Par Gauthier Langlois
Né le 22 décembre 1814 à Castillon-en-Couserans (Ariège), mort à Barcelone le 6 février 1868. Journaliste et homme politique démocrate.
Certains le disent né le 28 février 1817 mais il figure bien à la date du 22 décembre 1814 sur les tables décennales de Castillon-en-Couserans.
Après des études de droit à Paris, Xavier Durrieu écrivit de nombreux articles dans les revues et les journaux et dirigea en 1844 Le Courrier français. Démocrate, il participa à la lutte de La Réforme contre Le National. Il fonda avec Auguste Blanqui le club de la Société Républicaine Centrale au lendemain de la révolution de Février, mais déclina toute solidarité avec lui après la parution du document Taschereau. Voir Victor Pilhes.
Élu, en avril 1848, représentant de l’Ariège à l’Assemblée constituante, il se prononça contre l’état de siège et signa, le 24 juin, la protestation des représentants contre cette mesure d’exception. Il proposa de limiter la suspension des journaux (11 septembre), d’abolir la peine de mort (18 septembre), d’établir l’établissement de médecins dans les cantons ruraux pour le traitement gratuit des travailleurs indigents. (25 septembre 1848).
Écarté de l’Assemblée législative, il devint rédacteur en chef du Temps fondé avec Jean Antoine Thouard — puis fonda La Révolution avec comme principaux collaborateurs Eugène Bonnassieux, Chanousse, Fauvelet de Charbonnière, Gasperini, Edmond Le Guevel, Hennet de Kesler, Hippolyte Magen, F. de Gilède, Jules Gouache, Jean-Louis de Fréville, Nohazic, Antoine Polino, Léon Watripon et son frère Auguste Durrieu. (Voir aussi Achille Fillias, Maurice Treillard, J. Triboust). Son journal, sous le coup de poursuites judiciaires, devait cesser de paraître le 5 décembre et Durrieu était cité devant les assises le 4, quand se produisit le coup d’État. L’imprimerie du journal, 5, rue Coq-Héron, était occupée par la troupe. Arrêté le 5 décembre au Divan Lepelletier, il fut proscrit et se réfugia en Angleterre et à Jersey. À Londres en octobre 1852, il était l’un des 150 proscrits présents à l’enterrement du député Frédéric Gournet. Le cortège funéraire était précédé de la bannière rouge avec un crêpe noir et l’inscription « République démocratique et sociale ». Selon le journal d’Adèle Hugo il était arrivé en septembre 1853 à Jersey. Il participa, entre octobre et décembre 1853, aux séances de tables tournantes organisées chez Edmond Le Guevel ou chez les Hugo dans leur résidence de Marine Terrace à Jersey.
Il quitta définitivement les îles britanniques pour l’Espagne le 14 décembre 1853 en compagnie d’Edmond Le Guevel. En effet il connaissait très bien ce pays où il avait fait, depuis 1836, de fréquents séjours qui lui avaient permis de maîtriser parfaitement le castillan, de publier des études sur la péninsule ibérique et de s’y faire de nombreuses relations. Il s’employa à convaincre la famille Hugo de le rejoindre en Espagne et pour cela, obtint de Sartorius Tapia, chef de cabinet de la reine Isabelle II, l’autorisation de les faire venir. L’annonce de la venue de Victor Hugo fut accueillie favorablement par la presse et la population espagnoles mais finalement l’écrivain préféra rester à Jersey. Xavier Durrieu se consola en poursuivant, jusqu’en octobre 1854, les séances de tables tournantes avec les Le Guével, et en entretenant une correspondance avec Jersey.
Révolutionnaire, Xavier Durrieu était naturellement présent sur les barricades à Madrid lors de la Révolution du 17 juillet 1854. Le 20 septembre 1854, toujours à Madrid, il signait une tribune de défense des proscrits dans le journal La Nación, avec Paul Guichenné, Auguste Laborde, Sylvain Delsol, Edmond Le Guevel, Jean Baptiste Laporte, Carrère, Louis Caussanel, Usse, Pierre Arrambide, Sylvain Dupuy, Desbarats, et Joseph Séguès. Il apparaît alors comme le chef de file des proscrits réfugiés en Espagne.
Durrieu s’était établi à Madrid où il acquit une position dans le monde financier après avoir créé, le 2 janvier 1856, un établissement de crédit avec Isaac Pereire, le Crédito mobiliario español. Cela lui permit de proposer des emplois à des proscrits et de faire venir de Paris sa fiancée Alphonsine qui, avec sa mère, avaient été ses soutiens moraux et financiers dans les moments les plus difficiles. Alphonsine Malsang ou de Malsang, que Henri Duclos désigne sous les initiales Alp. de M. G., appartenait peut-être à cette vieille famille de la noblesse méridionale dont des représentants vivaient alors à Lézat-sur-Lèze, dans l’Ariège. Le couple se maria et s’installa en 1862 à Barcelone, dans le quartier de Gràcia.
Xavier y mourut des suites d’une opération de la vessie, presque dans les bras de son ami Théophile Marcou, proscrit audois. Un autre proscrit audois, l’ancien député de l’Aude Théodore Raynal, prononça son éloge funèbre. Théophile Marcou récupéra ses archives, qu’il transmit à Henri Duclos qui les déposa à la bibliothèque de Saint-Girons. Madame Durrieu demanda une pension au titre de la loi de réparation nationale du 30 juillet 1881 mais celle-ci lui fut refusée.
Par Gauthier Langlois
OEUVRE : Le coup d’Etat de Louis Bonaparte : histoire de la persécution de décembre, événements, prisons, casemates et pontons, Genève et New-York, Bruxelles, 1852.
SOURCE : Arch. Min. Guerre, B 141. — Notice autorité Bnf. — La Nación, 20 septembre 1854. — La Gironde, 19 février 1868. — Henri Duclos, Histoire des Ariégeois, Toulouse, Soubiron, 1881-1887, t. VI, p. 567-607.— S. Wassermann, Les Clubs de Barbès et de Blanqui en 1848, passim.. — Adolphe Robert et Gaston Cougny, « Joseph Emmanuel Durrieu », Dictionnaire des parlementaires français, Edgar Bourloton, 1889-1891. — La Fraternité, 8 septembre 1869. — Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, « Durrieu - Joseph Emmanuel Xavier », Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier - (Université de Bourgogne/CNRS), [En ligne], mis en ligne le 27 août 2013. — Gustave Simon, Les tables tournantes de Jersey : chez Victor Hugo : procès-verbaux des séances, Paris : L. Conard, 1923. — Jean-Claude Fizaine, Victor Hugo et les mystères de Jersey. Un manuscrit inédit de Xavier Durrieu (Les séances chez Leguével), 2015. — María de los Santos García Felguera, Escondidos bajo la tela negra, Barcelona, Universitat Pompeu Fabra.