JULLIEN Marc-Antoine, dit JULLIEN DE PARIS

Par Notice revue et complétée par M. Cordillot

Né le 10 mars 1775 à Paris, mort le 4 novembre 1848 à Paris. Fils du Conventionnel Jullien (de la Drôme). Passagèrement babouviste. Fondateur en 1819 de la Revue Encyclopédique, accueillante à toutes les audaces de pensée.

Membre du club des Jacobins en 1791, il fut envoyé à Londres à dix-sept ans comme premier secrétaire d’ambassade. Nommé commissaire aux Guerres dans les Pyrénées en 1793, il attira l’attention de Robespierre qui le considérait comme « un homme énergique et probe, capable des fonctions les plus importantes ». Rappelé en août à Paris, il reçut, le 10 septembre 1793, une mission du Comité de Salut public dans les départements de l’Ouest. Fort de la confiance et de l’amitié de Robespierre (dont il aurait été quelque temps le secrétaire), le « jeune » Jullien devait faire triompher une politique montagnarde, honnête et ferme, en s’affrontant notamment à Carrier (lequel tenta de le faire fusiller), dont il obtint finalement le rappel à Paris..
Arrêté après le 9 thermidor à Bordeaux, où il dirigeait la lutte contre les Girondins, il fut détenu jusqu’au 26 octobre 1795 à la prison du Plessis. Il y rencontra Buonarroti* en avril-mai et Gracchus Babeuf* en septembre. Ce dernier rédigea d’ailleurs en partie le prospectus de L’Orateur plébéien, la feuille que Jullien publia sous le Directoire.
Impliqué dans la conspiration pour l’Égalité, bien que ne partageant pas toutes les vues de Babeuf, Jullien fut contraint de s’enfuir lors de sa découverte. Il se cacha à la campagne, puis se réfugia en Italie où Bonaparte lui confia la rédaction du Courrier de l’Armée d’Italie, journal jacobin. Jullien alla en Égypte, se brouilla ensuite avec Bonaparte, fut secrétaire général du gouvernement provisoire de la République de Naples (1799), puis travailla durant plusieurs années au Ministère de la guerre dans un emploi subalterne jusqu’en 1813, incarcéré alors pour son hostilité contre le despotisme impérial.
Pendant les Cent-Jours, Jullien contribua à la création de L’Indépendant (qui entre autres titres porta ensuite pendant le plus long laps de temps celui de Le Constitutionnel).
Après un voyage en Angleterre (1816-1817) pour y respirer un air de libéralisme, Jullien créa en 1819 la Revue encyclopédique, qu’il dirigea jusqu’en 1831 et qui fut durant la fin de la Restauration le moyen d’expression de tous les novateurs en matière politique et sociale, auquel s’intéressa, entre autres, Henri de Saint-Simon.
L’intérêt principal de Jullien allait aux problèmes d’éducation — il fut en contact avec Pestalozzi — et aux questions scientifiques internationales (il fut avec Alexandre de Humboldt et Arcis de Caumont à l’origine de la création des Congrès scientifique, à partir de 1828 en Allemagne et de 1833 en France). Mais plus généralement, à l’image de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, sa revue resta durant la fin de la Restauration le moyen d’expression de tous les novateurs en matière politique et sociale en même temps qu’une machine de guerre dirigée contre le trône et l’autel.
Jullien ne se désintéressa en effet jamais des questions politiques et il ne perdit pas le contact avec la tradition révolutionnaire. En septembre 1822, il rendit visite à Robert Owen et publia à son retour sur les problèmes de la communauté une « Notice sur la colonie industrielle de New Lanarck, en Écosse, fondée par M. Robert Owen » (Revue encyclopédique, avril 1823). Il fut également en juillet 1827 l’un des fondateurs de la société républicaine « Aide-toi, le ciel t’aidera ». En juillet 1830, il était à l’Hôtel de Ville aux côtés d’Audry de Puyraveau* et de Lafayette. Pendant la Monarchie de Juillet, il eut des rapports suivis avec les réfugiés polonais et hongrois, mais aussi avec certains dirigeants néo-babouvistes, comme Audry de Puyraveau et Voyer d’Argenson*. Il fréquentait dans le même temps les milieux saint-simoniens (ce fut d’ailleurs à des saint-simoniens dissidents — Pierre Leroux*, Hippolyte Carnot* et Jean Raynaud* — qu’il revendit en 1832 la Revue encyclopédique), ainsi que de simples militants comme Jules Gay et sa femme Désirée Gay : ce fut en effet à Jullien que Gay s’adressa en 1831 pour s’informer sur les idées d’Owen. Jullien lui fit alors parvenir un ouvrage de Joseph Rey* (Lettres sur le système de la coopération mutuelle et de la communauté de tous les biens d’après le plan de M. Owen, Paris, 1828) qui fut pour Gay une révélation. En retour, ce fut dans l’établissement d’éducation communautaire ouvert par Désirée et Jules Gay aux environs de Paris que le socialiste anglais John Goodwyn Barmby rencontra Jullien en juin et juillet 1840. Barmby se familiarisa à cette occasion avec le vocabulaire communiste français, ce qui l’amena à créer en anglais les néologismes communist, communism, communitarian et communitarianism, utilisés dans la conclusion de son rapport pour qualifier les idées développées par Jullien.
En 1844, François Duquesne*, ouvrier imprimeur et rédacteur de la Ruche populaire délivrait en outre à M.-A. Jullien un brevet de civisme international : « On devra beaucoup à M. Jullien de Paris, président de la Société l’Union, lequel aura soutenu longtemps cette association utile à tous les hommes. Elle a commencé d’exister en 1803, sous le nom de Société philosophique ; en 1819 elle quitta ce nom pour prendre celui de Société encyclopédique, qu’elle échangea encore en 1830 contre celui qu’elle porte aujourd’hui, Société de l’Union des Nations. »
En dépit de ses divergences avec Buonarroti ou Voyer d’Argenson, Jullien fut donc bien l’un des pionniers de la pensée communiste en France.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article32924, notice JULLIEN Marc-Antoine, dit JULLIEN DE PARIS par Notice revue et complétée par M. Cordillot, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 20 février 2009.

Par Notice revue et complétée par M. Cordillot

SOURCES : Lettres inédites de Jullien et de Saint-Simon (collection Jean-Guy Deschamps) — Une partie des papiers de M.-A. Jullien a été acquise par Riazanov pour le compte de l’Institut du Marxisme-Léninisme de Moscou. — Édouard Lockroy, Une mission en Vendée, Paris, 1893. — Jacques Grandjonc, Communisme/ Kommunismus/ Communism. Origine et développement international de la terminologie communautaire prémarxiste des utopistes aux néo-babouvistes, Trier, Karl Marx Haus, 1989, p. 75-82, 471-477. — Note de J. Grandjonc.

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