GANDOLPHE Honoré

Par Nicolas Prévost

Né le 18 mars 1809 à Vence (Var puis Alpes-Maritimes), mort le 25 janvier 1879 à l’asile de Limoux ; Ouvrier de l’Arsenal de Toulon (Var) ; républicain du midi, hostile au coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte.

Honoré Gandolphe naquit en 1809 à Vence, une ancienne cité épiscopale paisible au Nord de Nice. Cette ville était alors un chef-lieu de canton du département du Var (arrondissement de Grasse) et ne fut rattachée au département des Alpes-Maritimes qu’en 1860, date de l’annexion définitive du Comté de Nice à la France. Honoré Gandolphe était le fils de Charles Gandolphe (1778-1827), cultivateur et tailleur d’habits, et de Françoise Bailon (1772-1853), qui eurent ensemble sept enfants, tous nés à Vence et dont deux moururent en bas âge. Lui-même en danger de mort à sa naissance, Honoré Gandolphe fut immédiatement ondoyé par son grand-père paternel Honoré Vincent Gandolphe (1750-1835) avant d’être baptisé le 19 mars 1809, lendemain de sa naissance, en la séculaire cathédrale Notre-Dame-de-la-Nativité de Vence par le père Antoine Blanc (1752-1825) : son parrain fut ce même grand-père, de qui il tint son prénom, et sa marraine sa tante maternelle Marguerite Bailon.

Après une enfance passée à Vence dans un milieu agricole et catholique, Honoré Gandolphe devint lui aussi cultivateur. D’une taille d’1 mètre 71 à l’âge adulte, les cheveux blonds et les yeux bleus, il était marqué par une cicatrice en-dessous de l’œil droit sans doute depuis ses jeunes années. En 1829, alors âgé de vingt ans, il s’engagea comme jeune soldat dans le 36e Régiment d’Infanterie de Ligne et débuta son service le 29 décembre 1830. Passant du grade de grenadier à celui de sapeur, il participa à la campagne de Belgique de 1832, marquée par la prise d’Anvers et la reconnaissance officielle de l’indépendance de ce pays par rapport aux Pays-Bas. Passé en congé illimité en 1836, il se retira de l’armée en 1837.

Installé à Draguignan, sa ville de garnison, il y rencontra sa femme, Marianne Legros (1805-1903), qu’il épousa le 5 octobre 1836 dans cette même ville à cette époque préfecture du Var. Marianne, née à Barbania, était la fille de Jean-Baptiste Legros (1771-1856), un républicain convaincu originaire de Bourgogne, qui avait fait les guerres de la Révolution française à partir de 1793 et s’était installé en 1802 à Barbania, un petit village du Piémont en Italie, alors dans le département du Pô, où il était devenu gendarme. Il y avait fait la rencontre d’une Italienne, Marie Calligaris (1776-1848), fille de notaire, sœur de Louis Calligaris (1808-1870), célèbre orientaliste et arabisant, directeur de l’école du Bardo à Tunis, et également apparentée à Bernardino Drovetti (1776-1852), célèbre égyptologue, fondateur de l’important musée égyptien de Turin. Marianne donna naissance en 1837 à Draguignan à deux jumeaux, Joseph (1837-1838) et Madeleine (1837-1876), Joseph mourant en bas âge un an plus tard. De retour à Vence, Honoré et Marianne eurent un troisième enfant, Jean-Baptiste (1840-1848). Honoré exerçait alors la profession de tanneur, perpétuant la tradition familiale de tailleur d’habits.

En 1846, installés rue Saint-Pierre à Toulon, dans le faubourg du Mourillon, ils donnèrent naissance à leur quatrième enfant, Marius Auguste (1846-1930), né la même année. Honoré Gandolphe était alors forgeron et travaillait comme ouvrier à l’Arsenal de Toulon. C’est là qu’allait s’exprimer son engagement politique, après la perte de son fils Jean-Baptiste en juin 1848 à Toulon, alors que la famille était domiciliée rue Noyer. Il devint un des responsables du « Comité central de résistance » pour le sous-comité de Cagnes et Vence pour la défense de la République naissante, alors que le « prince-président » Louis-Napoléon Bonaparte venait d’être élu chef de l’État.

Révoqué au début de 1851 de l’Arsenal de Toulon pour ses « opinions anarchiques », Honoré Gandolphe fut signalé, en mai de la même année, à Vence, sa ville natale où il revint s’installer avec sa famille, comme « propagandiste » et « organisateur de sociétés secrètes », et selon un courrier de la sous-préfecture de Grasse au maire de Vence, pour faire de la « propagande démagogique » en faveur de la République.

Il continua à Vence son activité politique où il eut un rôle de premier plan, notamment dans les jours qui suivirent le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851. Honoré Gandolphe fut alors victime de la répression qui suivit le coup d’État de celui qui allait bientôt se faire appeler Napoléon III, coup d’État qui déclencha une importante insurrection républicaine dans un grand nombre de provinces françaises, et notamment dans le département du Var, terre farouchement attachée à la République. Plusieurs personnes de la région furent accusées d’avoir « fait partie de rassemblements armés » en décembre 1851 et d’avoir « fait partie de la société secrète de Gandolphe ». D’après un interrogatoire, les membres de cette société devaient prêter serment à Honoré Gandolphe de s’engager « pour la république démocratique et sociale ».

Le 2 février 1852, Honoré Gandolphe fut condamné par la commission départementale présidée par le préfet du Var Daniel Pastoureau, le commandant militaire du Var Levaillant et le procureur de la République de Draguignan Bigorie-Leschamps, à être « transporté en Algérie » pour une durée de cinq ans car « il faisait partie de la société secrète dont il était un des chefs », pour avoir « perverti le pays en y prêchant une mauvaise doctrine » et pour être « en rapport avec les démagogues du département ». D’emblée, le contrôle nominatif le fit figurer dans une liste de 11 personnes de l’arrondissement de Grasse « placés sous la surveillance de la police générale » et ne devant « en aucun cas être graciés ». Sa peine de transportation en Algérie fut commuée le 16 avril 1852 en « surveillance » par le conseiller d’État Quentin-Bauchart qui était alors à Toulon et qui commua de nombreuses peines.

Sous surveillance donc, Honoré Gandolphe fut condamné le 15 mars 1853 par le tribunal de première instance de Grasse à 15 jours d’emprisonnement pour avoir « injurié et diffamé un agent de l’autorité publique », en l’occurrence le garde-champêtre de Vence, les deux hommes ayant conservé des relations difficiles, n’étant pas sur la même longueur d’onde sur le plan politique. Honoré Gandolphe fut incarcéré à la prison de Grasse du 25 avril au 10 mai 1853, mais il ne sortit pas de prison pour autant car il y fut maintenu sur demande expresse du sous-préfet de Grasse, faisant appliquer un ordre du procureur impérial de Draguignan, lié à ses activités politiques passées au moment du coup d’État.

C’est de la prison de Grasse qu’Honoré Gandolphe envoya le 28 juillet 1853 une demande de grâce officielle, comme le fit alors un grand nombre de condamnés, à l’empereur Napoléon III, dans une lettre manuscrite et stéréotypée, adressée à « Sa Majesté Louis-Napoléon Bonaparte, Empereur des Français, pour remettre à sa personne à Paris ». Cette demande semble être restée vaine car, même si Honoré Gandolphe échappa donc à la transportation en Algérie pour laquelle il était au départ destiné, il fut, comme de nombreux condamnés de l’insurrection contre Napoléon III, interné dans une ville lointaine, en l’occurrence Carcassonne (Aude), d’abord dans une résidence surveillée. Il en partit deux fois, une fois retrouvé à Nîmes (Gard) et une seconde fois où le commissaire de police de Carcassonne écrivit au préfet de l’Aude qu’Honoré Gandolphe avait perdu ses facultés mentales. Il fut brièvement interné dans la prison de Carcassonne, dont il fut libéré le 7 avril 1854, avec l’idée fixe de rentrer chez lui à Vence.

Atteint d’après ce même commissaire d’aliénation mentale, avis confirmé par le maire de Carcassonne le 29 avril 1854, il fut déposé provisoirement à l’Hôtel-Dieu de cette même ville le 30 avril. En raison de son état de santé, le préfet de l’Aude prit la décision de le placer dans l’asile des aliénés « Notre-Dame-du-Rosaire » à Limoux (Aude) le 6 mai « pour atteinte de monomanie ». Honoré Gandolphe fut donc interné dans cet établissement deux jours plus tard. En octobre, il s’y trouvait encore puisqu’il envoya par l’intermédiaire d’un notaire de Limoux son consentement pour le mariage de sa fille Madeleine à Vence.

Pourtant, ce même mois d’octobre 1854, le sous-préfet de Grasse demanda au maire de Vence d’avertir la famille qu’Honoré Gandolphe allait mieux, que la sanction administrative avait été levée par le ministère de l’intérieur et qu’il pourrait regagner ses foyers à condition de ne plus prendre part à une quelconque activité politique. Malheureusement pour lui, cette libération n’eut finalement pas lieu puisqu’il figurait encore dans le registre de l’asile des aliénés de Limoux (un registre conservé, de 1873 à 1878) où le médecin faisait part tous les ans de sa « manie chronique » et de divagations « évoquant les évènements politiques de 1849 ». Honoré Gandolphe mourut finalement le 25 janvier 1879 à l’asile de Limoux et fut inhumé le lendemain matin au cimetière de la paroisse attenante Notre-Dame-de-l’Assomption, après avoir passé 25 ans dans cette maison de santé et sans doute sans avoir jamais revu sa famille, partie entre temps à Nice, puis à Turin et enfin en région parisienne.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article31363, notice GANDOLPHE Honoré par Nicolas Prévost, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 21 juin 2017.

Par Nicolas Prévost

SOURCES : Arch. Dép. Alpes-Maritimes, 3 M 12. — Notes de Nicolas Prévost, descendant d’Honoré Gandolphe et de Marianne Legros par leur fils Marius Auguste.
Archives nationales à Paris. — Archives du Service Historique de la Défense à Vincennes. — Archives départementales des Alpes-Maritimes. — Archives départementales du Var. — Archives départementales de l’Aude. — Archives diocésaines du diocèse de Nice. — Archives familiales.

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