DULAC Jean-Baptiste, Clément

Né le 26 novembre 1805 à La Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), mort le 5 avril 1889, à Tours (Indre-et-Loire) ; montagnard, représentant de la Dordogne à la Législative de 1849. Un des animateurs de la résistance armée au coup d’État dans Paris, expulsé, il se réfugia à Jersey.

Portrait de Dulac par Auguste Vacquerie, Jersey 1853 ou 1854
Portrait de Dulac par Auguste Vacquerie, Jersey 1853 ou 1854

Dulac était, sous la monarchie de Juillet, avocat et propriétaire agriculteur au village de Chabans, commune de Saint-Léon-sur-Vézère (Dordogne). En février 1848, il fut nommé, en même temps que Numa Dufraisse, commissaire du Gouvernement provisoire en Dordogne aux côtés de Dusolier que certains jugeaient trop modéré. Dès son arrivée à Périgueux, il inquiéta une grande partie de l’opinion en prenant des contacts avec le miroitier Papin, animateur des Icariens de la ville. Le 15 mars 1848, Dusolier refusant de collaborer avec les deux confrères qu’on lui imposait, Dulac comprit que la majorité de la population de Périgueux n’était pas pour lui et renonça à s’imposer à elle. Il partit pour Paris afin de mettre Ledru-Rollin au courant de la situation. Lorsque la diligence qui le transportait fit halte à Thiviers, il s’entretint avec les communistes de la localité et harangua les curieux. À Paris, il demanda à Ledru-Rollin de lui retirer ses fonctions et d’en faire autant pour Dusolier et pour Numa Dufraisse. Ledru-Rollin se rangea à son avis, mais Dulac eut la satisfaction de voir que l’un des trois nouveaux commissaires était son propre secrétaire, Lamarque.

Dulac fut candidat aux élections du 23 avril 1848 à la Constituante. Il adopta l’étiquette de communiste, mais précisa que la société décrite par Cabet dans son Voyage en Icarie lui paraissait présentement irréalisable. Il demandait, dans sa profession de foi, qu’à Paris, puis progressivement dans tous les grands centres, l’État prît en charge la vente, au prix de revient, du pain, du vin et de la viande. Il réclamait aussi, par groupe de deux communes, un médecin, fonctionnaire public, et il voulait imposer à l’État la charge des assurances et des transports publics.

Il fut battu, n’obtenant que 21 313 voix (inscrits : 140 087 ; votants : 110 954). Pour l’élection complémentaire du 6 juin 1848, il s’effaça devant Auguste Mie. Au moment de l’élection présidentielle, il fit campagne pour Ledru-Rollin.

Clément Dulac fut par contre, élu, le 13 mai 1849, cinquième sur dix, dans le département, ce qui signifiait de considérables changements dans l’opinion publique périgourdine. Il obtenait 60 445 voix sur 105 677 votants et 145 779 inscrits. Il vota contre l’expédition de Rome, contre la loi Falloux, contre la loi restrictive du suffrage universel. Le 3 décembre 1851, il était aux côtés de Baudin, rue Sainte-Marguerite.

Proche de Victor Schœlcher sur la barricade, il lui dit : « Vous me connaissez à peine, citoyen Schœlcher ; moi, je vous aime. Donnez-moi pour mission de rester à côté de vous. Je ne suis que du second rang à l’Assemblée, je veux être du premier au combat. » (Victor Hugo, Histoire d’un Crime.)
Après la mort de Baudin, Dulac fut ainsi de ceux qui remontèrent le Faubourg Saint-Antoine jusqu’à la Bastille, en criant « Vive la République ! »

« Comme ils atteignaient la place de la Bastille, Dulac dit à Schœlcher : — Je vous demande la permission de vous quitter une heure ou deux, et voici pourquoi : je suis seul ici à Paris avec ma petite fille qui a sept ans. Depuis huit jours, elle a la fièvre scarlatine, et hier, quand le coup d’État est arrivé, elle était à la mort. Je n’ai que cette enfant au monde. Je l’ai quittée ce matin pour venir, et elle m’a dit : — Papa, où vas-tu ? Puisque je ne suis pas tué, je vais voir si elle n’est pas morte.
« Deux heures après l’enfant vivait encore, et nous étions en séance de permanence rue Richelieu, n° 15, Jules Favre, Carnot, Michel (de Bourges) et moi, quand nous vîmes entrer Dulac, qui nous dit : — Je viens me mettre à votre disposition. » (Histoire d’un Crime.)

Dulac fut expulsé de France suite au décret du 9 janvier 1852. Il se réfugia à Jersey et résidait à Saint-Hélier, 4 place Rosemount, avec sa compagne Anne-Louise Cabane (née en 1821 à Monflanquin) qu’il l’épousa, le 9 avril 1856. À cette occasion il légitima un fils, Raymond Alcide Siffrein Clément Delsel, né le 30 mai 1850 à Paris. Proche de la famille Hugo, il a participé à des séances de spiritisme à Marine Terrace.

Suite au « Coup d’État de Jersey » il offrit un diner d’adieu, le 30 octobre 1830 en son domicile, à une partie des proscrits frappés par la mesure d’expulsion ou ayant choisi de suivre les expulsés. À cette occasion le jersiais Philippe Asplet, qui était du nombre, fit signer les convives sur son album photo. Outre Dulac, sa femme Louise et leur fils Siffrein Dulac dit Moucheron, signèrent Joseph Cahaigne, Paul Guay, Henri Larrieu, le chartiste George Julien Harney, Pierre Leroux, Gustave Ratier, Victor Hugo et sa maitresse Juliette Drouet.

Dulac, qui ne faisait pas partie des expulsés, demeura à Saint-Hélier. Il rentra en France avec Hugo, après la proclamation de la IIIe République en 1870.

Le 8 février 1871, rentré chez lui en Dordogne, il tentait de se faire élire à l’Assemblée nationale sur un programme patriotique, républicain et socialiste. Il recueillit seulement 23 813 voix, à peine plus que le 23 avril 1848. En 1879 il fut pressenti par les sénateurs de la gauche républicaine, dont Victor Hugo, pour être élu sénateur inamovible, mais il ne fut finalement pas retenu. Dès lors, il renonça à la politique sans renoncer à ses idées.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article30405, notice DULAC Jean-Baptiste, Clément, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 11 janvier 2021.
Portrait de Dulac par Auguste Vacquerie, Jersey 1853 ou 1854
Portrait de Dulac par Auguste Vacquerie, Jersey 1853 ou 1854
Clément Dulac photographié par Auguste Vacquerie ou Charles Hugo à Jersey entre 1853 et 1855
Clément Dulac photographié par Auguste Vacquerie ou Charles Hugo à Jersey entre 1853 et 1855
Photographie accompagnée de la dédicace suivante au folio 54 : « Battu par le mauvais temps ? Soit ! Mais pas aussi affaissé que ce portrait le ferait croire C. Dulac Jersey 1855 » et au folio 60 : « A l’ami dévoué, au frère de ceux qui souffrent pour la justice, à Philippe Asplet, témoignage de haute estime et sympathie, C. Dulac. Jersey 20 mai 1856. »
(Source : Maison de Victor Hugo - Hauteville House à Guernesey, Album Asplet, fol. 54 et 60)

SOURCES : Archives d’Indre-et-Loire, Acte de déèces. — Bnf, Notice autorité. — Maison de Victor Hugo - Hauteville House à Guernesey, Album Philippe Asplet. — Archives de l’Oise, Album Charles Asplet. —Robert, Bourloton et Cougny, « Jean-Baptiste, Clément Dulac », Dictionnaire des Parlementaires français. — Georges Rocal, 1848 en Dordogne, Paris, 1933. — Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, « Dulac - Clément », Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier - (Université de Bourgogne/CNRS), [En ligne], mis en ligne le 27 août 2013. - Notes de Gauthier Langlois.

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