HÉRAUDEAU Pierre, Georges (abbé)

Par Notice réécrite par François Gaudin.

Né le 30 mai 1813 à Saint-Martin-de-Ré (Île de Ré, Charente-Maritime), sous les prénoms de Mathieu (prénom de son père), Georges - mort à La Rochelle (Charente-Maritime), le 28 février 1874 ; prêtre catholique ; républicain et socialiste, il tenta de concilier le catholicisme et les valeurs prônées par la République.

Natif de l’île de Ré, Héraudeau habitait Pont-l’Abbé-d’Arnoult où il exerçait son ministère ainsi qu’à Saint-Sulpice d’Arnoult, lorsqu’il fut sollicité, à l’été 1843, par le principal du collège de La Rochelle, situé à une cinquantaine de kilomètres, pour en être l’ aumônier. Il prit l’avis du vicaire général en août, fut intégré à titre provisoire puis à titre définitif, fin 1843. Il donnait toute satisfaction puisque le recteur de l’académie de Poitiers lui écrivait notamment : « Vous êtes du nombre de ces hommes dont le caractère comme le talent est vite apprécié, et qu’on est heureux d’attacher immédiatement par des liens aussi chers qu’indissolubles à un grand établissement d’instruction publique. »
En 1848, l’abbé Héraudeau fut un de ceux qui crurent à la possibilité de souder au catholicisme les conceptions socialistes modernes que la nouvelle République semblait devoir réaliser. Avec Paul Chantôme, Jean-Baptiste Loubert, jésuite également défenseur du magnétisme humain, et Anatole Leray, ecclésiastiques comme lui, il fonda Le Drapeau du Peuple, journal de la démocratie et du socialisme chrétien, pour tenter de rallier aux idées du groupe les socialistes et aussi le clergé de province. Il ne rallièrent guère, selon Lefrançais, que l’abbé de Montlouis, qui connut ensuite la prison. Le conseil de rédaction comprenait 25 ouvriers. Le journal disparut en juin 1850.
En juin 1848, Héraudeau fut dénoncé comme socialiste auprès du recteur qui transmit au ministre. Sa suspension était décidée au 21 décembre 1848. Il habitait alors à Paris, 3, rue Saint-Lazare. Sa révocation, décidée avant le changement de ministre, fut entérinée par Falloux en janvier 1849, en dépit des démarches et demandes d’audience. Le 23 janvier, pour se justifier, il écrivit dans La Démocratie pacifique un article intitulé « Christianisme et socialisme ». Il y rappelait que « quelques services rendus à la classe ouvrière de La Rochelle » lui avaient valu d’être porté à la présidence d’un Comité démocrate-socialiste. Et il ajoutait : « Le socialisme qui fait tout mon crime n’est autre que l’application pratique des trois grands principes de liberté, d’égalité et de fraternité que la République proclame. » Il forma en vain un pourvoi devant le conseil d’État, sa cause étant défendue par Dupont de Boussac.
Le 10 février, séjournant à La Rochelle, il devait participer à une réunion publique à l’Hôtel de ville. Son évêque chercha à le dissuader de « laisser un pareil exemple » avant de quitter son diocèse. Le 4 mars 1849, La Démocratie pacifique signala qu’un banquet démocratique et social avait été organisé à La Rochelle afin de lui exprimer la reconnaissance du peuple pour s’être dévoué depuis douze ans en faveur des travailleurs. Proclamant son admiration pour Proudhon, il prêchait le socialisme dans sa région et jusqu’à Bordeaux. Candidat républicain du comité central aux élections des représentants des 13 et 14 mai 1849, il obtint plus de cinq mille voix. Avec quelques professeurs, il participa activement aux réunions d’un club dit « des ouvriers » dans lequel se retrouvaient, trois fois par semaine, quinze cents à deux mille personnes, selon Delafosse.
À l’automne 1849, il séjourna à Rochefort, Saint-Jean d’Angély, Pont l’Abbé et son passage eut un écho qui contraria les autorités ecclésiastiques : « Tout le diocèse en a retenti, on a relevé, répété, fait circuler, commenté toutes vos paroles. » Ce qui avait fait dire à l’évêque que son « apparition ne serait pas sans inconvénient ». Début octobre, Héraudeau séjournait à La Meilleraie près de Nantes.
Sa réputation lui valut d’être mentionné dans le mensuel Evangelical Christiandom pour avoir pris au sérieux les évêques qui avaient proclamé, pendant la Révolution de février, « Liberté, Égalité, Fraternité », et pour avoir persisté après « la fin de la farce ».
Ayant perdu ses sources de revenus, il tenta en vain de se concilier les grâces de son évêque qui lui écrivit le 1er décembre 1849 : « Vous avez prêché hautement le socialisme que condamnent hautement les évêques de France ». Il se défendait d’avoir participé au Drapeau du Peuple, journal de la démocratie et du socialisme chrétien, de Chantôme, qualifié de « nouveau Luther ».
En 1851 il ouvrit à Montmartre une maison de santé, de retraite et de convalescence pour dames qui ne dut pas connaître le succès. Il habitait depuis au moins novembre 1849 4, rue des Moulins. Il contribua ponctuellement au Dictionnaire universel de Maurice Lachâtre, suffisamment en tout cas pour participer au repas organisé pour la fin de sa rédaction, en 1856. Il y côtoya l’abbé Châtel. À cette époque, il croyait à la métempsychose et disait, selon Jules Levallois, tenir cette croyance de Mickiewicz. Trois ans plus tard, il était employé comme traducteur au ministère de l‘Intérieur et habitait à Paris, 41 bis, rue de Vaugirard. Surveillé par la police, il correspondait avec les réfugiés de Londres. Héraudeau fut aussi un des correspondants de Victor Calland, fouriériste rêvant de créer un phalanstère catholique.
Il demeura dans l’Église. En 1869, il officiait comme prêtre à Pont-l’Abbé-d’Arnoult (Charente-Maritime). Il mourut chez lui, 12, rue Saint-Louis, à La Rochelle.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article32431, notice HÉRAUDEAU Pierre, Georges (abbé) par Notice réécrite par François Gaudin., version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 16 mars 2022.

Par Notice réécrite par François Gaudin.

SOURCES : Arch. Nat. F 18/277. – Arch. Dép. Charente-Maritime 2E 312 715* – Arch. Diocésaines, 2 J 1, Aumônerie des établissements d’enseignement public, 3 Z 17 Papiers privés de Mgr Villecourt, minutier. – La Démocratie pacifique, 25 janvier 1849. – L’Indépendant de la Charente-Inférieure, 13 mars 1849. – Evangelical Christiandom, vol. 3, 1849, pp 76-77. – Le Cri du Peuple, 24 janvier 1887. – Jules Levallois, « Souvenirs littéraires », Revue bleue, 6 avril 1895, 4e série, t. 3, n° 14, p. 427. – G. Lefrançais, Souvenirs d’un Révolutionnaire., Paris, La Fabrique éditions, 2013. — J.-B. Duroselle, Les Débuts du catholicisme social en France (1822-1870)., Paris, PUF, 1951. – Marcel Delafosse, Histoire de La Rochelle, Toulouse, éd Privat, 1985, p. 255.

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