EVRAT Louis

Par Georges Salamand

Né en 1797 à Paris , mort en 1871 à Paris ; militant socialiste de Paris ; médecin psychiatre-chansonnier ; promoteur du nouvel asile de Saint-Egrève (Isère).

Fils d’un haut-fonctionnaire, ancien officier de la garde nationale et secrétaire de Cambacères, Louis Evrat chercha sa voie avent de faire des études de médecines sous l’influence de son oncle, accoucheur célèbre, membre de l ’Académie de médecine. Aide-major de la X° légion de la Garde Nationale, le jeune homme, qui se croit avant tout poète, soutien sa thèse en 1824, en compagnie d’un ami d’enfance, le futur grand chirurgien Leroy d’Etioles, bientôt haut dignitaire maçonnique.

Le jeune Evrat fait de la politique, écrit des vers et des chansons. Très proche de Vigny et de Béranger, le jeune directeur du bureau de charité des 1er et 10e arrondissements de la capitale y côtoyait tous les jours la grande misère du prolétariat de la mégapole. C’est à travers ses nouvelles responsabilités qu’il franchit le pas et devint un militant très actif de la cause socialiste aux débuts d’une Monarchie de Juillet.

Médecin parisien, sans doute influencé d’abord par saint-simonisme et fouriérisme, il fit partie de ceux qui avec le couple Gay (Désirée Gay, Jules Gay), Jullien de Paris, Adolphe Radiguel, etc. organisèrent la venue de Robert Owen à Paris en 1837. En mai 1840, il fut des socialistes français et britanniques de Paris qui envoyèrent une adresse au congrès oweniste réuni à Leeds (Voir Hugh Doherty). Il reçut au cours de l’été John Goodwyn Barmby, envoyé par Owen pour faire le point sur la situation sociale en France et préciser les divers courants socialistes et communistes. Il était alors établi 5, rue de Verneuil. Évrat fit également partie du cercle de ceux qui soutinrent l’activité de Flora Tristan qu’il avait connue à Londres.

Délaissant l’action politique pour les cénacles du Parnasse et la fréquentation de de « La Lice chansonnière » cabaret fameux qu’il dirige et d’où sortira un véritable » tube » : « J’irai revoir ma Normandie ». En 1840, il partit pour Grenoble là où les docteurs Falret, son maître, et Romme, son prédécesseur, lui proposent la direction de l’asile d’aliénés départemental.

Dès 1844, le nouveau directeur, qui entretint toujours une relation épistolaire avec Flora Tristan qu’il revit lors de son passage à Lyon, la même année, fit de l’asile de Saint-Robert, un modèle exceptionnel d’asile psychiatrique moderne et ouvert en y mettant en pratique les théories de Pinel, qu’il traduit à sa manière : « Pour les aliénés, il faut surtout de l’espace, de l’air, de la lumière, du soleil, des eaux abondantes et bonnes... Supprimons tout ce qui rappelle la séquestration : fenêtres de souffrance, barreaux, murailles. La vue doit être immense et riante... ». Dès l’origine, ce programme hardi, « expression d’une pensée médicale moderne prioritaire et non d’une pensée architecturale » eut ses détracteurs farouches au premier rang desquels figure l’architecte départemental et la plupart des élus départementaux obnubilés par la dangerosité potentielle des aliénés. Le chantier, ouvert en 1852, ne fut terminé qu’en 1880, soit neuf ans après la mort du docteur Evrat. Mais les idées de l’ancien médecin psychiatre-chansonnier, disciple et ami de Falret, avaient enfin triomphé, à Grenoble.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article30714, notice EVRAT Louis par Georges Salamand, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 22 juillet 2012.

Par Georges Salamand

OEUVRE : Étude Deuxième étude sur la reconstruction projetée de l’asile public des aliénés de l’Isère, situé à Saint-Robert,... par M. le Dr Evrat, 1853.

SOURCES : John Goodwyn Barmby, « Journal of a social Mission to France » [6 juin- 15 août 1840], in The New Moral World, 11 et 25 juillet, 1er, 15 et 22 août, 5 septembre 1840. — J. Gans, « Robert Owen à Paris en 1837 », in Le Mouvement social, octobre-décembre 1962. — Flora Tristan, Union Ouvrière, éd. des femmes, 1986. Jacques Grandjonc, Communisme/ Kommunismus/ Communism. Origine et développement international de la terminologie communautaire prémarxiste des utopistes aux néo-babouvistes, Trier, Karl Marx Haus, 1989, p. 471-478. — Note de J. Grandjonc.

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