GONZALLE Jean-Louis

Né le 12 juillet 1815, à Reims (Marne), mort en cette ville, le 29 septembre 1879. Ouvrier tisseur, cordonnier et poète.

Avant 1848, il était l’ami des icariens de Reims, mais rien ne permet d’affirmer qu’alors il adhéra fermement à leur groupe. Lamartine l’honorait de son amitié et rédigea une lettre préface pour son recueil de poésies le plus important, Les Muses prolétaires. La plus ancienne intervention de Gonzalle dans les questions sociales, dont on ait retrouvé la trace, remonte à septembre 1834. Lors des grèves qui avaient eu lieu à ce moment-là dans le textile rémois, Hippolyte Tampucci avait cru devoir, dans son journal Le Grappilleur, rétracter certains propos qu’il avait tenus antérieurement contre Barbe, l’un des patrons du textile. Dans une lettre signée L.-J. Gonzal, prolétaire, Gonzalle le lui reprocha vivement.
Aussitôt après la révolution de Février, Gonzalle se joignit aux ouvriers icariens de Reims, pour fonder un « Comité électoral de la Démocratie rémoise » dont la présidence lui fut donnée. Il y déploya une éloquence propre à porter sur la foule, et parvint, de la sorte, à rassembler jusqu’à 1 500 auditeurs ouvriers. Le 15 mars 1848, il fit un discours rejetant toute collaboration avec la bourgeoisie : « Il faut prouver que le peuple est assez instruit pour défendre lui-même ses intérêts. » Il obtint de Menier qu’il fasse de sa feuille, Le Républicain, qui végétait péniblement, l’organe du « Comité électoral de la Démocratie rémoise ».
Tous les trois ou quatre jours, les icariens se réunissaient et ces réunions connaissaient une affluence toujours croissante, mais, grâce à Gonzalle, l’ordre et le calme le plus complet ne cessaient d’y régner. Il prenait la parole à toutes les séances. Ses cibles favorites étaient l’ancienne opposition constitutionnelle et la municipalité provisoire. Le 26 mars, au cours d’une réunion, il fit décider la publication d’un manifeste « ni très révolutionnaire ni très socialiste » (ce sont ses propres paroles) qui devait compléter l’« Avis au Peuple » placardé le 7 mars, sur les murs de Reims. Dans ce manifeste les icariens demandaient la liberté de réunion, de presse, des cultes, le suffrage universel direct, la réduction des armées, l’instruction gratuite, la suppression de la peine de mort, l’élection à toutes les fonctions publiques, même ecclésiastiques, la suppression des couvents, l’impôt progressif sur le revenu, le maximum sur les subsistances, des poursuites contre les spéculateurs, l’organisation du travail avec un salaire minimum garanti.
À la suite des troubles qui éclatèrent le 10 avril, Gonzalle intervint, vainement, à Châlons-sur-Marne et à Paris, pour obtenir la libération de Cerbelaud.
Le 16 avril 1848, revenu de ses préventions contre les républicains, il se déclara partisan d’une union avec eux en vue des élections du 23 avril. Cet appel à l’union fut entendu des ouvriers. Une première liste fut dressée qui comprenait trois ouvriers icariens : Damin, Bérat, Millet-Lecoq, des non-icariens sympathisants comme Tampucci et Saint-Rémy, des républicains bourgeois comme Duclerc ; Gonzalle avait proposé et défendu la candidature du phalanstérien Allyre Bureau, rédacteur à Démocratie pacifique. Lui-même refusa d’être candidat, « dans un but d’union et de concorde » La liste définitive du « Comité électoral de la Démocratie rémoise » comprit le bourgeois Duclerc, les ouvriers Damin, Millet, Bérat, Saint-Rémy et Tampucci. Elle n’obtint qu’un nombre infime de voix.
Sous l’Empire, Gonzalle se tut. Il fit même sa soumission, et écrivit « La France et l’Espagne », ode à l’impératrice Eugénie et « L’Empire », ode à la gloire de Napoléon III. Voir Butot E.*, Cerbelaud*, Gellé*, Tampucci Hippolyte*

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article31831, notice GONZALLE Jean-Louis , version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 5 août 2021.

ŒUVRES : La plus intéressante pour l’histoire du mouvement ouvrier : Souvenirs de la Révolution à Reims, 2 tomes manuscrits déposés à la Bibl. Mun. de Châlons-sur-Marne. — Les Coups de fouet et À bas les Masques (1860) (on y trouve les poésies en l’honneur de l’impératrice et de l’empereur). — Poèmes, satires et poésies diverses. Reims, s. d. in-8, 352 p. — Éloge du Maréchal Drouet, comte d’Erlon. Poèmes en vers suivis d’une ode, Reims, 1844, in-8°, 16 pp. — Étude historique et philosophique sur le nombre 3, s. l. n. d. in-8°, paginé 37-50. — L’Euménide. Poèmes et satires en vers précédés d’une lettre de Béranger, Paris, Reims et Troyes, 1848, in-8, XVI + 304 pp. — Poèmes, satires et pièces diverses précédés d’une notice par Eugène B. et d’une lettre de M. A. de Lamartine, Paris, 1843, in-8, XVIII + 218 pp. — La Muse prolétaire. — Le vin de Champagne.
Dans les dernières années de sa vie, Gonzalle écrivit une histoire des hôpitaux de Reims demeurée inédite, et il rassembla des notes sur l’invasion de 1870-1871.

SOURCES : Boussinesq et Laurent, Histoire de Reims..., t. II, 2e partie. — Jean Prugnot, « Écrivains ouvriers », dans Maintenant, n° 9-10, 1948. — Alphonse Viollet, Les Poètes du peuple au XIXe siècle, Paris, 1846. — Jean Prugnot, Des voix ouvrières, Plein chant, 2016.

ICONOGRAPHIE : Boussinesq et Laurent, ouvr. cité, p. 517.

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