il entra en 1919 au Paris-Orléans, à Libourne (Gironde). Il fit toute sa carrière aux chemins de fer, employé successivement en qualité d’homme d’équipe, de surveillant, de contrôleur de gare, de contrôleur de route adjoint puis, à partir de 1947, de contrôleur de route. Par intérêt personnel pour les œuvres sociales, il s’occupa, dès avant guerre, de l’Orphelinat des cheminots.
Vers 1942, il quitta Libourne, où il était inquiété par la police de Vichy, et se fit muter à Paris. Il se livra à des activités de résistance en utilisant les possibilités que lui donnaient ses fonctions de contrôleur, notamment pour aider des juifs à passer la ligne de démarcation. Il appartint au mouvement Libération-Nord.
Au lendemain de la guerre, il milita à la 5e section de la Fédération de la Seine du Parti socialiste SFIO. En 1947, il appartenait à la tendance Bataille socialiste qui reprochait à la direction du parti d’oublier ses principes révolutionnaires et de trahir la classe ouvrière. Il la suivit dans la scission le 15 janvier 1948. Il participa avec les dissidents à la création du Mouvement socialiste unitaire et démocratique (MSUD). Il fut élu membre de la commission exécutive provisoire de ce groupement, puis du comité de rédaction de son organe La Bataille socialiste. Quand le MSUD se transforma en Parti socialiste unitaire (PSU), à l’issue de son congrès national de septembre 1948, il fut porté au comité directeur du nouveau parti. Il y fut reconduit par le deuxième congrès du PSU, en décembre 1949. Dans les réunions du parti, comme dans ses articles pour La Bataille socialiste, il n’intervint guère sur les sujets politiques. Il apparaissait surtout comme un spécialiste des questions syndicales.
Il connut précisément une promotion similaire sur le terrain syndical. À la Libération, il militait à la Fédération CGT des cheminots. Il était secrétaire de secteur et délégué du personnel à la SNCF lorsque se produisit la scission de la CGT, en décembre 1947. Il refusa de suivre les dissidents de Force ouvrière, par attachement à l’unité syndicale. Il fut alors l’un des bénéficiaires de l’opération à laquelle procéda la CGT pour reconstituer la fraction non-communiste de son encadrement. Le 5 janvier 1948, il fut élu secrétaire confédéral par le comité confédéral national (CCN) de la CGT, sur proposition de la Fédération des cheminots. Il fut confirmé dans cette fonction par le 27e congrès de la CGT, en octobre 1948. Au bureau confédéral, il manifesta un intérêt particulier pour les œuvres sociales et la laïcité, mais se montra discret jusqu’en 1949 sur les questions touchant à l’orientation générale du syndicalisme.
Cependant, sa sympathie pour l’expérience yougoslave le marginalisa à la CGT comme au PSU quand le monde communiste rompit avec Tito. Soupçonné de « titisme », il fut sommé dès l’automne 1949 par Alain Le Léap de cesser sa participation aux réunions du bureau confédéral, et de donner sa démission. Il parut dans un premier temps disposé à s’incliner. Le 23 février 1950, il démissionna sans éclat du bureau, dont il reçut en retour les remerciements. La rupture devint néanmoins irrémédiable lorsqu’il se rendit à Belgrade sur l’invitation du régime de Tito, en avril-mai 1950. Il fut exclu brutalement de la confédération, et subit de dures attaques personnelles. Le 2 juin, il fut frappé de la même peine par le PSU.
À partir de juillet 1950, il tenta avec son ami Michel-Morin, un autre dirigeant du PSU exclu pour les mêmes raisons, d’organiser un Regroupement socialiste révolutionnaire démocratique et unitaire. Faute d’y parvenir, il demanda fin 1951 sa réintégration dans la SFIO. Le 44e congrès du Parti socialiste ayant donné son accord, en mai 1952, il s’inscrivit de nouveau à la 5e section. Par la suite, il ne se montra plus guère actif sur le plan politique.
Il rencontra davantage d’écho sur le terrain syndical. Il lança avec Michel-Morin, le 1er juillet 1950, un journal dont il fut le directeur-gérant, L’Unité. Organe des Comités pour la démocratie et l’indépendance syndicale, qui s’adressait aux syndiqués de toutes tendances et militait pour la reconstruction d’une confédération syndicale unique. Il fut cependant confronté à une vive opposition de la part des éléments trotskystes qui s’étaient associés au projet. Mis en minorité au sein du groupement de soutien à L’Unité en mars 1952, il se retira, et lança avec Michel-Morin un autre organe, Pour l’Unité, dont l’objectif immédiat était désormais l’unification des seuls syndicats libres, c’est-à-dire non-communistes. Mais l’expérience dura moins d’un an. Il dut rentrer dans le rang, et ne milita plus à partir de 1953 que dans le cadre de Force ouvrière.
Sur le plan professionnel, il réintégra la SNCF en 1950, cette fois dans les Services commerciaux centraux. Il prit sa retraite le 1er septembre 1957. Ancien rugbyman, il travailla aussi pour la Fédération de rugby, comme arbitre et délégué financier et sportif. Il donna libre cours une fois retraité à son intérêt pour l’action sociale et laïque. Il fut administrateur du bureau d’aide sociale du Ve arrondissement de Paris. Les services qu’il rendit lui valurent d’être promu au grade d’officier dans l’Ordre national du mérite au titre du ministère de la Santé publique et de la Sécurité sociale. Il fut également délégué départemental de l’Éducation nationale, et trésorier de l’Union départementale des délégués cantonaux de Paris fondée en 1967. Il obtint à ce titre les Palmes académiques.
Il s’était marié trois fois. Sa première épouse, Odette Andrieux, avec qui il s’était marié à Abzac en 1923, lui donna une fille, mais l’une et l’autre moururent de maladie. Il épousa en secondes noces en septembre 1932 à Galgon (Gironde) Marthe Lugan, sans profession, dont il divorça pour épouser en 1953 à Paris (Ve arr.) Marcelle Pion, secrétaire de direction.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article3000, notice DELLAC Yves [DELLAC Antoine, dit] par Éric Nadaud, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 1er avril 2012.

Par Éric Nadaud

SOURCES : Arch. PPo., dossier RG n° 439.320. — Arch. de l’OURS, dossier biographique « Dellac ». — Le Peuple, 1948-1950. — La Vie ouvrière, 20-26 juillet 1950. — L’Unité. Organe des Comités pour la démocratie et l’indépendance syndicale, 1950-1952. — Pour l’Unité. Par le regroupement syndical, 1952. — Entretien avec Marcelle Dellac, née Pion. — Livret de famille. — État civil.

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