Né à Alençon (Orne) le 15 novembre 1757, guillotiné à Paris le 4 germinal an II (24 mars 1794).
Son père était maître-orfèvre à Alençon. Sa mère appartenait semble-t-il à la noblesse. Il étudia au collège de sa ville natale, tenu par des prêtres séculiers depuis l’expulsion des Jésuites. Devenu clerc de procureur, les suites d’une aventure galante l’obligèrent à quitter Alençon et à se réfugier à Rouen, puis à Paris, en 1780.
Hébert passa à Paris plusieurs années difficiles. En 1787 et 1788, il était une manière de personnage, « contrôleur et chargé de la location des loges », au théâtre des Variétés. Il abandonna la place, vraisemblablement sans avoir volé la caisse, accusation traditionnellement portée contre lui mais que rien ne soutient, pour recommencer une vie besogneuse. Il fit en 1790 des travaux de librairie et participa obscurément aux événements révolutionnaires. Au mois de juin ou de juillet commença à paraître son Père Duchesne.
Hébert n’était pas l’inventeur du personnage du Père Duchesne, personnage du théâtre populaire, marchand de fourneaux, plébéien au langage énergique et ponctué de jurons. Il ne fut pas non plus le seul à exploiter cette veine. Le Père Duchêne de Lemaire commença le 2 septembre 1790 et en décembre parut Le Père Duchêne de l’abbé Jumel.
Assez rapidement, des trois feuilles concurrentes, celle de Hébert obtint le plus d’audience dans les classes populaires. Il y dénonçait les scandales de la cour, l’exploitation éhontée des pauvres par les riches, des faibles par les puissants, et la duplicité des prêtres qui enseignent une morale qu’ils ne pratiquent pas. Il y préconisait l’organisation d’un enseignement élémentaire pour les enfants des « sans-culottes » et d’une sorte d’assistance sociale pour les vieux pères des « sans-culottes ».
Sa popularité valut à Hébert d’être élu substitut du procureur de la Commune de Paris, le 22 décembre 1792.
Il était dès lors une puissance politique. Le Père Duchesne influençait la sans-culotterie parisienne dans la capitale, mais aussi les bataillons de volontaires aux armées.
Ennemi des Girondins, Hébert fut aussi l’adversaire des Enragés, et en particulier de Jacques Roux dont il n’admettait pas les propositions de nourrir les sans-culottes grâce à un ensemble de mesures de contrôle et de direction de l’économie. Faut-il ne voir dans son conflit avec Jacques Roux qu’une rivalité de personnes ?
Mais dans l’hiver 1793-1794 commença une lutte entre Hébert et le Comité du Salut public, qui allait vite devenir une lutte inexpiable. Hébert et plusieurs groupes d’hommes, dont ceux qui étaient autour du secrétaire-général du ministère de la Guerre Vincent, avaient de nombreux désaccords avec le Comité de Salut public sur les questions religieuses, sur les généraux, sur la politique étrangère, etc... Les « Hébertistes » semblèrent, au cours du mois le plus trouble de la Terreur, en ventôse an II (février-mars 1794), vouloir entreprendre une insurrection. Gagnés de vitesse par le Comité de Salut public, ils furent envoyés devant le Tribunal révolutionnaire sous quatre chefs d’accusation : 1) Propos séditieux ; 2) Affiches séditieuses ; 3) Sabotage du ravitaillement ayant abouti à la disette dans Paris ; 4) Projet de massacrer les détenus dans les prisons.
Ni la « conspiration des prisons », ni le plan de révolution parisienne par la famine organisée n’avaient de réalité. Au vrai, la responsabilité du détestable ravitaillement de Paris revenait au Comité du Salut public, et ses motifs pour en finir avec les « hébertistes » étaient d’ordre purement politique. En s’entêtant dans la déchristianisation, les « hébertistes » compliquaient encore les questions intérieures parce qu’ils heurtaient les sentiments chrétiens des classes populaires. En paraissant favorables à un programme de guerre universelle révolutionnaire, en attaquant jusqu’aux républiques neutres ou amies, comme les cantons suisses ou les États-Unis d’Amérique, qui fournissaient du blé à la France, en acceptant parmi eux comme « patriotes étrangers » beaucoup trop d’espions, ils compliquaient encore les problèmes extérieurs et la guerre. En vain, juste à la veille d’être arrêté, Hébert fit-il machine arrière sur la déchristianisation, disant que lui non plus ne méconnaissait pas les mérites du « sans-culotte » Jésus et qu’il considérait l’Évangile comme un bon livre de morale populaire, dont il fallait encourager la lecture.
L’exécution de Hébert, et de tous ceux qui furent confondus sous le nom d’hébertistes, loin d’améliorer la position du Comité de Salut public dans les masses parisiennes, compliqua tout et annonça la désaffection dont les robespierristes à leur tour furent les victimes le 9 thermidor.
La femme de Hébert, Françoise Goupil, religieuse défroquée, épousée en 1791, fut guillotinée vingt jours après son mari.
Nombre d’hébertistes rejoindront les robespierristes dans le babouvisme, après l’épreuve commune des prisons thermidoriennes.
Comme courant d’idées populaires au XIXe siècle, l’hébertisme eut une importance non négligeable. On trouvait facilement sur les quais — Jules Vallès le rappelle encore quelque part — des numéros dépareillés du Père Duchesne. Il n’en coûtait que quelques sous. Hébert devint donc familier à beaucoup. On comprend ainsi le succès des Père Duchesne de 1848 et de 1871, pour ne pas parler des imitations durant les Cent-Jours ou au début de la monarchie de Juillet, pour ne pas parler non plus de publications tendant sous la Restauration à ressusciter une opinion populaire, comme les Petits livres du Père Michel de Sauquaire-Souligné.
Sous le Second Empire, Gustave Tridon publia une brochure, Les Hébertistes, qui plaidait auprès des blanquistes, généralement robespierristes comme Auguste Blanqui lui-même, la cause des vaincus de germinal an II. Le débat entre robespierristes et antirobespierristes s’en trouva rajeuni et ranimé, à la veille du 4 septembre 1870 et de la Commune. Les antirobespierristes, renversant un mot connu de Mme de Staël, firent de Robespierre un « Bonaparte à pied » et de Hébert comme de ses proches une cohorte de héros « libertaires », qui n’avaient proprement pas grand-chose à voir avec les personnages historiques qu’ils avaient été.
SOURCES : Le Père Duchesne, édité par F. Braesch, 1er vol. — Gérard Walter, Hébert et le Père Duchesne, Paris, 1946. Ce volume contient une bibliographie, et notamment une bibliographie du Père Duchesne (une cinquantaine de numéros conservés en pièces isolées, de septembre à décembre 1790 ; série numérotée de 1 à 345 de janvier 1791 à mars 1794 ; pour le début de la publication, juin-juillet à septembre 1790, rien ne subsiste). — Louis Jacob, Hébert. Le Père Duchesne chef des sans-culottes, Paris, 1960. — François Furet, Monz Ozouf, Dictionnaire critique de la Révolution Française, Flammarion, 1988, article « Hébertistes », p.386-392