HÉSINE Pierre, Nicolas

Né le 5 décembre 1762 à Évreux (Eure), mort à Rouen (Seine-Inférieure) le 24 février 1821. Militant babouviste. Homme de loi.

Fils du portier du collège d’Évreux, il fit ses études dans cet établissement, fut ensuite l’élève du mathématicien Cousin à Paris et vint comme professeur de mathématiques au collège de Pontlevoy (Loir-et-Cher) le 17 mars 1785. Il épousa, le 10 novembre 1789, la fille du garde-chasse de l’abbaye de Pontlevoy, dont il eut sept enfants.

Au début de 1791, il fonda avec d’autres laïcs enseignant comme lui à Pontlevoy une Société des Amis de la Constitution. Il fut administrateur du département de Loir-et-Cher, le 6 septembre 1791, et membre du Directoire du département le 13 décembre. Administrateur du district de Blois en novembre 1792, il siégea au Comité de surveillance du département, en mai 1793, et fit ensuite partie jusqu’à l’été 1794 de l’entourage des représentants en mission qui dirigèrent la Terreur sur les arrières du théâtre d’opérations de la Vendée et de l’Ouest.

Hésine appartint à la minorité décidée et convaincue qui assura en Loir-et-Cher le détail de la Terreur, particulièrement lors de l’équipée vendéenne sur Granville, avant la défaite du Mans (décembre 1793).

Il était agent national du district de Blois (nommé par Garnier de Saintes en pluviôse an II, mars 1794), quand Ève Démaillot, agent du Comité de Salut public et robespierriste, sur un ordre venu de Paris, le fit arrêter. D’autres terroristes de Loir-et-Cher l’avaient déjà été au printemps. L’arrestation d’Hésine, le 9 messidor (27 juin 1794) à Blois, fut suivie de son transfert à la prison Sainte-Pélagie à Paris. Comme ses amis de Loir-et-Cher détenus depuis le printemps, Hésine fut libéré seulement en vendémiaire an III (début d’octobre 1794).

Il demeura à Paris, sa famille continuant à résider à Blois. Fort probablement mêlé à l’action sectionnaire parisienne de l’hiver 1794-1795 contre la réaction bourgeoise, il fut appréhendé à la fin de janvier 1795 et les portes de la geôle ne s’ouvrirent pour lui qu’à la fin de la Convention, en octobre 1795, avec l’amnistie de brumaire an IV. Du Luxembourg il avait été transféré à Blois pour y répondre de sa complicité dans une exécution de neuf suspects en frimaire an II (décembre 1793), les suspects étant des gens de l’Ouest évacués devant l’avance vendéenne de Saumur sur Orléans.

Nommé par le Directoire commençant, que les dangers courus par la Convention thermidorienne le 13 vendémiaire an IV avaient quelque peu réconcilié avec les terroristes amnistiés, Commissaire près l’administration cantonale de Vendôme, Hésine poursuivit vigoureusement les chouans et les royalistes modérés du Vendômois. Mais il dépassa les intentions des gouvernants et il fut suspendu (prairial an IV, juin 1796).

À la fin du mois de thermidor (début du mois d’août 1796), Hésine annonça par circulaire qu’à l’occasion du procès qui allait s’ouvrir devant la Haute Cour de Vendôme contre Drouet, Babeuf et leurs coaccusés, il ferait paraître le Journal de la Haute Cour. Il paraîtra, disait-il, « tous les jours et contiendra une demi-feuille d’impression, caractère et format du Journal des Hommes libres. Le prix de l’abonnement par quinzaine sera de trois livres pour Vendôme et trois livres dix sols pour les autres communes, franc de port... L’esprit de liberté dirigera ma plume. Je serai l’écho de la vérité ; si pour oser la dire il fallait être proscrit, je serais prêt à m’asseoir à côté des accusés et à partager leur sort. »

Durant le procès, Hésine hébergea chez lui la femme de Babeuf et son fils Émile. Le Directoire prit un décret éloignant de Vendôme pendant la session de la Haute Cour les fonctionnaires publics destitués et amnistiés. Hésine se rendit à Pontlevoy chez sa sœur, et avec l’aide de sa femme et des avocats, de Charles Ballyer notamment, réussit à publier soixante-treize numéros du Journal de la Haute Cour, ou l’Écho des Hommes vrais et sensibles, du 20 fructidor an IV au 7 prairial an V, veille de l’exécution de Babeuf et de Darthé.
Hésine fut poursuivi à l’occasion du numéro 33, daté du 10 ventôse an V. Il y avait signé une analyse de la doctrine de Babeuf « tendant, selon l’accusation, d’une manière formelle à l’avilissement des membres du Directoire exécutif, à l’établissement de la loi agraire, au rétablissement de la Constitution de 1793, à l’anéantissement de celle de 1795, enfin à opérer l’anarchie et la dissolution du corps social ». Un mandat d’amener du 17 ventôse détermina son arrestation, le 23, à Chaumont-sur-Loire. « Il se disposait à passer le bac de Chaumont à Onzain, pour se rendre à Vendôme y sucer quelques gouttes du lait de Babeuf », écrit le Commissaire du Directoire à Chaumont au ministre de la Police générale. Le tribunal criminel du département jugea Hésine, et malgré ses efforts qu’appuya Réal, ex-juré du Tribunal révolutionnaire, son avocat et l’un des avocats des babouvistes devant la Haute Cour, il fut condamné, le 18 germinal an V (7 avril 1797), à la déportation, pour avoir été appréhendé à moins de dix lieues de Vendôme.

Après le coup d’État du 18 fructidor, ce jugement fut annulé. Hésine fut libéré le 11 vendémiaire an VI (2 octobre 1797). Il se dépensa, lors des élections de germinal an VI, comme électeur et secrétaire de l’administration municipale de Vendôme. Destitué de cette dernière fonction en thermidor (août 1798), il gagna dès lors sa subsistance comme défenseur officieux, c’est-à-dire comme avocat.
Agréé, malgré des oppositions, en qualité d’avoué près du tribunal de première instance de Vendôme, sous le Consulat, Hésine fut dénoncé par le sous-préfet en 1803-1804 comme ayant retardé le départ des conscrits, emprisonné, mais acquitté, faute pour le sous-préfet d’avoir fourni même un commencement de preuve au tribunal. Avoué sous l’Empire, il n’en continua pas moins de rester fidèle à Émile Babeuf et à certains accusés de Vendôme tels que Blondeau, aussi bien qu’aux idées du babouvisme.

Incarcéré en mars 1814 au moment de la défaite, il se plaignit dans une lettre à Fouché qui a été conservée. Le 22 juillet 1815, après les Cent-Jours, les autorités royalistes de Vendôme remises en place par l’étranger le livrèrent aux Prussiens et il fut conduit à Paris. Mais le commandement militaire de la place de Paris, aux mains des vainqueurs de la France, puis la préfecture de police lui donnèrent les papiers nécessaires pour rentrer à Vendôme. Le sous-préfet de Vendôme et le préfet de Loir-et-Cher multiplièrent alors les démarches pour obtenir sa mise en surveillance à Rouen. Il y resta du 13 décembre 1815 au 27 février 1817. On lui laissa quelques jours seulement pour vendre son cabinet, se faire restituer son cautionnement, se faire payer par ses débiteurs, régler ses créanciers. Le ministre Decazes lui octroya, en septembre 1816, un séjour complémentaire d’une quinzaine à Vendôme pour terminer ses affaires, assez pour être dénoncé par les particuliers et inquiété par l’administration.

« Rendu à l’entier exercice de sa liberté », Hésine revint à Vendôme. Il n’y put gagner sa vie. Le sous-préfet voulut monter un procès contre lui sur des ragots de police. Les bureaux de Decazes furent obligés d’écrire au préfet : « Il faut des preuves pour provoquer l’action de la justice et il ne convient pas que des agents de police figurent dans cette affaire. »

Hésine retourna à Rouen et s’établit agent d’affaires, rue des Ramassis, n° 17. Sa mort fut déclarée par deux hommes du peuple, un voiturier et un gendarme de la marine.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article32470, notice HÉSINE Pierre, Nicolas , version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 17 mai 2018.

SOURCES : Arch. Dép. Loir-et-Cher, série M. — État-civil de Rouen. — R. Bouis, « Les étapes de la réaction modérée en Loir-et-Cher » dans les Annales historiques de la Révolution française, 1951.

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