GUINARD Joseph, Auguste

Par Jean Maitron, Jean Risacher

Né le 29 septembre 1799 à Paris, mort à Villepreux (Seine-et-Oise) le 6 juin 1879. Militant républicain sous la Restauration et la monarchie de Juillet. Représentant démocrate de la Seine en 1848.

Guinard était le fils d’un député au Conseil des Cinq-Cents, devenu tribun sous le Consulat et l’Empire. Il avait fait ses études à Sainte-Barbe où il se lia avec Godefroy Cavaignac*.
Il fut l’un des fondateurs de la Charbonnerie française, ami des quatre sergents de La Rochelle et du général Berton. Demeurant rue du Cherche-Midi, à Paris (Xe arr., maintenant VIe), il fut compromis dans la conspiration de Saumur, impliqué dans l’affaire de Belfort et inculpé dans des procès politiques en 1822. Membre de la fraction républicaine et du comité de la Société Aide-toi, le ciel t’aidera, il contribua à en durcir les positions. Il coopéra à la fondation du National au début de 1830, prit une part très actives aux journées de Juillet, participant entre autres à la prise du Louvre le 29 Il fut l’un des premiers qui entrèrent aux Tuileries et,de sa main, remplaça le drapeau blanc qui flottait sur le dôme du palais par le drapeau tricolore. Décoré de Juillet, malgré son républicanisme connu, il fut nommé à la commission des récompenses nationales. Il devint pour peu de temps avec Cavaignac commandant de l’une des batteries d’artillerie de la Garde nationale, ce qui fut très utile aux républicains à cette période. Il demeurait alors dans le Faubourg Saint-Germain, au 8, passage Sainte-Marie (Xe arr., maintenant rue P.-L. Courier, VIIe). Démissionnant au début décembre de la Société Aide-toi, le ciel t’aidera, jugée trop tiède, il rejoignit la Société des Amis du Peuple et prit sa part dans l’agitation du moment ce qui lui valut d’être appelé par Rémusat « le Don Quichotte de l’insurrection ». Inculpé de complot, il comparut au procès des Dix-Neuf (8 au 15 avril 1831) où il fut acquitté. Il participa, avec les rescapés des répressions aux journées des 5 et 6 juin 1832 où il fut l’un de ceux qui se distinguèrent le plus sur les barricades et, le 18 septembre, à la création de l’Association en faveur de la presse patriote. Parallèlement, il semble qu’il ait rejoint la Société des Droits de l’Homme dès ses débuts, voire même à travers les sections ouvrières des Droits de l’Homme existant au sein de la SAP, puisqu’il fut membre, en automne 1832 de son Comité centralisateur de 5 membres avec Auguste Caunes*, les ouvriers Lambert* et Soulier* ainsi que Cavaignac, membre également fin 1833 du Comité d’affiliation républicaine... Dès les premières manifestations de l’insurrection, le 12 avril 1834, il fut arrêté et conduit à La Force, puis le 1er juin à Sainte-Pélagie. Il fut désigné pour faire partie du comité de défense organisé par les détenus qui nomma les défenseurs. Après s’être vu refuser la défense de Frédéric Degeorges*, il participa à l’évasion collective du 12 juillet 1835, et s’exila en Angleterre. Il fut condamné par contumace par la Cour des pairs à la déportation le 23 janvier 1836.
Il profita sans doute de l’amnistie d’avril 1840, car il était à Paris au plus tard au printemps 1845, prononçant en effet un discours aux obsèques de Godefroy Cavaignac le 5 mai, et membre du conseil de rédaction de La Réforme à partir du 24 mai. Il avait gardé des relations avec la Société Démocratique Française, comme en témoigne un voyage à Londres en avril 1846, en relation avec le soulèvement écrasé de Cracovie
Lors des journées de Février 1848, il s’empara, à la tête de quelques révolutionnaires, de la caserne des Minimes, puis marcha sur l’Hôtel de Ville avec la 8e légion, et fut l’un des premiers à proclamer la République.
Celle-ci instituée, il fut nommé adjoint au maire de Paris, mais refusa le poste de préfet de police. Les électeurs de la Seine le choisirent, le 23 avril, pour leur 33e représentant (sur 34 à élire) avec 106 262 voix sur 267 888 votants et 399 191 inscrits. Son action parlementaire fut sans éclat. Il se prononça cependant, le 2 novembre 1848, pour le droit au travail et en 1849 pour l’amnistie aux transportés de Juin.
Les Journées de Juin avaient en effet eu pour lui une valeur particulière. Les insurgés étaient parmi ses amis politiques, mais le frère de Godefroy Cavaignac dirigeait la lutte pour « l’ordre ». Après avoir hésité, Guinard rejoignit les défenseurs de l’ordre et tira sur les insurgés. Les sentiments l’avaient emporté sur les engagements politiques... Il accepta alors le poste de chef d’état major de la garde nationale et organisa la légion de l’artillerie parisienne.

Mais tout étant devenu plus clair pour lui le 13 juin 1849, le colonel de l’artillerie de la garde coloniale qu’il était devenu entraîna dans l’affaire du Conservatoire des Arts et Métiers quelques canons, sans aucun résultat. La Haute Cour de Versailles le condamna à la détention perpétuelle. Napoléon III le fit libérer en 1854. Il n’avait pas dû oublier que, le 13 août 1850, alors qu’il visitait à Fixin un monument élevé à la mémoire de son oncle, son hôte Claude Noisot avait plaidé en vain la cause de Guinard. Libéré, celui-ci ne tenta plus de refaire une carrière politique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article32234, notice GUINARD Joseph, Auguste par Jean Maitron, Jean Risacher , version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 20 août 2016.

Par Jean Maitron, Jean Risacher

SOURCES : Arch. Dép. Paris (Seine), registres d’écrou DY/8 8-1252 ; DY/4 25-7705 ; DY/8 8-1698. — Cour des pairs, Affaire du mois d’avril 1834. Rapport fait à la Cour des pairs par M. Girod (de l’Ain), Imprimerie royale, Paris, 1834-1836, — Tableau synoptique des accusés d’avril jugés par la cour des pairs établi par Marc Caussidière, Lyon, imprimerie de Boursy fils, 1837, Arch. Nat. BB 30/294, Bibl. Nat. in-4° Lb 51/24984. — Cour des pairs. Procès politiques, 1830-1835, Inventaire dressé par J. Charon-Bordas, Paris, Archives Nationales, 1983. — Gazette des Tribunaux, 18 avril-6 juin 1835. — Louis Blanc, Histoire de Dix ans (1830-1840), Paris, Pagnerre, 1841-1844, 5 vol., diverses rééditions, 1846 à 1877. — Jean-François Rittiez, Histoire du règne de Louis-Philippe, Paris, V. Lecou, 1855, 3 vol.. — Pascal Rhaye, Les Condamnés de Versailles, Paris, l’auteur, 1850. — A. Robert, E. Bourleton, G. Cougny, Dictionnaire des Parlementaires français, 1789-1889, Paris, Borl, 1891 — J.-Cl. Caron, La société des Amis du Peuple (1830-1833), mémoire de maîtrise, sous la direction de Louis Girard, Paris IV, 1978. — Henri Vienne, Dix jours à Paris du dimanche 25 juillet au mardi 3 août 1830 par Henri Vienne, publ. par son petit-fils Henri Soret, Mémoires de la Société bourguignonne de géographie et d’histoire, tome VIII, 1892, p. 120. — Note de J. Grandjonc.

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