KERSAUSIE Théophile, Joachim, René Guillard de [parfois KERSOSI]

Par Notice revue et complétée par Jean Risacher

Né à Guingamp (Côtes-du-Nord) vers 1798. Officier de cavalerie sous la Restauration. Républicain à tendances révolutionnaires, animateur de diverses sociétés et initiateur de société secrète.

Kersausie avait été officier de hussards. Placé dans la garde royale par sa famille, le jeune Kersausie avait même accompagné Louis XVIII à Gand. Il était le neveu du célèbre Premier Grenadier de France, La Tour-d’Auvergne. Alors qu’il était capitaine, son régiment se trouvait à Pontivy (Morbihan) lors de la révolution de Juillet pour laquelle il lui fit prendre parti. Il quitta l’uniforme en entrant dans la vie politique militante. Membre de la Société des Amis du peuple, il fut lié avec François-Vincent Raspail* dès le début de la monarchie de Juillet. Kersausie fut arrêté à la suite du complot de la rue des Prouvaires, découvert le 2 février 1832, victime avec Victor Delaunay*, Napoléon Lebon* et d’autres d’une tentative du gouvernement d’impliquer la SAP dans une alliance carliste-républicaine, sans succès. Il était en 1832 au cloître Saint-Méry. Demeurant 2, rue Vivienne (IIIe arr., ancien maintenant Ier), membre de la Société des droits de l’Homme, il semble avoir soutenu Raspail lorsque celui-ci, sortit de prison en avril 1834, fut élu président du comité de la SDH, le comité Raspail, à tendance girondine, contre le comité Lebon, à tendance montagnarde. Mais une grande partie des dirigeants de la SDH fut arrêtée en juillet et août 1833, Kersausie, le 12 août, ne retrouvant pour la plupart la liberté qu’après leur acquittement au procès des Vingt-Sept (22 décembre 1833). Raspail ne fut acquitté qu’en février 1834 et en son absence un nouveau Comité Central fut désigné, sous la présidence de Cavaignac*, avec Lebon, Kersausie (pourtant à Sainte-Pélagie jusqu’au 26 novembre), etc. Mais celui-ci accusait le comité d’immobilisme et créa en décembre 1833 ou janvier 1834 la Société d’Action qui se développait au sein même de la SDH et prit la forme d’une société secrète. En janvier, Kersausie fut reconnu par le Comité comme chef de la Société d’Action, mais en février la double appartenance ne fut plus tolérée et Kersausie démissionna du Comité en mars. Son organisation avait un caractère prononcé de phalange ouvrière, constituant à l’époque l’extrême pointe du combat républicain. C’est ainsi qu’il la décrivait en critiquant l’attentisme du Comité alors « qu’il existe quatre cents hommes,tous ouvriers ou en veste, qui obéissent à un seul homme en habit : ceux-là seuls sont bons pour attaquer ». Il exerça cependant une très grande influence sur la radicalisation de la SDH en mars et avril 1834. Demeurant Hôtel de Lyon, rue des Filles-Saint-Thomas (IIe arr., ancien et actuel), il fut arrêté dès le 15 avril, à l’issue des journées insurrectionnelles. Écroué à Sainte-Pélagie, il se vit refuser la défense de Raspail. Il refusa de participer à l’évasion collective du 12 juillet 1835 et fut condamné à la déportation par la Cour des pairs le 22 janvier 1836.
Pendant ce temps du 9 octobre 1834 au 27 octobre 1835, durant 383 numéros du périodique, il apporta une collaboration toute relative, vu son incarcération, à Raspail qui défendait le principe du suffrage universel dans Le Réformateur. Journal quotidien des nouveaux intérêts matériels et moraux, industriels et politiques, littéraires et scientifiques. Ainsi que le montrait le sous-titre, d’autre part, les rédacteurs puisaient une partie de leur inspiration dans un saint-simonisme très largement entendu. En fait, sauf peut-être lors d’un séjour en maison de santé, au dernier trimestre de 1834, son soutien fut surtout financier. D’ailleurs une partie de la somme que Kersausie destinait au Réformateur fut saisie chez lui et néanmoins remise à Raspail. Cette collaboration explique sans doute son refus de l’évasion.

Kersausie passa en prison, à Doullens et à Brest, la presque totalité de 1836 et les premiers mois de 1837. Amnistié en mai, il s’exila, puis revint en France. Il fut arrêté à Paris le 30 octobre 1841 et condamné fin novembre à un mois de prison pour rupture de ban. En janvier 1842, la police du Havre était chargée d’exercer sur lui une « surveillance inostensible », alors qu’il se rendait dans le Finistère, à Loc-Maria (aujourd’hui commune de Plabennec).
Kersausie était décrit comme un homme de quarante-quatre ans, brun, de petite taille (1,65 m.), amnistié mais vraisemblablement dangereux.
Kersausie recommença à jouer un rôle important en 1848. Il était actif lors de la manifestation du 15 mai, et assez populaire pour figurer en juin aux élections complémentaires à la Constituante dans la Seine sur la liste adoptée par les clubs réunis, avec Marc Caussidière*, Pierre Leroux*, Pierre-Joseph Proudhon*, François-Vincent Raspail*, Thoré*, Étienne Cabet*, Charles Lagrange*, l’ouvrier cordonnier Savary*, l’ouvrier cambreur Adam* et le monteur en bronze Malarmet*. Il obtint 71 852 suffrages et arriva en troisième position derrière Pierre-Joseph Proudhon*, dernier élu.
Kersausie, qui avait gagné l’étranger, fut condamné par contumace. à la déportation pour complot et attentat à la suite de la journée du 13 juin 1849, il est fort probable qu’il ne se trouvait pas au Conservatoire des Arts-et-Métiers. Proudhon le rencontra à Bruxelles en 1860. Il le dépeint comme un révolutionnaire impénitent, d’une espèce qu’il juge en bloc anachronique. Il trouve toutefois à ce « chambardeur » l’excuse de la naïveté.
Théophile Kersasie, serait-il celui queFrédéric Engels cite dans son chapitre "La revolution de juin" dans Les Journées de juin 1848 ? en écrivant : "Le plan de bataille des ouvriers, que l’on attribue à Kersausie, un ancien officier et ami de Raspail" .../..."Kersausie est prisonnier et probablement, en ce moment, déjà fusillé."

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article32946, notice KERSAUSIE Théophile, Joachim, René Guillard de [parfois KERSOSI] par Notice revue et complétée par Jean Risacher , version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 6 octobre 2019.

Par Notice revue et complétée par Jean Risacher

SOURCES : Arch. PPo., A a/428. — Arch. Dép. Paris (Seine) registres d’écrou DY/8 7 n°922 ; DY/4 21-4893 ; DY/8 -1151 — Arch. Mun. Le Havre, J 2/2, liasse 6. — Cour des pairs, Affaire du mois d’avril 1834. Rapport fait à la Cour des pairs par M. Girod (de l’Ain), Imprimerie royale, Paris, 1834-1836, vol.. — Tableau synoptique des accusés d’avril jugés par la cour des pairs établi par Marc Caussidière, Lyon, imprimerie de Boursy fils, 1837, Arch. Nat. BB 30/294, Bibl. Nat. in-4° Lb 51/24984. — Cour des pairs. Procès politiques, 1830-1835, Inventaire dressé par J. Charon-Bordas, Paris, Archives Nationales, 1983 — Journal du peuple, 31 octobre 1837 et suivants — L’Aimable faubourien. Journal de la Canaille, paraissant le jeudi et le dimanche, n° 2 du 4 au 8 juin 1848. — Pascal Rhaye, Les Condamnés de Versailles, Paris, l’auteur, 1850. — Martin Nadaud, Mémoires de Léonard. — P.-J. Proudhon, Lettres au citoyen Roland, Paris, 1946. — A. Faure, Conflits politiques et sociaux au début de la monarchie de Juillet, 1830-1834, mémoire de maîtrise sous la direction de Philippe Vigier, Paris X-Nanterre, 1974. —J.-Cl. Caron, La société des Amis du Peuple (1830-1833), mémoire de maîtrise, sous la direction de Louis Girard, Paris IV, 1978.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable