FOURNEL Cécile, née LARRIEU Cécile

Par Notice revue et complétée par Lionel Latty et Philippe Régnier

Cousine germaine puis épouse d’Henri Fournel ; saint-simonienne.

Fille du conseiller à la cour royale de Paris, Larrieu, Cécile Fournel vint au saint-simonisme par une démarche commune avec son mari, Henri Fournel*. Initialement tenue éloignée de Paris par la profession de ce dernier, elle n’en participa pas moins, dès l’automne de 1829, par correspondance, à la réflexion du premier petit groupe de femmes animé par Claire Bazard. Elle insistait alors, comme l’épouse de Saint-Amand Bazard*, sur les difficultés d’expression imposées aux femmes, fussent-elles instruites, par les normes discursives masculines auxquelles les hommes prétendaient les soumettre. Elle fit reconnaître ses convictions en matière d’émancipation des femmes en rédigeant, vers la fin de 1830, sur le modèle de l’« Appel aux artistes » de Émile Barrault*, un « Appel aux femmes » qui, s’il ne fut pas édité, fit toutefois l’objet de lectures collectives dans toutes les réunions internes du mouvement, à Paris et en province. Mais cette profession de foi ainsi transformée en manifeste se gardait bien d’aborder le terrain de la vie privée et traitait quasi exclusivement de la participation des femmes, que Cécile Fournel souhaitait ardemment, à la seule vie publique.
Élue, au Collège le 9 mars 1831 et, le 8 juillet 1831, « chef de service » du « degré des femmes », Cécile Fournel fut mêlée de près aux discussions sur la morale qui aboutirent, en novembre 1831, au schisme de Bazard et à la prise de pouvoir par Prosper Enfantin*. Elle y aurait tenu, selon Aglaé Saint-Hilaire*, un rôle de conciliation, dans la mesure où, bien qu’ayant pour sa part une vie de couple trop régulière pour « bien comprendre toute la valeur » de la question débattue et n’en être pas « froissée ", elle se serait efforcée de surmonter ses sentiments personnels afin de rétablir « l’harmonie " entre les opinions adverses. Le fait est qu’à la « réunion générale de la Famille », les 19 et 21 novembre 1831, elle déclara repousser et la théorie professée par Enfantin et la personne même d’Enfantin au motif que, disait-elle, elle avait « bien senti » combien, même cachée sous « une enveloppe très épaisse », la morale enfantinienne recélait « en elle quelque chose de bien profondément immoral ». Faisant part de sa position au « degré des ouvriers » par une lettre du 20 novembre et se retirant le lendemain de la hiérarchie, solidairement avec Bazard, elle figura avec son mari parmi les signataires de la protestation insérée dans Le Globe du 29 novembre suivant. Comme Fournel persistait à ne pas rompre avec Enfantin et voulait l’entraîner à poursuivre les tentatives de conciliation, une séparation s’ensuivit entre les époux le 12 décembre. Psychologiquement brisée, comprenant peu à peu le poids de la fausseté des relations entre Bazard et sa femme, et, au bout du compte, déçue par l’incapacité de ce dernier à reconstituer une organisation digne de ce nom autour de lui, Cécile Fournel finit par incliner vers l’autre camp. Sans se départir de son hostilité absolue au pluralisme amoureux prôné par Enfantin, elle se satisfit de son engagement à respecter la morale en usage tant que les femmes n’auraient pas exprimé leur opinion et adhéra à l’idée d’un affranchissement des femmes par elles-mêmes. À partir de juin 1832, elle revint aux réunions de femmes pour y défendre cette position. Installée avec sa fille à Belleville, près de Ménilmontant, pour se rapprocher de son mari, elle assista, non sans souffrance, le 6 juin, à la « prise d’habit » et au vœu de célibat des apôtres-hommes.
Lors du procès en assises d’Enfantin et de ses compagnons les 27 et 28 août suivants, Cécile Fournel et Aglaé Saint-Hilaire furent à dessein choisies pour être ses « conseils » par le « Père », qui ne voulait pas d’avocat et souhaitait provoquer symboliquement l’appareil judiciaire sur le terrain de l’infériorité juridique des femmes. Comme de juste récusée, en tant que femme, par le président du tribunal, et empêchée de surcroît de s’exprimer à l’audience sur une ancienne lettre d’elle-même citée à charge, Cécile Fournel écrivit à l’intention du magistrat une déclaration aux termes de laquelle, se présentant comme « une femme pure, heureuse par le mariage et la maternité », elle témoignait de la haute moralité religieuse des prévenus, à commencer par le principal d’entre eux. Sa condition sociale privilégiée et, surtout, son intransigeance sur le chapitre des mœurs expliquent probablement son absence de participation à la rédaction de La Femme libre, le bulletin lancé ce même mois d’août par Désirée Véret* et Marie-Reine Guindorf*. Chargée, pendant la détention d’Enfantin, de conserver le manuscrit de ses « enseignements » et d’en réviser le style, Cécile Fournel, qui en était venue à lui vouer une admiration exaltée, revendiqua et obtint une autre mission de confiance : centraliser et publier des informations régulières sur les activités des saint-simoniens. À partir de juillet 1833, elle rédigea donc et fit paraître par livraisons mensuelles un bulletin dont le titre, Le Livre des Actes publié par les femmes, indiquait sa prétention à être au saint-simonisme ce que les actes des apôtres avaient été au christianisme. Renonçant implicitement à une action plus spécifique en faveur de l’émancipation féminine, Cécile Fournel se contentait pour sa part d’y appeler les femmes à « célébrer ces hommes qu’enflamme le sentiment de notre égalité » (i. e. à nous les femmes). Marie Talon* prit sa suite lorsqu’elle eut décidé de partir rejoindre Fournel en Égypte.
Bien qu’ayant embarqué, le 8 novembre 1833, avec Clorinde Rogé*, Cécile Fournel s’abstint, une fois arrivée au Caire, de participer aux entreprises émancipatrices de la poignée de « Femmes de la Mère " rassemblées par cette dernière. Privée de sa fille restée en France, elle ne fit rien non plus, au contraire, pour dissuader son mari de persévérer après l’échec des négociations avec Mohammed Ali sur Suez. Leur retour en France, décidé au mois de février 1834 et effectif au printemps suivant, marqua son retour définitif et total à une vie privée dont, semble-t-il, plus aucun événement ne la détermina à sortir, pas même l’action des femmes en 1848.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article31120, notice FOURNEL Cécile, née LARRIEU Cécile par Notice revue et complétée par Lionel Latty et Philippe Régnier, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 20 novembre 2022.

Par Notice revue et complétée par Lionel Latty et Philippe Régnier

SOURCES : Bibl. de l’Arsenal, Fonds Enfantin, en particulier les Archives, vol. 3 et 5, et ms. 7 781/3. — Bibl. Nat., Mss., Fonds Alfred Péreire. — Réunion générale de la Famille, 1832, p. 36 et 48. — Procès de la cour d’assises de la Seine, 1832, p. 33-34, 67 à 69 et 307 à 309.

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