GUÉROULT Adolphe

Né le 29 janvier 1810 à Radepont (Eure), mort à Vichy (Allier) le 21 juillet 1872. Saint-simonien à ses débuts dans le journalisme.

Après des études secondaires au Petit séminaire d’Écouis (Eure) et au collège royal Charlemagne à Paris, Adolphe Guéroult, fils d’un important et influent manufacturier normand, devint employé de bureau puis journaliste. Gagné à la doctrine saint-simonienne et collaborateur du Globe, quotidien, en 1831-1832, et d’abord peu convaincu par la morale du Père Enfantin, il finit par s’y rallier à peu près complètement. Après avoir été l’amant de Pauline Roland* (voir à ce nom), il épousa en 1838 une autre saint-simonienne, Anaïs Cazeaux* (voir à ce nom).
Lorsque disparut Le Globe, et avant même la dispersion de l’école saint-simonienne, il passa à la rédaction de journaux représentatifs des intérêts matériels de la bourgeoisie orléaniste, comme Le Temps — le premier quotidien de ce nom qui ait paru à Paris et qui n’a que de très lointains rapports avec Le Temps de Nefftzer fondé en 1861. Il collabora aussi au grave Journal des Débats. Du saint-simonisme, Guéroult ne retint plus dès lors que le souci de la productivité, que l’intérêt pour les grandes affaires.
En 1842, il accéda à la notoriété en publiant coup sur coup deux fortes brochures : Les Colonies françaises et le sucre de betterave, et De la question coloniale. Parmi d’autres, ces écrits contribuèrent à orienter l’opinion métropolitaine dans ce que l’on appelait alors « la question des sucres », question dont on parlait partout, y compris dans les salons où vivaient les personnages réels qu’Alfred de Musset mettait en scène dans ses Comédies et Proverbes. Il s’agissait de savoir si le sucre de canne produit par les esclaves noirs présentait encore beaucoup d’intérêt quand les modernes esclaves qu’étaient les prolétaires blancs pouvaient produire, dans la métropole même, des quantités croissantes de sucre de betterave, et subsidiairement si l’esclavage des noirs, que l’Angleterre avait aboli dans ses colonies en 1833, méritait d’être conservé. Guéroult ne mêlait aux considérations économiques aucune considération humaine. Ce n’est pas sur ce plan, sur lequel à coup sûr Saint-Simon puis les saint-simoniens jusque vers 1834, se seraient tenus aussi, que Guéroult se plaçait.
Il acheva sa formation générale en entrant dans les services diplomatiques de la monarchie de Juillet, occupant successivement les postes consulaires de Mazatlan (Mexique) et de Iassi (Moldavie, alors principauté turque dotée d’une autonomie administrative réduite). Sa carrière s’acheva en 1848 par une destitution.
Orléaniste de la veille et républicain du lendemain, Guéroult reprit sa plume, de 1848 à 1851, dans de nombreux périodiques et dans des quotidiens. On notera sa présence passagère, à l’automne 1848, dans la rédaction du Crédit, quotidien fondé par Enfantin en vue de créer une République « que les banquiers créditassent et que les prolétaires défendissent ».
Guéroult était un technicien des questions économiques et il commençait son apprentissage de technicien des questions de presse. Comme Enfantin*, il eût préféré, pour l’élection présidentielle du 10 décembre 1848, le succès de Cavaignac à celui de Louis-Napoléon Bonaparte. Aussi, le 2 décembre 1851, fut-il un des journalistes emprisonnés. Mais cette incarcération fut très courte.
Chef de bureau au Crédit mobilier des Péreire dès la fondation de cet établissement, Guéroult devint en 1857 rédacteur en chef de La Presse, qu’Émile de Girardin avait fondée sous la monarchie de Juillet. En 1859, il créa un quotidien nouveau, L’Opinion nationale, attaché à l’étude soigneuse des problèmes de la production et de la distribution de la richesse. Parmi les thèmes politiques développés, il y eut celui d’une alliance de la démocratie et de l’Empire.
Guéroult se souvint parfois des expériences faites par l’école saint-simonienne, à l’époque où elle accueillait des prolétaires dans son « degré des ouvriers ». Voir Blanc Jean-Jacques* Député de 1863 à 1869, il ne joua pas un grand rôle au Corps législatif ; on savait seulement quand il parlait qu’il exprimait à peu près les idées du prince Jérôme-Napoléon, dit Plon-Plon, animateur d’un « napoléonisme de gauche » qui séduisait certains ouvriers parisiens plus ou moins proches de la personne et de la pensée de Proudhon, et des journalistes, également d’affinités proudhoniennes.
C’est dans L’Opinion nationale du 17 octobre 1861 que Tolain* publia la lettre ouverte qui commença à le faire connaître, et c’est dans L’Opinion nationale du 17 février 1864 que parut le « Manifeste des Soixante », en partie sans doute rédigé par Tolain, mais qui, parmi ses soixante signataires, comptait des hommes tels que le futur directeur de la Monnaie sous la Commune, Camélinat.
Après le 4 septembre 1870, Adolphe Guéroult se rallia à la République. Il provoqua, après le 18 mars 1871, la manifestation des journaux qui invitèrent la bourgeoisie parisienne à ne pas prendre part aux élections pour la Commune. Voir aussi Pauline Roland*.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article32116, notice GUÉROULT Adolphe, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 8 janvier 2017.

œUVRE : Les théories de l’Internationale, 1872

SOURCES : S. Charléty, Histoire du Saint-simonisme, Paris, 1931. — Robert, Bourloton et Cougny, Dictionnaire des Parlementaires français.

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