DEVILLE Jean-Marie, Joseph

Par Georges Tanesse

Né à Tarbes (Hautes-Pyrénées) le 3 février 1787, mort en cette ville le 19 mai 1853. Avocat et notaire, représentant du peuple sous la Seconde République.

Il était fils d’un maître-chapelier. Il s’engagea comme vélite-chasseur dans la garde impériale, le 16 septembre 1804 et participa à toutes les campagnes du Premier Empire. Il fut blessé devant Bautzen, le 24 septembre 1813. Au lendemain de la première abdication, il refusa de signer une adresse de son unité à Louis XVIII et, de Wesel, envoya sa démission, le 27 avril 1814 ; il était alors capitaine de grenadiers au 123e régiment d’infanterie. Il rentra à Paris, où il passa avec succès l’examen du baccalauréat (26 novembre 1814). Au moment des Cent-Jours, il hésita à reprendre du service et il répondit à un ami qui l’y encourageait : « Napoléon est mon idole comme chef de l’armée, mais il revient de l’exil sans que l’infortune lui ait fait modifier en rien ses vues despotiques sur l’administration civile de l’Empire ; ce n’est point l’homme de mon cœur ; sous ce rapport, je renonce au service. » Quelques jours plus tard, il partit néanmoins rejoindre l’armée. Il donna à cet ami l’explication suivante : « Mon ami, le sol de la patrie est menacé, peut-être même entamé à l’heure qu’il est. Le premier devoir de tout Français est de courir aux armes. Si je ne puis reprendre l’épaulette, si les cadres déjà remplis ne le permettent point, je demanderai un fusil et servirai comme simple soldat. » (La Sentinelle du Peuple, 18 avril 1848.)

Il se battit à Waterloo, puis abandonna définitivement l’armée. Il devint licencié en droit à Toulouse, le 23 janvier 1819. Avocat, il s’inscrivit au barreau de Tarbes à partir de 1821. En 1829, un, Émile Charles Joseph, lui succéda comme notaire, un autre, Louis Joseph, devint avocat après avoir été substitut du procureur de la République et refusé une promotion, le troisième, Amédée Deville, était médecin et professeur d’anatomie à Clamart.

Démocrate intransigeant, il avait successivement refusé la place de procureur du roi Louis-Philippe et celle d’adjoint au maire de Tarbes, à laquelle il avait été nommé par ordonnance royale du 23 août 1830. En 1831, il devint commandant de la garde nationale de Tarbes, mais son opposition au gouvernement de Louis-Philippe entraîna la dissolution de son bataillon.

C’était un homme connu pour son attachement sentimental au souvenir de Napoléon Ier, mais aussi pour son ouverture d’esprit démocratique et socialiste. Il faisait beaucoup plus peur à ses compatriotes que Vignerte, le militant de la Société des Droits de l’Homme. Il représentait pour eux l’épopée impériale, dans ce qu’elle avait de subversif pour les couronnes et les sociétés établies. Le paisible notaire, qui semble n’avoir jamais cherché à répandre ses convictions de la cinquantaine, n’avait jamais fait oublier en lui le capitaine de vingt-cinq ans, victorieux, ou le vaincu de vingt-sept ans. C’est sans doute lui que la base de données des magistrats croit devoir signaler comme substitut à Tarbes de mars 1848 à septembre 1849. Ses refus d’occuper des postes après 1830 scandalisèrent les libéraux qui tournaient au conservatisme.

Le 23 avril 1848, le département des Hautes-Pyrénées l’envoya à la Constituante. Il fut élu, sixième et dernier, par 17 773 suffrages. Il siégea sur les bancs de la Montagne.

Il vota toujours avec l’extrême gauche et se prononça pour la réduction à dix heures de la journée de travail, contre la loi sur les attroupements, contre les décrets restreignant l’activité des clubs, contre les poursuites à l’égard de Louis Blanc et de Caussidière, contre le rétablissement de la contrainte par corps, pour l’abolition de la peine de mort, pour l’impôt progressif, pour l’abolition du remplacement militaire, pour l’inscription du droit au travail dans la Constitution, contre l’ordre du jour de félicitations au général Cavaignac, pour la suppression de l’impôt sur le sel, pour l’amnistie générale, pour l’amnistie en faveur des transportés de Juin. Il signa l’appel des parlementaires du Comité central des Associations démocratiques et corporatives ouvrières pour « renforcer la phalange décimée des Représentants de la République démocratique » ( Voir Gambon Charles).

Le 13 mai 1849, il fut réélu député des Hautes-Pyrénées à la Législative et continua à siéger sur les bancs de la Montagne. Il participa à l’affaire du 13 juin 1849. Il fut arrêté et condamné à la déportation par la Haute Cour de Versailles (13 novembre 1849). Frappé de paralysie, il fut libéré de Belle-Île 20 mai 1852, pour Tarbes, où il mourut peu après son arrivée.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article30011, notice DEVILLE Jean-Marie, Joseph par Georges Tanesse, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 22 août 2020.

Par Georges Tanesse

ŒUVRES : Annales de la Bigorre, par J.-M.J. Deville, « ex-capitaine d’infanterie semper et omnino patriae deditus », in-8°, 357 pp., Tarbes, 1818 (Bibl. Mun. Tarbes, cote 2060). — Du gouvernement provisoire, par J.-M.J. Deville, ancien membre de l’Assemblée constituante, de l’Assemblée législative, déporté par la Haute Cour de Versailles (Affaire du 13 juin 1849), in-18°, 255 pp., Paris, 1851 (Bibl. Mun. Tarbes, cote 9085).

SOURCES : L’Union républicaine (Tarbes, 1848), La Sentinelle du Peuple (Bagnères-de-Bigorre, 1848), Le Démocrate des Hautes-Pyrénées (20 novembre 1849, Arch. Dép. Hautes-Pyrénées, cote 110). — Pascal Rhaye, Les Condamnés de Versailles, Paris, l’auteur, 1850. — Biographie des neuf cents députés à l’Assemblée nationale, par ordre alphabétique de départements, Paris, 1848. — De Cardaillac, Fernand-François Soubies (1803-1869), Paris, 1911, 139 pp.

ICONOGRAPHIE : Portrait lithographié appartenant à Mme Cazenavette, de Tarbes, arrière-petite-fille de J.-M.J. Deville.

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