Par Michel Gorand, Christian Mahieux
Né le 10 août 1942 à Angers (Maine-et-Loire), mort le 21 décembre 2021 à Albi (Tarn) ; cheminot ; syndicaliste, secrétaire général de l’Union professionnelle régionale (UPR-CFDT) de Tours (1976-1979) ; délégué du personnel auprès du Directeur Général SNCF (1978-1981) ; membre du secrétariat fédéral des cheminots CFDT (1980-1983 et 1986-1992) ; un des créateurs de SUD-Rail en 1996 ; militant communiste libertaire.
Le père de Michel Desmars était membre de la CGT et du PCF. Titulaire d’un Brevet d’enseignement industriel (BEI) de mécanicien et d’un BEI de dessinateur projeteur, Michel Desmars entra au travail en 1961 puis à la SNCF comme attaché groupe VII à la conduite, en septembre 1964 au dépôt de Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire). Militant FO et à l’Union des anarcho-syndicalistes de 1961 à 1966, Michel Desmars rejoignit le mouvement communiste libertaire en 1969. Il fut trésorier de syndicat FO en Loire-Atlantique, puis secrétaire du syndicat des cheminots FO de Tours de 1965 à 1969 et membre de l’UD-FO d’Indre-et-Loire. Il fut exclu de FO en septembre 1969 après la grève des agents de conduite sur le PS4R (réglementation du travail).
A Tours, où il habitait 2 allée Cheverny, Michel Desmars fut pendant le mouvement de mai 1968 l’un des animateurs avec Georges Fontenis du Comité d’action révolutionnaire (CAR) qui regroupait des lycéens, étudiants et ouvriers de toutes tendances et « comptera jusqu’à plus de 50 participants ». Le CAR qui était présent dans quelques entreprises (SNCF, SKF et Indreco) et se réunissait aux « Arts Déco » adopta fin mai un projet de Plateforme pour une organisation révolutionnaire (reproduit in G. Fontenis, op. cit.).
Michel Desmars participa ensuite au regroupement de communistes libertaires autour de Georges Fontenis et de Daniel Guérin dans le Mouvement communiste libertaire (MCL). Il animait le Comité d’Action Cheminots en collaboration avec le journal Les Cahiers de Mai (Paris, au moins 40 numéros du 15 juin 1968 à 1973) créé « par des étudiants, des ouvriers, des intellectuels qui participaient activement au mouvement de Mai ». Il collaborait au bulletin des cheminots Action-Cheminots (Tours, 6 numéros de mars 1970 au printemps 1971) dont il était le directeur de publication et où il défendait des positions très anti-appareils syndicaux et ce jusqu’à la dissolution du groupe cheminots en 1972. Il fut également le directeur d’Action-Tours (8 numéros de septembre 1969 à octobre 1970), journal du groupe local du MCL.
De 1971 à 1976 il fut le directeur de publication des deux séries de Guerre de Classes (Tours, 2 numéros en 1971 puis 12 numéros de novembre 1971 à mars 1976), organe du MCL devenu ensuite Organisation Communiste Libertaire (OCL). Le numéro 1 précisait que le MCL était « né de la rencontre de la Jeunesse Anarchiste Communiste, des militants de l’ex Fédération Communiste Libertaire et du groupe Action-Tours, au cours de l’année 1969… ». Il fut ensuite membre de l’Union des Travailleurs Communistes Libertaires (UTCL, voir Thierry Renard, Patrice Spadoni, Marco Candore), organisation née d’une fusion des anciens de l’OCL et d’une scission, à Pâques 1976, de l’Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA). Il participa à la fondation d’Alternative libertaire (AL) en 1991, mais décida ne plus militer dans une organisation spécifique communiste libertaire quelques années plus tard.
Il rejoignit la CFDT en 1974, prit rapidement des responsabilités syndicale. Avec notamment Gil Despax il contribua à ce que Saint-Pierre-des-Corps fût le premier dépôt où la CFDT devint première organisation syndicale de l’établissement. Michel Desmars fut secrétaire général de l’Union professionnelle régionale (UPR) de Tours de 1976 à 1979. Après les élections professionnelles de février 1978, il fut nommé délégué du personnel auprès du directeur général de la SNCF. Il fit également partie du groupe technique national des agents de conduite à partir de 1977 et en devint le responsable en même temps qu’il fut élu au secrétariat fédéral en mai 1980, au congrès de Loctudy, puis dégagé comme permanent syndical en juin 1980. Il était donc membre de l’exécutif de la Branche cheminots CFDT lorsque celle-ci fut suspendue par décision de la Fédération générale des transports et de l’équipement, en date du 3 juin 1981. Cette situation, qui dura jusqu’en octobre 1981 et vit même la FGTE/CFDT demander à la SNCF d’être reconnue en lieu et place de la Branche cheminots CFDT, ne fut qu’un épisode dans la suite du congrès fédéral de mai 1980 marqué par un affrontement particulièrement dur entre pro-confédéraux et oppositionnels.
Au congrès confédéral CFDT de Metz, en 1982, il représentait le syndicat de Tours ; avec celui de Villeneuve-Saint-Georges représenté par Henri Célié, il organisa un forum de débat au sein même de l’enceinte du congrès, rassemblant 300 délégué∙es ; 135 syndicats (dont 17 de cheminots) cosignèrent une déclaration critiquant la politique confédérale, en matières revendicative et démocratique. Lors de la préparation de la Loi d’orientations sur les transports intérieurs (LOTI) de décembre 1982, il participa au groupe de travail tripartite (ministère-direction-syndicats) concernant le statut des cheminots et les droits des travailleurs. Critique des orientations lors des congrès FGTE et Cheminots de 1983 à Saint-Pol-sur-Mer (Nord), il se présenta au secrétariat fédéral des cheminots mais ne fut pas élu. Il reprit son service à la SNCF en juillet 1983. Lors de l’AG des syndicats de la branche cheminots en octobre 1986 à Lamoura (Jura), il intervint pour dire que sa candidature s’inscrivait dans la construction d’un syndicalisme frontalement opposé à la direction SNCF, au patronat et aux gouvernements et sans discontinuer au service des travailleurs et des travailleuses ; il fut élu au secrétariat fédéral
C’est en tant que secrétaire fédéral de la CFDT cheminots qu’il fut présent à l’assemblée générale des agents de conduite de Paris Nord qui décidèrent la grève à partir du 18 décembre 1986 ; il mit l’outil syndical à disposition, faisant connaitre dans tous les dépôts SNCF les propositions issues de l’AG et participa activement à la grande grève des cheminots et cheminotes de l’hiver 1986/1987.
Michel Desmars fut réélu au secrétariat fédéral de la CFDT cheminots lors de l’assemblée générale d’avril 1989 à Port-Leucate (Aude). Au début de l’année 1990, les cheminots des régions de Tours et de Toulouse expédièrent un train humanitaire en Roumanie : Michel Desmars participa à l’expédition du 28 janvier au 2 février 1990 et aux rencontres avec les cheminots de Bucarest. En 1990/1991, Michel Desmars fut le principal négociateur pour la CFDT de la nouvelle grille de rémunération SNCF, en partie liée aux suites de la grève de 1986-87, et il s’impliqua fortement pour que celle-ci ne soit pas rejetée lors de l’AG de la Branche CFDT Cheminots du 6 juin 1991.
Michel Desmars participa activement aux combats de la « gauche CFDT » : à l’occasion des congrès fédéraux et confédéraux, mais aussi avec le souci de se doter d’outils utiles aux équipes syndicales, comme les revues Résister à partir de 1979, Alternative syndicale à partir de 1983, Collectif à partir de 1987, ou encore Les cahiers syndicaux (102 numéros d’avril 1987 à décembre 1995). Il raconta cette période dans un article du numéro 4 des Cahiers Les utopiques (voir Christian Mahieux). En Haute-Garonne, il fut des principaux animateurs de la revue Collectif 31.
Il partit à la retraite en août 1992, s’installa à Toulouse avec Marie-Françoise Vabre et milita ensuite dans les associations : Agir ensemble contre le chômage (AC !), Droit au logement (DAL), mais aussi à l’Union régionale des retraités CFDT jusqu’en 1995. Il participa à la création de SUD-Rail en 1996, et fut chargé de la mise en place de la liaison des retraités, et participa activement aussi à la création du syndicat SUD-Rail Midi-Pyrénées. Parallèlement, il était toujours actif dans l’interprofessionnel en Haute-Garonne, où il contribua, à la création et au développement de ce qui devint l’Union syndicale Solidaires. Il poursuivit ses activités au sein de la fédération SUD-Rail par une aide à la formation syndicale et à la commission internationale. A ce titre, il se rendit disponible pour de nombreuses initiatives syndicales internationales (en Ukraine, en Palestine, au Mali, en Bosnie-Herzégovine, au Brésil, en Tunisie, en Corée, au Maroc, etc.), souvent avec de jeunes militantes et militants à qui il transmis son expérience, à travers sa pratique, ses récits. Michel Desmars participa aux Marches internationales contre le chômage et la précarité ; ainsi, en 1997, il était parmi les marcheurs et marcheuses qui allèrent de Tanger à Amsterdam. Il participa en 2005 à Dakar, à la création du Réseau Rail Sans Frontière, dont il assura la production du bulletin d’information de 2011 à 2016, tout en participant aux rencontres internationales de ce Réseau. En 2018, il fit partie de la délégation SUD-Rail/Solidaires aux troisièmes rencontres du Réseau syndical international de solidarité et de luttes, à Madrid.
À l’occasion des 50 ans de Mai 68, il participa aux débats sur l’autogestion dans les années 68, organisés par Alternatives et autogestion (A&A), l’Association Autogestion (AA), l’Association des communistes unitaires (ACU), les Amis de Tribune socialiste (ATS), l’Observatoire des mouvements de la société (OMOS), le Réseau pour l’autogestion, les alternatives, l’altermondialisme, l’écologie et le féminisme (AAAEF), Solidarité écologie gauche alternative (SEGA), les éditions Syllepse et l’Union syndicale Solidaires. Il avait publié « Mai 68 à Tours, souvenirs, souvenirs… » dans le numéro 7 de la revue Les utopiques. Il témoigna également lors d’une émission de la radio Demain Le grand soir.
Michel Desmars a contribué à la formation de nombre de militantes et militants : par sa pratique quotidienne durant des années, alliée au souci de transmission et à la volonté de construire dans la durée des outils permettant l’organisation des travailleurs et travailleuses pour leur émancipation.
Michel Desmars fut élu conseiller municipal de Toulouse (Haute-Garonne) en 2001 sur la liste « Motivé-e-s » et en démissionna en janvier 2008. En 2007, il était un des principaux responsables de l’équipe de campagne de José Bové pour l’élection présidentielle. En 2005, il s’était installé avec sa compagne Odile, au [Le] Verdier (Tarn) où il fut élu maire en 2014 et réélu en 2020. Michel Desmars a signé plusieurs textes d’un pseudonyme qu’il utilisa ensuite pour son adresse mail : Vouvray, un clin d’œil à la Touraine, au vignoble, au « bon-vivant » partageur qu’il fut.
Marié, puis séparé, il eut trois enfants dont l’un devint cheminot. Michel Desmars décéda le 21 décembre 2021.
Par Michel Gorand, Christian Mahieux
SOURCES : Arch. PPo, SNCF S30. — Arch. CFDT. — Note de Marie-Louise Goergen. — Correspondances avec le militant, 2002 et 2018. — Michel Gorand in
L’Histoire de la fédération des cheminots CFTC puis CFDT depuis février 1918, Créteil 2016. — Notes R. Dupuy — R. Bianco, Un siècle de presse… , op. cit. — G. Fontenis, L’autre communisme…, op. cit. – Les utopiques. — Arch. C. Mahieux.